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Palestiniens et paternalisme, par Kathleen Christison - Counterpunch.



[Kathleen Christison est une ancienne analyste politique de la CIA qui travaille sur les problèmes du Proche Orient depuis 30 ans. Elle est l’auteur de « Perceptions de la Palestine et Blessure de la Dépossession »]


3 janvier 2005

L’obstacle à la paix a toujours été l’occupation israélienne, pas Arafat ni aucun autre leader palestinien ; la source de la violence ce n’est pas le "terrorisme" palestinien, mais l’occupation israélienne et tout ce qui l’accompagne ; les confiscations de terre, les déprédations commises par les colons, les démolitions de maisons, le mur, les destructions de propriétés, les checkpoints, les routes pour israéliens seulement, le nettoyage ethnique.
C’est Israël qui n’est pas un partenaire pour la paix.
C’est la violence d’Israël qui entrave la paix.

Il nous faut être très clairs sur un point vital des relations Palstino-israéliennes, surtout en cette période où s’annonce un mouvement en direction de la paix : il n’y aura pas de véritable état palestinien dans un futur prévisible, et ce ne sera pas la faute des Palestiniens.

Malgré l’optimisme béat qu’étalent les medias et les politiciens du monde entier depuis la mort de Yasser Arafat, malgré l’espoir hypocrite que le "terrorisme" palestinien va prendre fin puisque Arafat a quitté la scène, en dépit des visions paternalistes d’une "réforme" palestinienne, en dépit de la disparition d’un Croquemitaine supposé représenter le seul obstacle à la paix, nous ne devons pas perdre de vue qu’il n’y aura pas d’indépendance palestinienne, et par conséquence par de paix et pas de justice dans un avenir proche, pour la bonne raison qu’Israël n’en veut pas.`

Dans un récent commentaire cinglant, le militant de la paix Uri Avnery a franchement qualifié l’expression de "fenêtre d’opportunité" employée actuellement dans le conflit "d’écoeurante" et de "ridicule" parce que, pour parler franchement, "il n’y aura pas de fenêtre et pas d’opportunité, pas tant que Sharon sera au pouvoir".

Cette réalité cruciale s’est perdue dans une explosion obscène d’allégresse à la mort d’Arafat et l’élection à venir d’un supposé "modéré" qui lui succédera.

Ding, dong, le méchant magicien est mort, les politiciens du monde entier et les commentateurs patentés crient victoire. >BR>
Mais, malheureusement, le futur ne promet pas de royaume magique où règneraient la paix et le bonheur : non, à aucune prix, pour les Palestiniens.

De temps en temps, les medias et la communauté politique du monde entier perdent tout sens des proportions.
L’optimisme - il vaudrait mieux dire : "prendre bêtement des désirs pour la réalité" - qui s’est exprimé récemment avec la visite de sommités en Palestine grâce aux médias et à leurs commentaires suffisent à transformer un honnête optimisme en embarras.

Les commentateurs, les politiciens et les soi-disants experts ont l’habitude des petits accès d’anticipation au sujet de l’espoir, depuis la mort d’Arafat.

Tony Blair est allé en Palestine et en Israël en décembre pour essayer de prêter la main au redémarrage du processus de paix, et la presse anglaise a déversé un flot d’analyses optimistes décrivant la visite de Blair comme une sorte de retour du messie (bien qu’il n’appartienne à aucune variété de chrétien fondamentaliste).

Le correspondant en Europe du Guardian, Ian Black, a pondu un article juste avant sa visite pour dire avec une jubilation idiote que, rarement depuis la fin du mandat britannique et l’abandon de la Palestine soixante ans en arrière, les "espoirs n’avaient été si grands que l’ancienne puissance mandataire pourrait faire quelque chose d’utile pour aider à rapprocher de la Paix les Arabes et les Juifs".

