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Oasis et Métropoles

QUELLES VILLES EN MEDITERRANNEE ? Pour la 9ème année consécutive, se dérouleront à Marseille « la semaine économique de la méditerranée », dont la thématique centrale porte cette année sur « les villes, comme acteur du développement économique durable ». Observons tout d’abord que l’on ne parle pas de « Métropole », mais de ville. L’interrogation posée est majeur du fait de l’approfondissement des crises (Crise écologique, crise migratoire, crise financière, crise des dettes, crise économique et sociale), qui est en fait une crise de la mondialisation, comme système économique dominant. De ce fait, les villes sont-elles ou peuvent-elles être une réponse à cette « agglomération  » de crises ?

QUELLE PRESENTATION ? Dans le cadre de cette nouvelle conférence de réflexions, un atelier a pour titre :

 « OASIS URBAINES Lab.... Vers des villes durables :

-Face au dérèglement climatique, vive les villes vertes- »

S’en suit la précision suivante : « Cette table-ronde sera pour nous l’occasion de présenter officiellement le projet « OASIS URBAINES Lab. » »

LE MELANGE DES MOTS : Comment ne pas être attiré par l’intitulé, comment ne pas être sensible aux mots utilisé ??? « Villes durables », « villes vertes », « Oasis Urbaines »…. Le mélange des mots qui sont à la mode, et qui suivent l’interrogation majeure du siècle « Dérèglement climatique », ne peuvent qu’attirer le désir de « consommer », une « tranche de connaissances » au milieu de la « jungle urbaine » du « territoire de la Métropole » et de ses « mobilités imposées ». Observons déjà cependant l’ambiguïté des mots utilisés. Car pour faire moderne, l’anglais du marché est appelé à la rescousse, d’où l’expression « oasis urbaines lab. »…. Mais question s’agit-il de « Lab » de Labour (« Travail ») ou de « Labory », qui signifie « laboratoire ». Seuls ceux qui parlent et utilisent au quotidien « l’anglais du marché », savent que, dans l’économie de marché on ne parle jamais du « labour », hormis pour condamner ses couts (« couts du travail  ». De ce fait, pour développer sa compétitivité le marché a besoin d’un « laboratoire urbain », qui s’appelle d’ailleurs METROPOLE.

LA PRECISION DES MOTS : Le français a cette caractéristique désagréable pour les « anglo-saxons du marché », de posséder un dictionnaire, qui depuis les encyclopédistes, causes profondes de la Révolution de 1789, donne le sens profond des mots utilisés. Alors commençons :

Depuis 1789, notre Pays est politiquement organisé en communes. Que dit le Larousse sur la commune ?

COMMUNE : « Qui appartient à tous, qui concerne tout le monde, à quoi tous ont droit ou part : Les parties communes d’un immeuble. S’en suit une deuxième approche : « Qui est propre au plus grand nombre ; général, public : L’intérêt commun » [1].En fait la commune représente l’association de tous les citoyens à la décision commune. Il n’y a pas plus démocratique que la Commune.

Poursuivons par la ville :

VILLE : « Ensemble des habitants de cette agglomération ». De fait les communes importantes du fait du nombre d’habitants de la diversité des activités économiques (Agriculture, industries, services, commerces), et de leur densifications urbaines (cités) prennent le nom de ville. Cela ne modifie en rien le processus de décision, qui reste celui de la Commune.

METROPOLE : « Chez les Grecs, cité mère, par opposition aux colonies ou clérouquies qu’elle fondait ». Dans cette définition, on n’est déjà plus dans la « cité » grecque de la « République » chère à Platon, mais dans une logique de domination de la « cité mère » sur ses « territoires  », définis comme coloniaux. Vient alors le deuxième sens : « Chef-lieu d’une province ecclésiastique et siège de l’archevêque métropolitain ». Nous ne sommes plus là dans la République et la laïcité, mais dans l’organisation administrative de la religion catholique. Vient enfin le troisième sens pris : « État considéré par rapport à ses colonies, à ses territoires extérieurs ». Où l’on retrouve ici, le sens premier grec, d’un centre de commandement et d’une périphérie commandée.

