Lettre à Boualem Sansal

La Fédération nationale de la Libre Pensée a toujours combattu pour le Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et pour le Droit à l'indépendance des nations opprimées et des peuples sous le boisseau du colonialisme. C'est ainsi que le dirigeant historique de la Libre Pensée, André Lorulot, rencontra Messali Hadj à Niort où il était assigné en résidence par un gouvernement partisan de l'Algérie française, pour lui assurer de notre total soutien dans son combat libérateur. C'est dire si l'Algérie résonne toujours dans nos cœurs et nos consciences. C'est pourquoi nous avons diffusé largement "Lettre à Boualem Sansal" d'Ali Farid Belkadi. Ce qui nous a valu l'ire de l'extrême droite le JDD par exemple) et de bien d'autres. Il est des condamnations qui sont des décorations, quand elles sont prononcées par ces gens-là. Nous persistons et nous signons. Pour notre part, nous n'appelons jamais à la répression contre quiconque, et surtout pas contre nos adversaires, contrairement à d'autres qui n’ont que le numéro 17 dans leur annuaire téléphonique. La répression contre des idées est abominable par essence et aussi inefficace par nature. Christian Eyschen, Secrétaire général de la Libre Pensée

Lettre à Boualem Sansal
Par Ali Farid Belkadi

Il est des silences qui protègent et des paroles qui blessent. Il est des critiques qui éclairent et d’autres qui humilient. Et puis, il y a les mots de vos livres, jetés sans égard, sans tendresse, sans fidélité – comme s’ils ne venaient plus du pays, mais d’un balcon haut perché d’où l’on toise la foule algérienne, depuis Saint-Germain-des-Prés.

Monsieur Sansal, vous qui n’avez pas le talent du grand Kateb Yacine, il ne s’agit pas ici de vous interdire de critiquer. L’Algérie, comme toute nation vivante, doit être interrogée, secouée et, pourquoi pas, parfois même dénoncée. Mais toute critique n’est pas justice. Toute colère n’est pas courage. Et toute franchise n’est pas loyauté.

Lorsque vous parlez de votre pays l’Algérie, qui vous a tout donné, comme d’un navire échoué, irrécupérable, irrémédiablement corrompu ou fanatisé, vous ne décrivez pas l’Algérie – vous renforcez l’image que ses adversaires rêvent d’elle. Vous prêtez votre voix à ceux qui, depuis des décennies, veulent nous convaincre que le peuple algérien ne mérite ni son sol, ni son drapeau, ni sa liberté. Que l’Algérie était presqu’un désert sans nom. Qu’elle n’est qu’une simple création française.

Ce qui blesse dans vos propos, ce n’est pas la sévérité, c’est l’absence d’estime, l’absence d’espoir, l’absence de pudeur et l’absence de nuance, de teintes et de coloris. On peut dénoncer sans mépriser, ni honnir. On peut accuser sans abandonner. On peut désespérer sans mépriser le peuple dont vous êtes.

Vous parlez de l’Algérie depuis l’extérieur, mais vos mots entrent chez nous comme des coups de vent glacés. Et pendant ce temps, ici, des femmes enseignent dans des écoles de montagne, des médecins soignent dans des dispensaires reculés, des jeunes codent, innovent, s’organisent, écrivent. Ici, des hommes et des femmes, anonymes et dignes, tiennent debout, contre vents et marées.

L’Algérie est loin d’être parfaite – qui le nie ? Elle est encore blessée de ses contradictions, des influences d’un cruel passé colonial, entravée par ses héritages, cisaillée par les forces contraires de l’espoir et du repli. Mais elle est vivante. Elle n’est pas finie. Elle est toujours là. Et elle ne mérite pas d’être enterrée par ceux-là mêmes qui se disent ses enfants.

La parole qui guérit est une parole juste, mais aussi enracinée. Elle connaît la terre, les douleurs, les luttes, les mains calleuses, les prières à voix basse. Votre parole, bien souvent, semble ne plus parler de nous, mais seulement de l’idée que vous vous faites de nous.

Vous parlez à « eux » de « nous ». Vous dites du mal à « eux » de « nous ». Eux, dont vous êtes approximativement, par décret, opportuniste habile et malin, depuis quelques mois. Français de la dernière averse.

Nous ne voulons pas d’une Algérie muselée. Mais nous ne voulons pas non plus d’une Algérie méprisée, réduite à ses pires travers comme s’ils étaient sa seule vérité.