La BBC a donné une contribution intéressante au voyage de Blair éclaire sur la réalité de l’enthousiasme de Black, des politiciens et des confrères de la presse : à propos de cette visite, alors imminente, un reporter en poste à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, a demandé à Zachariya Zubeidi, qui dirige les Brigades des Martyr d’al-Aqsa à Jénine et dirige surtout cette ville assiégée et isolée, s’il pensait qu’il pouvait sortir quelque chose de la tournée de Blair.

Réponse de Zubeidi : "Blair, qui c’est ?"

Se remettant vite de ce qui avait dû être une certaine consternation - ou peut-être un désir d’éclater de rire - devant cette preuve dévastatrice du peu de poids de Blair dans le déroulement des choses, le reporter anglais expliqua qui était Blair, ce à quoi Zubeidi répondit que les visites de haut niveau comme celle ci ont peu de poids sur la situation sur le terrain.

"Sur le terrain" c’est là où est la vraie vie, là où les Palestiniens vivent quotidiennement avec l’oppression israélienne, là où des gens comme Tony Blair et Georges Bush ne s’aventurent jamais.

Il n’y a que des politiciens comme eux et les medias qui vivent aux USA et en Europe, aucun d’entre eux n’ayant jamais vu « le terrain », pour trouver des raison d’être optimiste.

Sans surprise, Blair n’a jamais vu " le terrain" quand il a traversé brièvement la Palestine en allant voir le successeur d’Arafat et le principal candidat palestinien à la présidentielle, Mahmoud Abbas, et quand il a hoché sa tête bouclée au mémorial d’Arafat ;

Il n’a jamais vu le mur de séparation, l’a jamais été voir les Palestiniens dont l’existence est irrémédiablement détruite par le méandreux tracé du mur au travers de leur vie.

Zachariya Zubeidi n’est pas entré dans le détail quand il a dit que des visites comme celle de Blair n’apportent rien, mais il aurait pu dire que, en dépit des discussion pleines d’espoir en pontifiant les gens de l’extérieur des territoires occupés, l’assassinat de Palestiniens continue, les checkpoints restent, la construction du mur continue, les maisons palestiniennes sont toujours démolies tandis que de nouvelles maisons juives se construisent dans les colonies israéliennes, les Palestiniens sont toujours écrasés et Zubeidi lui-même continue de vivre dans la clandestinité pour échapper aux assassins israéliens.

Blair et ceux de son espèce se sont arrangés pour passer à côté.

Si on définissait le mot « modération » ?

L’obsession presque universelle qu’ont les occidentaux pour le terrorisme, pour la supposée perfidie d’Arafat, pour la corruption palestinienne et autres échecs, a détourné l’intérêt mondial bien loin de là où il devrait se porter, à savoir l’occupation d’Israël en tant que racine de la gravité du conflit actuel.

Cette myopie a rendu des gens intelligents incapables de pensées profondes ou logiques. Tellement peu de gens sont capables de comprendre d’où et pourquoi le conflit est né, tellement peu de gens sont capables de comprendre comment on peut le résoudre, tellement peu de gens « pigent ».

Prenez l’envahissant désir d’avoir un « modéré » à la tête des Palestiniens.
Mais un modéré, selon une définition presque unanime, c’est simplement quelqu’un qui condamnera toute opposition à l’occupation, sous toutes ses formes. Pas de nuances. Pas de feu vert pour une lutte légitime pour la liberté ou pour combattre l’oppression par les armes, nulle volonté de reconnaître que la domination d’Israël est tout sauf bénéfique et sacro sainte.

Le chroniqueur du Washington Post, Jackson Diehl a développé ce point de vue rigide, sans nuance quand, récemment, il a montré un certain et rare scepticisme sur les possibilités futures, il s’inquiète de ce que la « modération » d’Abbas puisse ne pas refléter l’attitude générale des Palestiniens.

Le très populaire combattant emprisonné, Marwan Barghouti, dit Diehl, a donné une "pilule empoisonnée" en se retirant de la course à la présidence et en subordonnant son retrait à une liste de 18 exigences à Abbas et au leadership palestinien.

