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Mexique : affaire Cassez, les vrais enjeux.

L’ affaire Cassez empoisonne les relations diplomatiques entre le gouvernement de Felipe Calderón et celui de Nicolas Sarkozy. Tout pourtant semblait aller pour le mieux. Sous le double patronage du groupe militaro-industriel Safran et de «  Miguelito » Alemán Velasco, l’ «  année du Mexique en France » démarrait en fanfare. Expositions sur les cultures précolombiennes ou autour d’artistes prestigieux (José Guadalupe Posada, Diego Rivera, Frida Kahlo), festivals de cinéma et représentations théâtrales... Avec, en sous-main, toute une série d’activités moins «  grand public », mais beaucoup plus lucratives...et meurtrières.

En effet, la guerre livrée par le gouvernement mexicain, sous couvert de «  lutte contre le narco-trafic », vise essentiellement les populations rurales, indigènes, ou celles des quartiers populaires qui essaient de résister au pillage leurs richesses, aux destructions écologiques et à la désintégration économique et sociale.

Face à ces résistances, et aux «  dégâts collatéraux » causés par la rivalité entre les cartels, le marché de l’armement et des équipements ultra- sophistiqués de «  sécurité » et de surveillance connaît une véritable explosion dans le pays. C’est pourquoi le groupe Safran, déjà implanté dans l’Etat de Querétaro, Eurocopter, etc. voisinent dans le «  comité des mécènes » avec un groupe tel que Schneider Electric, spécialisé dans la «  gestion des énergies »(comprenons, dans l’appropriation de l’eau et des ressources minières), la construction d’hôtels de luxe, etc.

En décembre 2005, la jeune française a été arrêtée avec son ancien compagnon, Israel Vallarta, accusé d’être le leader d’une bande spécialisée dans les enlèvements, les «  Zodiacos ». Certes, des témoignages de victimes de cette bande, notamment une femme, Cristina Rà­os Valladares, et son enfant de 11 ans, accablent Florence Cassez. Et nombreux sont les Mexicains qui croient à sa culpabilité. Mais la conditions mêmes de cette arrestation, «  rejouée » pour les journaux télévisés, montrent bien que la police tenait des coupables, avant même le jugement. Un autre témoignage, celui de David Orozco, et signalant Vallarta et Cassez comme les dirigeants de la bande, a été «  arraché sous la torture », selon cet homme qui par la suite se rétractera publiquement.

Nous nous en tiendrons à remettre en cause une justice aux ordres d’un pouvoir qui choisit soigneusement ses coupables, et épargne presque toujours les puissants. Mais le Mexique est-il le seul pays où cela se passe ainsi ? En outre, dans ce contexte de violence et de corruption généralisées, les monstrueuses peines de prisons n’ont qu’un but : effrayer la population, la dissuader de toute résistance. Car une grande partie des détenus, qui vivent dans des conditions effroyables, soumis aux menaces et extorsions en tout genre de la part des gardiens et des caïds, sont emprisonnés pour des raisons on ne peut plus politiques, liées à leur opposition aux abus et autres «  projets » des pouvoirs locaux ou régionaux.

Tel est actuellement le cas, parmi tant d’autres, au Chiapas, où 140 paysans indigènes mayas tseltal, sympathisants de l’ «  Autre Campagne » de l’EZLN, ont été récemment arrêtés par la police et l’armée. Leur crime était de refuser que les partisans du pouvoir local monopolisent l’accès au site touristique des cascades d’Agua Azul. Après plusieurs jours d’incarcération et de tortures, 10 d’entre eux ont été transférés à la prison de Playas de Catazajá, accusés de meurtre.

Il est à craindre que Martine Aubry et Michèle Alliot Marie, qui menacent de boycotter l’année du Mexique en France, demeurent tout à fait discrètes sur ce genre de situation.
Et qu’elles ne diront rien pour dénoncer le commerce des armes ou le saccage des territoires indiens, pendant que l’on montre les oeuvres d’une Frida Kahlo, qui admirait la culture indigène, ou que l’on s’extasie devant les masques de jade mayas...