LES EMEUTES URBAINES DE 2005 : En 2005, suit à une nouvelle bavure, eurent lieu des émeutes urbaines de grande ampleur, qui durèrent une vingtaine de jours environ [2]. Des jeunes des « quartiers défavorisés », dans des grandes villes, faisant Métropole (Paris, Lyon, Lille, Toulouse). L’Etat d’urgence avec couvre-feu, fut pris pendant trois semaines, un peu comme si nous étions en guerre, mais une « guerre intérieure » et de nature sociale. Cet événement a tellement marqué les esprits, qu’un article vient encore d’en rappeler l’importance : « Soulèvement urbain : Le spectre des émeutes de 2005 hante encore les forces de l’ordre » [3]. Mais que signifie le mot émeute : « Soulèvement populaire, mouvement, agitation, explosion de violence  ». L’émeute ne nait donc pas de rien, elle est une réaction face à la violence sociale subie au quotidien. En un sens elle est une éruption des violences sociales subies.

LA NOVA LANGUE METROPOLITAINE : La loi qui impose les métropoles poursuit sans le dire, l’œuvre de destruction sociale, engagé par la rupture des années 80 et du système économique mis en place, dénommé « mondialisation  » et dont les « krachs boursiers successifs » [4] sont l’apanage et la marque. Mais à chaque crise financière qui « brûle » l’argent de la spéculation, les Etats doivent trouver les moyens réels pour nourrir la bête, dont la prédation n’a pas de fin. Alors au nom du « marché libre et non faussé  », on « baisse les charges », on réduit les « dépenses publiques », on « soutient l’investissement » par baisse des impôts des plus riches, la contrepartie du marché étant de « déclamer » qu’il va « créer de l’emploi » [5].

Et pour ce faire, le politique impose les METROPOLES, dont le seul objectif est la compétitivité (Art 52-17 de la loi). Avec la Métropole, c’est la « nova-langue » patronale qui s’impose. Il faut développer des politiques « d’attractivité » et de « marketing  » pour « promouvoir » le « territoire » avant la « dead-line  ». Le « management territorial » [6] se substitue à l’aménagement, et il faut développer une politique de « mobilité » métropolitaine, qui facilite les flux. Pour briller en « société métropolitaine » [7], il suffit de connaitre environ une cinquantaine de mots dont certains, évidemment sont obligatoirement à glisser « in english » dans le texte (Dead-line, marketing, cluster, benchmarking, urban-lab, Think-tank, insider, outsider etc…).

Placer ces mots au bon moment vous offre la possibilité de pouvoir réaliser du « business  ». Bien entendu les mots de « prolétariat », « classe ouvrière », ou « lutte des classes », seraient plus que déplacés…

MAIS POURQUOI LA METROPOLE A-T-ELLE BESOIN D’OASIS ? A écouter les promoteurs de la METROPOLE, celle-ci représenterait l’avenir de la ville, son évolution inéluctable, permettant de régler des problèmes que la ville, ne peut pas régler.

La Métropole serait la clef de tous nos problèmes d’emplois, de logements, de pollution, des déplacements etc.). Si la métropole se fixe comme objectif de développer la « ville durable », et partagée, pourquoi ont-ils besoin de créer des oasis ? Et d’en parler comme un objectif ?? Mais sait-on précisément ce qu’est la définition d’oasis ?

  • OASIS : « Îlot de terrain, apte à la végétation et à l’habitation humaine, perdu au milieu d’espaces désertiques »…. « Zone fertile dans une étendue de terrains arides »….. « Tout lieu, toute situation qui offre une détente, un repos, qui se présente comme une exception au milieu de ce qui est désordre ».