Ces exigences incluaient des stipulations comme le retrait d’Israël des territoires occupés avant que ne commencent les négociations, qu’il n’y ait pas d’accords partiels ou intérimaires, et que le principe de la résistance armée soit confirmée.

Diehl, en démontrant qu’il ne comprend pas que l’occupation reste la base même du conflit ne montre aucune intelligence de l’histoire du conflit, et nomme la liste de Barghouti un « ordre du jour de militant ».

On est inévitablement conduit à des comparaisons.

Est-ce que ça n’a pas été l’essence même de la Révolution américaine que d’exiger que les occupants anglais se retirent des colonies, de rejeter des accords partiels et provisoires, d’exiger qu’un seul accord final intervienne, et de maintenir haut le droit de combattre l’armée d’occupation britannique ?

Diehl considère-t-il cet « ordre du jour » comme un militantisme inacceptable ?

Diehl s’inquiétait de ce que Barghouti exprimait les désirs secrets de la plupart des Palestiniens et que, si Abbas commence à négocier avec Israël, ce « militantisme » profondément enraciné ne se fasse jour et ne bouleverse les discussions.

Mais ce que Diehl ne comprend par clairement c’est que, bien qu’Abbas ait pris quelque distance pour s’affirmer en « modéré », qu’il ait demandé la fin immédiate de la résistance armée et qu’il ait interdit l’incitation à l’anti-israélisme sur les ondes palestiniennes, il n’a pas et ne peut pas, s’il veut maintenir sa crédibilité de leader potentiel, rejeter aucune des demandes de Barghouti.

Au cours de sa campagne électorale, il doit maintenir l’exigence du retrait d’Israël des territoires occupés ; c’est le coeur du problème, quelque puisse être les négociations sur les ajustements de frontières à un stade ultérieur.

Il doit aussi refuser que les Palestiniens puissent être trompés, comme ils l’ont été au cours des dernières décennies, avec des successions d’accords partiels et provisoires (le coeur des accords d’Oslo fut une série d’accords intérimaires qui ont permis les interminables manoeuvres dilatoires d’Israël, et le coeur de la Feuille de Route, c’est l’installation d’un soi disant état palestinien provisoire qui par définition n’aurait aucun sens et qu’aucun leader ne serait assez fou pour accepter).

Finalement, aucun leader doté de respect de soi-même ne pourrait renoncer au droit qu’a sa nation de reprendre un jour la lutte armée face à l’oppression continuelle d’une armée étrangère.

Le malheur, c’est que Diehl ne comprend pas que ces rudiments d’auto-détermination nationale et que la dignité nationale n’ont rien de surprenant dans le climat ambiant.

L’optimisme d’aujourd’hui est simplement une diversion pour tous ceux qui refusent de réfléchir et d’observer. Les Palestiniens continuent de mourir, d’être transformés en SDF, de perdre leurs terres et leurs moyens d’existence avec l’inexorable expansionnisme d’Israël.

Obliger à réformer le système politique palestinien, aussi nécessaires que soient certaines réformes, n’amènera pas la paix, ne mettra pas fin à la violence des Israéliens.

Les fermiers palestiniens de la petite ville de Jayyous en Cisjordanie - qui a perdu les trois quarts de sa terre agricole et tous ses puits d’eau potable au profit d’Israël avec la construction du mur de séparation qui a coupé le village il y a un an - ont déclaré récemment à n correspondant que la paix serait merveilleuse mais que réforme et élection n’ont aucun sens pour eux puisqu’ils n’ont plus de moyen d’existence et ne peuvent même pas procurer de l’eau à leur famille.