Jean-Pierre Petit-Gras

février 2011

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COMMENTAIRES  

13/02/2011 18:36 par Anonyme

notes
1/ Miguel Alemán était surnommé Miguelito par allusion à son père, Miguel Alemán Valdés, qui fut président de la république mexicaine. Etudiant à la fin des années 1950, il avait obtenu tous ses diplômes, et son titre d’avocat, sans pratiquement mettre les pieds en cours. Ce qui ne l’a pas empêché de faire une brillante carrière d’entrepreneur et homme politique, notamment comme gouverneur de Veracruz. Sous son mandat, les cartels du narco-trafic ont eu le vent en poupe...

2/2009 et 2010 ont été respectivement saison de la Turquie et année de la Russie en France. On a pu à cette occasion apprécier les efforts déployés pour rapprocher les populations entre elles, et faire progresser les «  libertés » dans nos trois pays. Pour ce qui est des «  comités de mécènes » finançant les «  manifestations culturelles », les marchands d’armes et de surveillance, de béton, de pharmacie et de technologie nucléaire étaient déjà bien représentés.

3/ Les responsables de ces festivals, que les entreprises utilisent comme autant de cautions pour prouver leurs bonnes intentions, et leur attachement à la «  culture de ce grand pays », tentent de justifier leur passage à la caisse : «  nous montrons des films critiques... », «  nous recevons des artistes engagés... ». Bravo pour tant de courage !

14/02/2011 12:48 par Du rotary au col mao

Je ne sais pas si Florence Cassez est coupable ou innocente. Mais je pense que si de nombreux français croient à son innocence, c’est surtout par racisme envers l’Amérique Latine et les latino-américains : bien entendu, dès que des juges latino-américains condamnent un(e) français(e), ce ne peut être qu’à tort, car la police et le système judiciaire de ces pays-là ne peuvent être que xénophobes et corrompus. Comme l’article le dit, il y a de nombreux témoignages concordants et accablants contre Florence Cassez, et, personnellement, je ne comprends pas pourquoi elle continuait à habiter sous le même toit que son ex-compagnon après leur séparation, ni comment elle aurait fait pour ne pas se rendre compte de la présence d’otages dans la maison où elle habitait. Ceci dit, je pense qu’infliger des peines de prison de 80 ans est sinistrement grotesque, quel que soit le crime (ils n’ont pas de perpétuité au Mexique ?).

Le silence absolu des médias et des autorités françaises sur Salah Hammouri me conforte dans mon scepticisme.

14/02/2011 13:15 par legrandsoir

des peines de prison de 80 ans est sinistrement grotesque

Ca doit être cumulable comme aux états-unis, où vous pouvez vous faire condamner pour DEUX peines à perpétuité PLUS quelques années (cas d’un des cinq cubains emprisonnés aux US pour avoir lutté contre le terrorisme...)

14/02/2011 13:00 par kounet

les saloperies continuent plutôt bien que mal .Certes la justice au Mexique n’est pas claire mais elle ne l’est guère dans aucun autre pays, à commencer par le notre .Se méfier de tout ce que cautionnent nos droites, PS inclus !

14/02/2011 17:02 par alfare

C’est dur d’aller chercher sur un site d’intolérants une voix discordante en france sur cette affaire mais ça existe,

http://www.sedcontra.fr/La-Une/Affaire-Cassez-qui-a-menti.html

oui sur leur site y a beaucoup d’article a vomir et dans tous les domaines

mais pour une fois que quelqu’un de pense pas ici que les mexicains sont comme hollywood les présente depuis plus d’un siècle

on peut quand même les écouter ou mieux écouter les mex

14/02/2011 17:28 par alfare

il faut bien constater aussi le deux poids deux mesures :

tous les français ne sont pas défendus pareil

http://www.humanite.fr/13_02_2011-otages-le-gouvernement-fran%C3%A7ais-deux-poids-deux-mesures-il-faut-faire-savoir-la-v%C3%A9rit%C3%A9-46

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