C’est par la définition de ce qu’est une oasis et de ce qu’elle propose, qu’on comprend mieux ce que va nous « offrir » la METROPOLE

Si l’oasis est un « ilot de terrain… perdu au milieu d’espace désertiques », c’est que les « territoires de la métropole  » seront ces « espaces désertiques » et qu’il faudra bien constituer « des zones fertiles de détente et de repos » pour le « capital nomade », d’où la politique des « gratte-ciels », attribut des métropoles du monde.

Pire, la définition précise qu’il s’agit d’offrir un espace d’exception, face au « désordre ». Il y aurait donc un « ordre métropolitain », qui s’opposerait de fait au « désordre des territoires ».

La métropole, ne permet donc en aucun cas, une société apaisée, mais réalimente, comme jamais antérieurement…. « la lutte des classes  ».

METROPOLE ET LUTTE DES CLASSES : Là encore, il suffit simplement de lire quels sont les objectifs de la métropole : La lecture des documents valorisant les métropoles, insiste sur la nécessité de capter « la classe créative », c’est-à-dire l’ensemble des actifs dont l’activité tourne autour de la « création d’idées », qu’il n’y aurait plus qu’à valoriser, rôle dévolue à la « classe entrepreneuriale », dont le rôle et l’utilité serait de financer en vue de valorisation. Pour y arriver, la Métropole a besoin de la « classe créative », objet de toutes les attentions, d’où les politiques « d’attractivité, et de rénovation urbaine », visant à, les « capter » et à les « fixer ». Observons dans ce cadre, que la métropole réintroduit le concept de « classes sociales », car si la « classe créative » est reconnue en tant qu’acteur majeur, au côté de la « classe entrepreneuriale », il existe de fait, à côté, une autre classe qui habite la métropole ou plutôt ses « appendices périphériques », dénommés ici « territoires  » [8], traité comme « variable d’ajustement » du système métropolitain, et pourtant indispensable au fonctionnement global. Cette question d’analyse en termes de « classes sociales », renvoie à notre histoire économique et la première analyse effectuée par Quesnay, qui ne voyait chez les « paysans producteurs » que la seule « classe productive », comme aujourd’hui, les « politiques métropolitaines » ne reconnaissent que la « classe créative ». Rappelons qu’à cette époque, la classe complémentaire, s’appelait …. la « classe stérile », constitué notamment des artisans. On peut donc à l’image de Quesnay, et en s’appuyant sur les concepts utilisés, représenter le « tableau économique de la Métropole  ». Observons dans ce cadre, que les fonctionnaires sont mis dans la case improductive, ce qui explique tout le discours tenu aujourd’hui (trop nombreux, trop couteux, etc).

Faut-il de ce fait, considérer ceux qui n’appartiennent ni à la « classe créative », ni à la « classe entrepreneuriale » comme improductifs, en rapport à l’objectif de compétitivité, objectif premier des métropoles ? Cette approche qui s’applique à la métropole, expliquerait en fait, ce qui suit…

1] La pauvreté souterraine : Elle n’est jamais visible sur les « photos marketing », pourtant elle existe et elle percute les voyageurs, ceux du quotidien [9] comme ceux au long cours [10]. Cette pauvreté ne reste pas comme au moyen âge, confinée dans « la cour des miracles », si bien décrite par Victor HUGO, dans « notre dame de Paris ». Utilisant les canaux de la « mobilité métropolitaine », elle déborde au point d’envahir « l’hyper-centre  » et « cancériser » l’image que l’on cherche à vendre, dont il ne reste plus après coup, que le « clinquant marseillais ». Ce mécanisme engendre de fait, une forme de « tourisme d’archipel » conséquence de « l’économie d’Archipel » [11] spécifique aux métropoles.