Ce pays a ses ténèbres, mais il a aussi ses belles clartés. Il a ses ombres, mais il a aussi des veilleurs, des bâtisseurs, des techniciens prestigieux, des myriades d’ingénieurs, des médecins en veux-tu en voilà, et des poètes silencieux.

Alors, à ceux qui ne croient plus, à ceux qui ont quitté la barque en jurant qu’elle coulerait, nous disons ceci : tant qu’il y aura ne serait-ce qu’un seul homme ou une seule femme pour croire, construire, transmettre, alors, l’Algérie ne sera jamais vaincue, elle sera encore et toujours là.

A bas l’impérialisme et à bas les prédateurs !
Que vive nos rêves de libérations de tous les peuples opprimés !

 https://www.fnlp.fr/2025/04/lettre-a-boualem-sansal/

COMMENTAIRES  

13/04/2025 23:17 par Jclaiude

Que vive l’Algérie, notre sœur de l’autre côté de la Méditerranée ! Une Algérie qui, pour une certaine clique "parisienne", a le malheur de n’être pas sujette à une doxa "occidentale". Ceux qui s’enivrent de suivre, diffuser et approuver cette doxa en écrasant les autres ne méritent que le mépris le plus appuyé.

Je ne peux qu’admirer les dires de Monsieur Ali Farid Belkadi.

Niortais, j’avais une collègue qui, plus jeune, rencontrait chaque matin Monsieur Messali Hadj, qui faisait sa promenade dans les rues, avec un soldat armé quelques pas derrière lui. Le vieux Monsieur ne manquait jamais de soulever son chapeau en croisant celle qui était encore une jeune fille. Que voilà un homme qui forçait le respect !

En revanche, un ami qui avait été en Algérie alors qu’il n’avait que 16 ou 17 ans, et s’était retrouvé chef d’équipe dans le bled, a assisté à des scènes atroces perpétrées par un officier français : cela l’avait profondément marqué. Je remets ici le lien vers le texte qu’il avait écrit, parce qu’il le fallait. Lui aussi avait aimé l’Algérie, à la fois aïeule chargée de souvenirs et de traditions, et jeune fille pleine de promesses, certaines illustrations de l’ouvrage en portent témoignage.

13/04/2025 23:53 par RBOBA

Qu’ajouter après cela, sinon : BRAVO ! Oui, ce "petit monsieur" n’a ni le talent, ni la noblesse et son (absence) de talent sera très vite oubliée contrairement à Kateb Yacine qu’on étudie dans les universités américaines et dont les Surréalistes Français, Breton en premier, je crois, avait reconnu l’immense talent. Des talents, si l’on se contente du littéraire, l’Algérie en a produit d’autres et d’un autre acabit que ce Sansal. Je pense à Rachid Boudjedra, dont l’écriture sans complaisance est autres chose que cette haine se soi que semble ressentir Sansal pour les (ex) siens et pour lui-même par richochet. Rachid Mimmouni également qui ne se gênait pas pour critiquer l’incurie des autorités algériennes et qui pourtant n’a jamais craché sur son pays et qui y est resté jusqu’au bout. Tahar Djaout (j’espère que je n’écorche pas son nom) grand écrivain à la plume si poétique et j’en passe et d’autres encore. Malek Haddad etc. M. Sansal, prenez garde que vos crachats ne vous reviennent pas en pleine figure en cas de grand vent. Et sachez que vous intéressez les petits marquis de la presse et de la littérature de Saint-Germain car vous servez leurs intérêts, vous leur servez de caution pour taper sur cette Algérie dont l’indépendance leur est restée en travers de la gorge. Mais n’oubliez jamais que quand ils en auront fini avec vous, que vous ne leurs servirez plus, ils vous rejetteront. Et vous finirez dans les oubliettes de l’histoire littéraire. Vous devriez rendre vos diplômes à l’Algérie qui vous a permis de les obtenir grâce à des études financées par elle et non par vous (sachez qu’en France, nombre d’étudiants et j’en ai fait partie, sont contraints de travailler pour financer leurs études).

19/04/2025 04:03 par claude Depollier

Merci pour ce texte. Merci pour l’Algerie et ses habitants que j’aime tant.

14/11/2025 23:15 par Lumineux

Il est libéré.
Sorti des geôles de la démocratie algérienne.

Certains vont porter le deuil...

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