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Nigeria : guérilla dans le Delta du Niger, par Kohou Mbwélili.








Inprecor, juin-juillet 2007.


Depuis plusieurs mois, les conflits qui secouent la région Est du Nigeria, autour du delta du fleuve Niger, ont connu de nouveaux retentissements, en raison d’une part de l’impact qu’à eu cette agitation sur les cours du pétrole et, d’autre part des spectaculaires prises d’otages d’expatriés internationaux qui s’y sont déroulées. Un groupe en particulier, le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (MEND en anglais) s’est fait remarquer par le caractère novateur et beaucoup plus politique de ses actions. Dans un contexte d’importantes échéances électorales, ce regain du militantisme " ethnique ", même s’il ne va pas sans ambiguïtés, correspond néanmoins à une dynamique de résistances légitimes face à un système d’exploitation dont les conséquences humaines, sociales et environnementales particulièrement catastrophiques.


Le " paradoxe " pétrolier

Aux origines de la crise on trouve le problème de la gestion de la manne pétrolière. Découvert en 1956, le pétrole représente aujourd’hui 95% des recettes d’exportation et 80% du revenu du Nigeria. Le pays est ainsi devenu le sixième exportateur mondial (et le cinquième fournisseur des États-Unis), avec un revenu de plus de 34 milliards d’euros en 2006. Pourtant, l’or noir n’a pas fait le bonheur de tous, loin de là . Gérée par six grandes compagnies étrangères en partenariat avec l’État nigérian, l’extraction pétrolière ne profite qu’à ceux-là . Le pays, troisième puissance économique du continent, occupe la 158-ème place mondiale de l’indicateur de développement humain (et la 30-ème place africaine). La population nigériane, dont près de 70% vit sous le seuil de pauvreté, est la première victime d’un véritable pillage organisé. Et la situation dans le delta du Niger, région qui fournit 90% du pétrole nigérian, est particulièrement emblématique de cette exploitation éhontée. Une bonne partie des revenus pétroliers qu’elle est censée recevoir se volatilisant souvent dans les poches des élites locales, c’est la région le moins développée du pays. La population connaît une pauvreté importante : l’emploi local est faible et les ressources autrefois importantes comme la pêche ou la chasse sont désormais impossibles avec l’augmentation des constructions pour la production de pétrole et l’augmentation du trafic de camions et de bateaux de transport. En outre, l’industrie pétrolière a engendré de nombreuses pollutions qui font du delta du Niger l’un des lieux le plus pollué de la planète.


Résistances

Cette situation dramatique a depuis longtemps créé des tensions dans la région, mais ce n’est véritablement qu’à partir du début des années 1990 que le conflit entre différentes communautés qui réclament réparation pour les préjudices subis du fait de l’exploitation pétrolière, et les multinationales du secteur, prend une nouvelle dimension. La réponse extrêmement brutale de l’État, qui, aussi bien d’ailleurs sous les dictatures militaires que sous le régime civil installé depuis 1999, réprime violemment ces mouvements, va conduire à la radicalisation des groupes militants et à un quasi état de guerre permanente.

C’est dans ce contexte déjà hautement volatile qu’apparaît au début de l’année 2006 le MEND. Les objectifs affichés de ce groupe, aux origines et aux contours peu clairs, sont la réappropriation locale des ressources pétrolières et le paiement de réparations pour le préjudice environnemental. Pour cela il s’est engagé dans une série d’actions de guérilla contre les compagnies pétrolières, dans le but de " détruire totalement la capacité du gouvernement nigérian à exporter le pétrole ". Depuis, le MEND a organisé des attaques contre des installations pétrolières, l’enlèvement de ressortissants étrangers travaillant pour des compagnies, et même des attentats à la bombe contre les institutions fédérales. Ce qui distingue le groupe des autres militants du delta, ce sont ses tactiques sophistiquées et modernes. Ses militants, particulièrement bien entraînés, attaquent toujours en petits groupes d’unité extrêmement mobiles, au moyen d’un équipement ultra performant, choisissant efficacement des actions et des cibles susceptibles de susciter un maximum d’impact. Ils ont ainsi réussi à mettre en échec les unités d’élites de l’armée nigériane et les mercenaires employés par les compagnies privées. Les résultats de toutes ces actions n’ont pas tardé à se faire sentir. Les enlèvements et les attaques contre les infrastructures pétrolières ont fait chuter la production journalière de pétrole, occasionnant une perte de près de 4 milliards de dollars, et contraint certaines compagnies à quitter la région. Le gouvernement fédéral ne parvient pas à reprendre le contrôle de la situation malgré les énormes moyens, essentiellement répressifs, déployés. Les " forces de l’ordre " sont régulièrement impliquées dans des exactions contre les civils qui discréditent encore plus le pouvoir central.