L’obstacle à la paix a toujours été l’occupation israélienne, pas Arafat ni aucun autre leader palestinien ; la source de la violence ce n’est pas le « terrorisme » palestinien, mais l’occupation israélienne et tout ce qui l’accompagne ; les confiscations de terre, les déprédations commises par les colons, les démolitions de maisons, le mur, les destructions de propriétés, les checkpoints, les routes pour israéliens seulement, le nettoyage ethnique.
C’est Israël qui n’est pas un partenaire pour la paix.
C’est la violence d’Israël qui entrave la paix.

L’optimisme d’aujourd’hui fait diversion à ces réalités sans fin.
L’optimisme nous autorise, autorise les politiciens et les commentateurs, à ignorer ce qu’est réellement la situation sur le terrain ; elle nous autorise tous à ignorer les intentions clairement exprimées d’Israël de ne jamais abandonner sa domination sur la Cisjordanie (la plupart ont été récemment expliquées par l’ancien conseiller politique de Sharon, Dov Weissglass, qui s’est ouvertement réjoui d’avoir mis le problème palestinien dans le formol avec le soutien et en toute connaissance de cause des Etats-Unis, ce qui a gelé le processus de paix si bien que « vous empêchez la création d’un état palestinien et vous empêchez indéfiniment toute discussion sur les réfugiés, les frontières et Jérusalem ».

L’attitude paternaliste affichée par presque tout le monde est stupéfiante.

Blair est allé en Israël pour mettre en route une importante conférence de paix à Londres en mars, et quand Israël a dit :
"C’est parfait mais nous n’y assisterons pas", il a changé de ton et a déclaré que, bon, la présence d’Israël aurait été une "politisation" de la conférence qui a réellement pour but de mettre fin à la violence des Palestiniens et englober les réformes institutionnelles, pour "assurer qu’il y a des partenaires valables pour la paix de chaque côté.
La viabilité (c’est à dire d’un état palestinien) ne peut pas n’être qu’une histoire de territoire. C’est aussi affaires d’institutions normalement démocratiques, de sécurité convenable (c’est-à -dire pour Israël) et une bonne utilisation de l’économie".

C’est surtout un problème d’Occupation.

On est de nouveau tenté de demander la vérité à ces britanniques obtus (et à ces non moins obtus d’américains) : Qu’est-ce qui ne va pas dans le fait de politiser une conférence de paix - ou, doit-on aussi s’interroger sur l’exigence que les deux parties en guerre y assistent ?

Et on voudrait demander à Blair ce qui arrivera quand les Palestiniens mettront fin à la violence, et que le jour d’après les Israéliens continueront à perpétrer la violence sous ses aspects multiples ?

Et ce qui arrivera quand les Palestiniens se montreront de vrais partenaires pour la paix mais qu’Israël continuera a rejeter la paix de jour en jour, quand Israël continuera à dénier aux Palestiniens leur continuité territoriale, la viabilité économique, la sécurité, un espace suffisant, l’eau et la dignité, quand ces institutions démocratiques palestiniennes n’auront rien à faire fonctionner excepté un peuple appauvri et en prison entassé dans des réserves d’indigènes qu’entourent les murs israéliens, les colonies israéliennes, les routes israéliennes ?

Ce qui arrivera quand les Palestiniens feront tout ce qu’on exige d’eux, mais que l’occupation continue, peu importe si elle s’appellera "solution du double état" ?

On pourrait à la rigueur excuser Tony Blair, de ne pas connaître, de ne même pas réfléchir aux réponses à ces questions, mais on attend beaucoup mieux de ces supposés experts du Proche Orient qui sont sur la même ligne.

L’ambassadeur Edward Walker, qui fut ambassadeur des Etats-Unis en Israël et en Egypte, adjoint au Secrétaire d’Etat et maintenant président de l’Institut du Proche Orient de Washington, a adopté la même démarche paternaliste dans un commentaire écrit pour la newsletter de l’Institut, et aussi pour, le moins approprié des titres, un journal arabe.

