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Mettre fin à la torture et à la négligence médicale de Julian Assange (The Lancet)

Le 22 novembre 2019, nous, un groupe de plus de 60 médecins, avons écrit au ministre de l’intérieur britannique pour lui faire part de nos graves inquiétudes concernant la santé physique et mentale de Julian Assange.

Dans notre lettre, nous avons documenté un passé de refus d’accès aux soins de santé et de torture psychologique prolongée. Elle demandait qu’Assange soit transféré de la prison de Belmarsh à un CHU pour y être éxaminé et recevoir des soins. Face aux preuves de torture, non traitée et continue, nous avons également soulevé la question de l’aptitude d’Assange à participer à la procédure d’extradition américaine.

N’ayant reçu aucune réponse substantielle du gouvernement britannique, ni à notre première lettre ni à notre lettre de suivi, nous avons écrit au gouvernement australien, lui demandant d’intervenir pour protéger la santé de son citoyen.

À ce jour, aucune réponse n’a malheureusement été reçue. Entre-temps, de nombreux autres médecins du monde entier se sont joints à notre appel. Notre groupe compte actuellement 117 médecins, représentant 18 pays.

Le cas d’Assange, le fondateur de Wikileaks, présente de multiples facettes. Il concerne le droit, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le journalisme, l’édition et la politique. Mais il est aussi clairement lié à la médecine et à la santé publique. L’affaire met en lumière plusieurs aspects préoccupants qui méritent une attention particulière et une action concertée de la part de la profession médicale.

Nous avons été amenés à agir suite aux témoignages poignants de l’ancien diplomate britannique Craig Murray et du journaliste d’investigation John Pilger, qui ont décrit la détérioration de l’état d’Assange lors d’une audience de gestion du dossier le 21 octobre 2019.

Assange était apparu à l’audience pâle, en sous-poids, âgé et boiteux, et il avait visiblement eu du mal à se rappeler les informations de base, à se concentrer et à articuler ses mots. À la fin de l’audience, il a "dit à la juge de district Vanessa Baraitser qu’il n’avait pas compris ce qui s’était passé au tribunal".

Nous avons rédigé une lettre au ministre de l’intérieur du Royaume-Uni, qui a rapidement recueilli plus de 60 signatures de médecins d’Australie, d’Autriche, d’Allemagne, d’Italie, de Norvège, de Pologne, du Sri Lanka, de Suède, du Royaume-Uni et des États-Unis, pour conclure : "Nous sommes d’avis que M. Assange a besoin de toute urgence d’une évaluation médicale experte de son état de santé physique et psychologique. Tout traitement médical indiqué doit être administré dans un hôpital universitaire (soins tertiaires) correctement équipé et doté d’un personnel spécialisé. Si cette évaluation et ce traitement urgents n’avaient pas lieu, nous craignons vraiment, au vu des éléments actuellement disponibles, que M. Assange ne meure en prison. La situation médicale est donc urgente. Il n’y a pas de temps à perdre".

Le 31 mai 2019, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, a rendu compte de sa visite à Assange, à Belmarsh, le 9 mai 2019, accompagné de deux experts médicaux : "M. Assange a présenté tous les symptômes typiques d’une exposition prolongée à la torture psychologique, y compris un stress extrême, une anxiété chronique et un traumatisme psychologique intense".

Le 1er novembre 2019, Melzer a averti que "l’exposition continue de M. Assange à l’arbitraire et aux abus pourrait bientôt lui coûter la vie".

Des exemples de communications mandatées par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture à l’intention des gouvernements sont fournis en annexe.

Ces avertissements et la présentation de M. Assange lors de l’audition d’octobre n’auraient peut-être pas dû surprendre. Après tout, avant sa détention dans la prison de Belmarsh dans des conditions équivalant à l’isolement, Assange avait passé près de 7 ans confiné dans quelques pièces de l’ambassade équatorienne à Londres. Là, il a été privé d’air frais, de lumière du soleil, de la possibilité de se déplacer et de faire de l’exercice librement, et de l’accès à des soins médicaux appropriés. En effet, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire avait qualifié cet enfermement de "détention arbitraire".

Le gouvernement britannique a refusé d’accorder à Assange un passage sûr vers un hôpital, malgré les demandes des médecins qui avaient pu lui rendre visite à l’ambassade.

Un climat de peur régnait également autour de la fourniture de soins de santé à l’ambassade. Un médecin qui a rendu visite à Assange à l’ambassade a documenté ce qu’un collègue d’Assange a rapporté : "Il a été très difficile de trouver des médecins qui étaient prêts à examiner M. Assange à l’ambassade. Les raisons invoquées étaient l’incertitude quant à savoir si l’assurance médicale couvrirait l’ambassade équatorienne (une juridiction étrangère), si l’association avec M. Assange pouvait nuire à leur gagne-pain ou attirer une attention non désirée sur eux et leur famille, et le malaise au fait d’être associé à Assange en entrant dans l’ambassade. Un médecin a exprimé son inquiétude à l’une des personnes interrogées après que la police ait pris des notes sur son nom et sur le fait qu’il rendait visite à M. Assange. Un médecin a écrit qu’il avait accepté de produire un rapport médical à la seule condition que son nom ne soit pas rendu public, par crainte de répercussions".