Les politiques de promotions oublient bien souvent un aspect essentiel, la « richesse attire la pauvreté », car, pour un pauvre, qui applique lui aussi la « loi du marché  », il n’est pas « rentable » de faire la manche en bas des cités dans les quartiers pauvres. Au moyen-âge, les mendiants se rendaient sur les marches des églises, sachant que la noblesse du château s’y rendrait et qu’après le sermon du curé, l’obole serait ainsi jetée. Il en n’est de même aujourd’hui dans la métropole. Les pauvres ne font plus la manche au pied des églises délaissées, mais sur les carrefours de la métropole. A se demander l’efficacité réelle des politiques de marketing développée de manière intensive, mais pouvant être détruite… au coin de la rue.

Remarque théorique : La pauvreté se justifie dans le cadre libéral. Les pauvres, les chômeurs, les exclus, sont de fait considérés comme des « acteurs de marché » ayant fait les mauvais choix « ex-anté ». Leur situation sociale, ne vient que sanctionner cette erreur d’appréciation au même titre que lorsqu’une entreprise perd un marché, voir disparait, c’est qu’elle a elle aussi fait un mauvais choix. En rangeant les fonctionnaires, les pauvres, les précaires, dans la « classe stérile », on retrouve cette forme de raisonnement du « mauvais choix ». C’est ce raisonnement poussé jusqu’au bout, qui explique la position qui consiste à dire que ce sont des « assistés » et qu’en réduisant (d’où la hausse des contrôles) voire en supprimant les aides, le précariat (précaires-chômeurs), serait obligé de chercher une activité ou de la créer (Autoentrepreneur), réduisant d’autant les « dépenses sociales », augmentant de fait la compétitivité de la Métropole.

2] Gentrification et segmentation sociale : A force de rechercher à capter la seule « classe créative », en expulsant en périphérie, la population résidente, on assiste à un mécanisme de « gentrification de l’Hyper centre », et de la paupérisation des quartiers : « Le Compas publie pour la seconde fois des données sur les taux de pauvreté des 100 plus grandes communes de France, des chiffres inédits. Les taux s’échelonnent de 7 à 45 % et montrent les écarts qui structurent la France des grandes villes. Cette année, nous mettons un coup de projecteur particulier sur les arrondissements des trois plus grandes communes de France : Paris, Lyon et Marseille. Là aussi, les taux moyens masquent des inégalités considérables, avec des taux pouvant dépasser 40 % dans certains territoires. La pauvreté se concentre dans certaines parties de territoire, qui constitue par effet d’agglomération, des « ghettos de pauvreté ».

3] Les quartiers, ou le retour de la « cour des miracles » : La cour des miracles était au « moyen-âge  » un espace de « non droits » [12] de Paris, où se retrouvaient les gueux et les miséreux. Ainsi dénommé, car, comme par miracle toutes les infirmités montrés aux passants étaient guéris à l’entrée de cette cour, l’aveugle retrouvait la vue, le manchot son bras… etc. Aujourd’hui à Marseille, on retrouve ces « espaces de non droits » qui se retrouvent dans les quartiers, à tel point que certains élus voulaient faire intervenir l’armée : « Ça ne sert plus à rien d’envoyer un car des CRS pour arrêter des dealers. Quand dix d’entre eux sont arrêtés, dix autres reprennent le flambeau ! C’est comme combattre une fourmilière. Aujourd’hui, face aux engins de guerre utilisés par les réseaux, il n’y a que l’armée qui puisse intervenir. Pour désarmer les dealers d’abord. Et puis pour bloquer l’accès des quartiers aux clients, comme en temps de guerre, avec des barrages. Même si cela doit durer un an ou deux, il faut tenir. » [13]

4] Métropole et politique de ségrégation ? De fait, de nombreuses villes et élus sont confrontés depuis le début de la « crise du XX ème siècle » [14] à un mécanisme de paupérisation des quartiers, conséquence de la montée du chômage de masse, consécutif à la fermeture des entreprises industrielles, induits par le tryptique Libre échange/ Compétitivité/ concurrence, imposé par le Capitalisme mondialisé.