Problèmes stratégiques

Mais de l’autre côté, la stratégie du MEND achoppe également sur un certain nombre de contradictions. Chaque année des milliers de personnes meurent à cause des violences qui s’exercent dans la région. Outre les mouvements rebelles aux revendications politiques, de nombreuses bandes armées animées par le seul appât du gain opèrent dans la région. Leurs activités vont du siphonnage d’oléoducs pour revendre le pétrole détourné sur le marché parallèle, aux enlèvements d’expatriés contre lesquels elles demandent de fortes rançons aux compagnies pétrolières, en passant par les extorsions en tous genres de la population. La compétition pour le contrôle des revenus pétroliers a aussi causé de violents affrontements entre des milices ethniques au service d’intérêts politiciens concurrents. Les frontières sont souvent très floues entre ces différents groupes, et leurs actions en sont parfois brouillées. Par sa nature, le MEND contribue à ce mélange des genres. L’organisation maintient secrète l’identité de ses membres, qui refusent d’apparaître à visage découvert et communiquent publiquement essentiellement par couriels. Elle est par là même vulnérable aux manipulations et aux usurpations. Elle est également étroitement liée à la Niger Delta People’s Volunteer Force, une milice Ijaw aux tendances sécessionnistes. Enfin, et plus fondamentalement, si elle appelle à l’union de toutes les forces militantes du delta du Niger contre, elle ne semble pas avoir de politique particulière à l’égard de ceux-là même qui sont déterminant dans cette lutte : les travailleurs du secteur pétrolier. Organisés dans deux puissants syndicats, le NUPENG (syndicat des cols bleus) et le PENGASSAN (syndicat des cadres), ces derniers ont littéralement la haute main sur le principal robinet de l’économie du pays. A eux seuls ils peuvent déclencher des grèves générales qui paralysent tout le système. Plus que tout autres, c’est avec ce secteur en particulier qu’une convergence stratégique serait en mesure de vaincre définitivement l’exploitation et l’oppression des peuples de la région, et de l’ensemble du pays.

Jusqu’ici, le MEND a su maintenir un profil politique relativement clair, qui lui a valu de nombreux soutiens parmi les populations, et même un certain respect dans l’opinion publique nationale. L’écrivain, prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, en parle comme des " jeunes gens, fortement motivés. Ce ne sont pas des voyous, ni de la vulgaire racaille, comme on les dépeint parfois. Ils sont disciplinés. Et ils sont déterminés à corriger des décennies d’injustice, et c’est tout ce qu’ils recherchent vraiment. Vous pouvez être en désaccord avec leurs méthodes, mais croyez-moi, personne ne devrait sous-estimer la motivation très profonde qui pousse ces gens ". En termes marxistes, cela se traduit par " soutien inconditionnel et critique ".

Kohou Mbwélili

Kohou Mbwélili, chercheuse spécialiste du Nigeria, est militante africaine à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR, section française de la IVe Internationale).


- Source : Inprecor www.inprecor.org




Nigeria : Pourquoi le volcan noir du pétrole explose, par Okechukwu Anyadiegwu.


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