Il est inquiétant de constater que ce climat d’insécurité et d’intimidation, qui compromet encore plus les soins médicaux offerts à Assange, était intentionnel. Assange a fait l’objet d’une opération de surveillance secrète 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à l’intérieur de l’ambassade, comme l’a montré l’apparition d’enregistrements vidéo et audio secrets.

Il a été surveillé en privé et avec des visiteurs, notamment des membres de sa famille, des amis, des journalistes, des avocats et des médecins. Non seulement ses droits à la vie privée, à la vie personnelle, au privilège juridique et à la liberté d’expression ont été violés, mais son droit à la confidentialité entre médecin et patient l’a également été.

Nous condamnons la torture d’Assange. Nous condamnons le déni de son droit fondamental à des soins de santé appropriés. Nous condamnons le climat de peur qui entoure la fourniture de soins de santé à Assange. Nous condamnons les violations de son droit au secret médical. La politique ne peut être autorisée à interférer avec le droit à la santé et l’exercice de la médecine. Selon l’expérience du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, l’ampleur de l’ingérence de l’État est sans précédent : "En 20 ans de travail avec les victimes de la guerre, de la violence et de la persécution politique, je n’ai jamais vu un groupe d’États démocratiques se rassembler pour isoler, diaboliser et abuser délibérément un seul individu pendant si longtemps et avec si peu de considération pour la dignité humaine et l’État de droit".

Nous invitons nos collègues médecins à se joindre à nous en tant que signataires de nos lettres afin d’ajouter des voix supplémentaire à nos appels. Depuis que les médecins ont commencé à évaluer Assange à l’ambassade équatorienne en 2015, les avis d’experts et les recommandations urgentes des médecins ont été systématiquement ignorés. Alors même que les autorités désignées du monde entier en matière de détention arbitraire, de torture et de droits de l’homme ont ajouté leurs appels aux avertissements des médecins, les gouvernements ont n’ont fait aucun cas de l’autorité médicale, l’éthique médicale et le droit à la santé. Cette politisation des principes médicaux fondamentaux nous préoccupe beaucoup, car elle a des implications qui vont au-delà du cas d’Assange. L’abus par négligence médicale à motivation politique crée un dangereux précédent, par lequel la profession médicale peut être manipulée comme un outil politique, ce qui, en fin de compte, mine l’impartialité de notre profession, son engagement envers la santé pour tous et son obligation de ne pas nuire.

Si Assange devait mourir dans une prison britannique, comme l’a averti le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, il aurait été effectivement torturé à mort. La plupart de ces tortures auront eu lieu dans le service médical de la prison, sous la surveillance de médecins. La profession médicale ne peut pas se permettre de rester silencieuse, du mauvais côté de la torture et du mauvais côté de l’histoire, pendant qu’une telle mascarade se déroule.

Dans le but de défendre l’éthique médicale, l’autorité médicale et le droit humain à la santé, et de prendre position contre la torture, nous pouvons ensemble contester les abus décrits dans nos lettres et les faire connaître.

Nos appels sont simples : nous demandons aux gouvernements de mettre fin à la torture d’Assange et de lui garantir l’accès aux meilleurs soins de santé disponibles avant qu’il ne soit trop tard. Notre demande aux autres est la suivante : rejoignez-nous.

Nous sommes membres de Doctors for Assange (Médecins pour Assange). Nous déclarons qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts. Les signataires de cette lettre sont énumérés en annexe.

Traduction "ils ne s’en cachent même pas" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

Pour consulter les notes et références de cet article, voir le texte original

»» https://www.thelancet.com/journals/...
URL de cet article 35703
   
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"Au Salvador, les escadrons de la mort ne tuent pas simplement les gens. On les décapite, on place leurs têtes sur des piques et on garnit ainsi le paysage. La police salvadorienne ne tuait pas seulement les hommes, elle coupait leurs parties génitales et les fourrait dans leurs bouches. Non seulement la Garde nationale violait les femmes salvadoriennes, mais elle arrachait leur utérus et leur en recouvrait le visage. Il ne suffisait pas d’assassiner leurs enfants, on les accrochait à des barbelés jusqu’à ce que la chair se sépare des os, et les parents étaient forcés de garder."

Daniel Santiago,prêtre salvadorien
cité dans "What Uncle Sam Really Wants", Noam Chomsky, 1993

Commandos supervisés par Steve Casteel, ancien fonctionnaire de la DEA qui fut ensuite envoyé en Irak pour recommencer le travail.

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