Au-delà des licenciements, cette situation ne permet plus à la jeunesse de ces quartiers, même qualifiée de pouvoir trouver un emploi. Cette réalité est connue jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, puisque le premier ministre lui-même évoquant les « misères sociales » parle « d’apartheid social, territorial, ethnique » [15]. En favorisant la « captation » de la seule « classe créative », les processus de métropolisation, ne renforcent-ils pas ces aspects ???

5] Quand la médiation se substitue aux « rapports sociaux » : La ville se définit, au-delà des routes, du béton et des bâtiments, par un « rapport social », qui définit aussi un rapport politique, qu’entretiennent les gouvernants avec les gouvernés qu’exprime le conseil municipal. Dans l’Histoire, la ville a été objet de confrontations, dont les révolutions de 1838 [16], 1848, et 1871 ont marqué notre histoire commune, que traduisent les lois. Par ces faits, constitutifs de la ville, leurs responsables politiques, quelques soient la sensibilité politique, intégraient la « question sociale » comme une question essentielle dans la « gestion commune ». Nous sommes alors, non dans une politique de libéralisation, mais « d’économie mixte », définie par le programme du C.N.R [17]. Quand dans l’entreprise, le syndicalisme de lutte est puissant, il existe alors des rapports sociaux (I.R.P) [18], qui donnent la possibilité de négocier sans conflits, c’est ce qui se passe depuis 1968, dans les grandes entreprises. Les luttes sociales ont fait la ville et ont contribué à définir le « vivre ensemble », qu’exprime avec force le mot de Solidarité, que formalise l’impôt sur les revenus (Progressifs).

La métropole imposant la priorité de la « compétitivité  » détruit les rapports sociaux de la ville et de ses équilibres, pour imposer les seuls rapports financiers, d’où l’objectif de « compétitivité », qui nécessite pour s’imposer, la « gouvernance » [19], qui mets à mal la démocratie. C’est cette logique optimisée sur Marseille, qui explique en retour le développement des « trafics de survie », et ses traductions en termes de « règlements de comptes », tel que le visualise la carte. C’est au vu de la violence générée, que la ville, pour compenser cette dégradation, développe les « médiateurs sociaux », notamment dans les transports publics. L’introduction des « médiateurs sociaux » démontre que les rapports sociaux de la ville ont été détruits.

Remarque : Quand des autorités locales introduisent le concept de « médiateurs sociaux  », c’est que la nature profonde de la ville a changé, car la ville est un rapport social. Y compris au moyen âge, la ville était plus collective. Les pauvres, les mendiants utilisaient la même rue. La « segmentation sociale » se faisait par étage. La bourgeoisie en bas, la « chambre de bonne » en haut. Dans la métropole, la segmentation se fait par « territoire » (quartiers). Les quartiers pauvres de la périphérie devenant la nouvelle « cour des miracles » de la Métropole. Observons aussi que le concept de « territoire  » est le terme commun tant pour l’économie sous terraine des trafics (« garder un territoire  »), que pour l’économie de la métropolisation (« territoires métropolitains »). A Marseille, le concept de « quartiers nords » définit un espace social dégradé, pas un « point cardinal ».

QUAND L’ESTHETIQUE URBAINE SE SUBSTITUE A L’ESTHETIQUE SOCIALE : Qui ne voudrait pas habiter et vivre dans ces photos-là, où tout semble paisible, décoré, illuminé donc maîtrisé, « vivable et plus…. si affinité » ?

C’est là où « la lumière aveugle l’esprit », car derrière ces photos d’apparat se cache aussi une « violence sociale » diurne et nocturne engendrant les mécanismes de pauvreté et de ségrégation urbaine visualisés plus haut.

Les « photos métropolitaines » ne montrent que la face éclairée des métropoles, jamais le monde sous terrain, celui de l’économie « sous terraine » et des trafics en tout genre, liés aux logiques de survie [20]. On se situe à ce niveau d’images, dans le « clinquant urbain », susceptible de pouvoir développer de l’attractivité, et de de la captation, au sens cosmologique du terme.

Mais où se cache le développement réel, derrière cette féerie de lumières ? Les images elle-même trichent avec la réalité, transformant une pollution (les voitures qui circulent) en « traits de lumière ».

L’esthétique urbaine a donc une fonction de déguisement, qui permet de masquer la réalité des rapports sociaux. Ceux-ci opposant les « in  » et les « out », les « intégrés » de la métropole et les « marginalisés » des « territoires de relégation », créant ce qu’on appelle : « une économie d’archipel ».

UNE ECONOMIE D’ARCHIPEL : En fait ce que cachent véritablement ces images de lumière, c’est la réalisation d’une « métropolisation de la ville », axée sur la « mondialisation des territoires » [21], favorisant le développement d’une « économie d’Archipel », au sens où le définit Pierre Veltz : « Ce livre explore les relations entre les trois grands processus contemporains : la mondialisation et la globalisation de l’économie ; la mutation en chantier des firmes, de la production du travail, qui s’éloignent de la production de masse taylorisée ; la concentration territoriale croissante de l’économie, en faveur des grandes métropoles mondiales, et les écarts qui se creusent à toutes les échelles, entre zonez intégrées et zones périphériques ou délaissées du territoire [22] ».

La « métropolisation des rapports sociaux » configure un territoire formaté sur la mondialisation, entre des espaces réduits « d’accumulation de richesses », d’investissements, d’urbanisme de qualité, de culture et de mode de vie intégré (des « classes créatives et entrepreneuriales »), et de vastes espaces délaissés ou relégués, dénommé territoires, sur lesquels se retrouvent, « la classe stérile », vaste « armée industrielle de réserve » [23], dont a besoin de manière épisodique la Métropole, expliquant par ailleurs les flux pendulaires permanents, dénommés, mobilité, qui pourtant pèse négativement, sur la perception de la « classe créative », que l’on cherche tellement à capter .

On ne peut dans ce cadre, qu’assister à une montée des inégalités sociales, débouchant sur un « système fractal », d’où le besoin absolu « d’OASIS URBAINS » expliquant l’objet de cet article.

TOURS DU BUSINESS OU CATHEDRALES DE LA FINANCE : Au moyen-âge, le peuple allait prier dans des cathédrales. L’observation attentive de l’architecture des métropoles dévoile des tours, là aussi dressés vers le ciel comme une prière bien souvent adressée au dieu du « business ». Mais le « business mondialisé » a aujourd’hui, plus à voir avec ce qui est faussement dénommé, « industrie financière » [24], qu’avec de l’industrie proprement dite, seule base productive effective [25]. Ces « tours du business », à la ressemblance frappante avec nos cathédrales d’antan, jouent donc bien le rôle des « cathédrales de la finance », avec un effet mimétisme saisissant. Si la mondialisation a débouché sur la « financiarisation des entreprises » [26], la Métropole est le processus de « financiarisation des villes  », processus dans lequel la ville, « espace public du vivre ensemble », est là aussi traitée comme une marchandise, expliquant les thèses de privatisation des villes [27]. La métropole n’est donc pas un objet neutre, elle est une construction politique.

LA GOUVERNANCE METROPOLITAINE : Dans la métropole, le conseil municipal et la politique ont disparu, trop compliqué. S’y est substitué, la « gouvernance », concept qui synthétise deux mots « gouvernement-Finance). La gouvernance, c’est donc bien le « gouvernement de la Finance » et non plus celui de la commune des « citoyens associés ».

NEW-YORK 1997 : Les américains ont parfois cette faculté de faire des films médiocres mais dont l’analyse sémiologique [28] permet de visualiser les anticipations de notre société. Ce film fut réalisé en 1981 et décrit l’ile de Manhattan, comme une immense prison. Il montre surtout New-York, comme une métropole où les gangs se disputent le territoire, à travers de multiples trafics. Toute ressemblance avec une situation actuelle, révélerait donc bien, un film d’anticipation.

VI LE CRI DES VILLES, LE SILENCE DES METROPOLES : La ville n’est pas née de rien. Elle n’est pas non plus une suite de bâtiments plus ou moins bien construits, reliés entre eux par une voirie plus ou moins entretenue. Au-delà des effets d’apparence, la ville est le produit des « luttes sociales » qui s’y sont produites car souvent les manifestations ouvrières sortaient de l’usine pour inonder la rue, afin de montrer leur colère. C’est le cas à « Fourmies en 1891 », où l’armée tire et fait 9 morts dont 4 femmes et un enfant. C’est dans ce genre d’évènements que la « conscience de classe » se constitue pour déboucher sur la création de la C.G.T en 1895 (concomitance des temps), mais ce sont aussi les mineurs du nord et les corons, ou les canuts de Lyon. La ville se définit avant tout comme un « rapport social et politique », en lien avec la révolution industrielle, et dont les luttes sociales en sont une matrice [29]. A Marseille les manifestations sociales ont aussi souvent envahi les artères de la ville, nourries par les salariés de l’industrie, du port et des services publics, au point d’entendre dire que Marseille était la « capitale des luttes sociales ».

Aujourd’hui, le « silence social » des métropoles montre bien la domination d’un nouveau rapport d’exploitation, que les organisations ouvrières ne savent pas encore combattre (« la financiarisation »), car le capitalisme s’est profondément remanié, abandonnant l’entreprise productive, pour se réfugier sur les réseaux impalpables d’une « finance dématérialisée » [30].

Mais le « silence social », dont le patronat local se réjouit, n’est pas signe de bonne santé. Le « silence social » cache de fait, un mouvement invisible, qui ressortira un jour, mais dont on ne peut déterminer à l’avance les formes qu’il revêtira. Là aussi, comme pour la métropole, qui avance masquée, un mouvement sous terrain existe, y compris à San-Francisco (lutte contre la « Google city »).

POLTIQUES D’OASIS ET EMANCIPATION : La Métropole n’est pas un projet de société, car si la société a comme objectif premier d’intégrer tous les citoyens, la Métropole n’a comme objectif que d’intégrer les dominants (« classe créative », « classe entrepreneuriale ») en abandonnant les autres (les prolétaires).

Il en découle de fait un système économique fondé sur les « archipels de richesse » et des « océans de pauvreté », dénommé « territoires », autrement dit « no man’s land ». Le fait de croire comme le pense sérieusement le marché, d’où ses colloques sur la question, que la « métropole oasis » est « durable  » au sens où ce système de spoliation, pourrait durer est une douce illusion, surtout en France, où les fondamentaux de l’équilibre, fondé sur le tryptique « Liberté, Egalité, Fraternité  » défini par Robespierre sont la matrice de notre contrat social et politique.

Dans ce cadre, Métropole et Commune s’opposent de front, car leurs objectifs sont antinomiques, l’une (la Commune) vise l’intérêt général, quand la métropole ne vise que l’intérêt des seuls marchés financiers mondialisés, qui de plus concourent à la spoliation des biens et espaces publics, transformant tout, y compris les plages en marchandises : « Marseille veut privatiser une partie de ses plages  » [31].

De fait, la métropole n’est que le nom donné à une politique de domination des forts sur les faibles, des Maitres sur les esclaves, des possédants sur les expropriés, des capitalistes sur les prolétaires, et pour finir, des marché financiers, sur les citoyens, d’où le concept de « Gouvernance métropolitaine » [32]. De ce fait, la métropole active un système politique qui n’est plus la démocratie, mais la « démocratie de marché  » système dans lequel le marché est au-dessus de la démocratie, expliquant les promesses électorales jamais tenues : « je n’ai qu’un adversaire, le monde de la finance » [33].

La métropolisation de la société, n’est qu’un avatar de plus dans la longue marche historique de l’émancipation humaine.

Fabrice AUBERT

Marseille, le 28 Octobre 2015

[1Renvoyant ainsi à la République, question publique.

[2Commencé le 27 Octobre 2005

[320 minutes / Le 26 Octobre 2015

[41987, 2000, 2008.

[5Déclamation du MEDEF.

[6C’est-à-dire organiser les villes, leurs espaces et les métropolisés de la même manière que les entreprises, la finance d’abord, les besoins et l’humain après.

[7D’où la recherche permanente d’attractivité de la « classe créative » ».

[8Rappelons ici, que le concept de « territoire  » qui s’associe tellement à Métropole, n’est pas un concept « hig-tech », mais l’expression d’un passé très lointain, du paléolithique ancien, quand les hommes pour survivre, « étant incapable de gérer leur espace », n’avaient comme solution que de « capter les richesses d’un territoire » et une fois celles-ci épuisées, se trouvaient « contraints » de se déplacer vers un autre territoire, expliquant le « nomadisme permanent » appelé aujourd’hui mobilité, engendrant les « guerres tribales », appelée aujourd’hui « concurrence ».

[9Les « prolétaires de la métropole » qui y viennent pour toucher un salaire et de ce fait survivre, avant de retourner en périphérie, expliquant les flux pendulaires permanents, qui provoque l’Asphyxie de Marseille.

[10Les fameux touristes.

[11Aspect abordé plus tard.

[12C’est aujourd’hui la même expression qui est utilisée, pour certains de nos quartiers.

[13Samia Ghali, sénatrice PS et maire des 15 et 16e arrondissements de la cité phocéenne

[14« La crise du XXème siècle » / 1980/ J. H. LORENZI O. PASTRE & J. TOLEDANO

[15Vœux à la presse, Manuel Valls / publié par Le Point du 20 janvier 2015

[16Que symbolise le tableau de Delacroix

[17Conseil National de la Résistance.

[18Instances de Représentation du Personnel

[19La Gouvernance est la contraction de deux mots : « gouvernement- Finance »

[20Dont là encore Marseille et les règlements de comptes nocturnes, pour la maitrise d’un marché ou d’un territoire,

[21La métropole n’étant que la « territorialisation de la mondialisation ».

[22« Mondialisation villes et territoires, l’économie d’Archipel » Pierre Veltz / 1996

[23Au sens où l’utilise Karl Marx.

[24Le fondement de l’industrie est de transformer une ou des matières premières, de telle manière que le produit fini, n’ait plus rien à voir avec la matière première d’origine. « L’industrie financière », n’a qu’une fonction, transformer de l’argent en plus d’argent. La seule chose qui change c’est la quantité. En ce sens, parler d’industrie pour la finance est une tromperie sémantique.

[25Il y a aussi tromperie statistique, sur les services. De nombreux emplois industriels ont juste été transformés en emplois de service, par un simple jeu d’écriture (« sous-traitance » à une société de service).

[26Processus par lequel, tout projet d’entreprise (investissement) est d’abord mesuré à l’aune de sa rentabilité attendue.

[27 « la Ville privée, utopie du XXIème siècle », / les Echos 31 Mars 2015

[28Etude de l’image

[29« Le droit à la ville » Henry LEFEVBRE

[30Dénommée « monétique » utilisant le « trading » et « l’hyper-trading », qui déclenche du fait des algorithmes automatiques, des minikrachs.

[31Le Figaro du 26 Octobre 2015 

[32La Gouvernance est la contraction de deux mots : Gouvernement / Finance.

[33François HOLLANDE / Discours du Bourget.


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