Exprimant l’espoir que Bush comprendra qu’il doit s’occuper du problème palestinien pour obtenir le succès ailleurs au Proche Orient, Walker a traité les Palestiniens comme s’ils étaient le projet de vieux copains Bush et Sharon : "Si les Etats-Unis et Israël jouent intelligemment", dit-il, "nous pourrons "accorder crédit" à un nouveau leadership palestinien pour qu’il institue la réforme et commence "un mouvement mesuré" vers la Feuille de Route".

Mahmoud Abbas manque de crédibilité auprès des Palestiniens maintenant, mais il gagnera en stature si on le voit signer un accord avec Israël sur le retrait de Gaza.

Il pourrait alors, a déclaré Walker avec une condescendance stupéfiante, « devenir le partenaire qu’Arafat n’a jamais été et n’aurait jamais pu être » .

Très éloigné de cette détestable notion que les Etats-Unis et Israël n’ont qu’à simplement travailler ensemble, la main sur le coeur, pour guider les Palestiniens dans la modernité, Walker oublie qu’Arafat quels qu’aient été ses points faibles a été un partenaire enthousiaste de la paix, à certains moments si Sharon et ses prédécesseurs l’avaient voulu.

Il ignore commodément la réalité qui est que c’est Israël qui n’a pas fait de « geste notable » en direction de la Feuille de Route, et que le retrait de Gaza, en supposant qu’il advienne, est surtout destiné à éviter de trouver des concessions israéliennes en Cisjordanie.

Quelque soit la crédibilité qu’Abbas puisse retirer d’un accord avec Israël, c’est entièrement à Israël de la lui transmettre, mais Abbas risque de s’user à attendre une forme d’accord de la part de Sharon pour donner aux Palestiniens la justice et un véritable état.

Walker est mieux placé que tout autre pour le savoir.

Ceux qui réclament tant des Palestiniens, échouent ou refusent de voir la situation palestinienne sur le terrain.

Il y a presque trois ans, pendant le siège d’avril 2002 sur la Cisjordanie, les forces israéliennes ont saccagé tout le territoire et ont détruit la totalité de l’infrastructure de la société civile palestinienne.

Les soldats israéliens ont répandu la dévastation sur les ministères civils palestiniens de l’éducation, de la santé et de l’agriculture.
Ils ont laissé des matières fécales dans tout le ministère de la Culture ;
Ils ont détruit les ordinateurs et les disques durs, et avec eux, la totalité des archives écrites de la société palestinienne ;
Ils ont mis à sac entreprises et banques palestiniennes ;
Ils ont rasé aux bulldozers tous les blocs d’habitation ;
Ils ont détruit les cadastres des terres et les archives des recensements,
comme ils ont effacé toute trace de l’existence palestinienne.

Et pourtant les commentateurs occidentaux et les politiciens occidentaux comme Bush et Blair se demandent pourquoi les Palestiniens ne peuvent pas se gouverner au mieux.

Gaza est pratiquement en ruines, le Dresde du Proche Orient, grâce aux assauts répétés de l’aviation et des bulldozers israéliens.
Presque deux mille maisons ont été détruites à Gaza depuis que l’Intifada a commencé, laissant sans domicile des milliers de civils innocents, et les attaques des hélicoptères de combat et les opérations d’assassinat ont fait toujours plus de destructions.

Israël contrôle la frontière sud de Gaza avec l’Egypte et sa ligne côtière sur la Méditerranée et les murs des deux autres côtés de la bande de Gaza avec leurs barbelés à lames et leurs cellules électroniques, un système de domination qui continuera même si Israël « se désengage » de Gaza et déplace les 8000 colons israéliens qui contrôlent maintenant un tiers de ce petit territoire.

Gaza se trouve là où, en 2003 et en l’espace de deux mois, Israël a tué la militante américaine de la paix Rachel Corrie, le militant de la paix anglais Tom Hurndall, et le journaliste anglais James Miller - se débarrassant des témoins pour que George Bush, Tony Blair et les commentateurs comme Jackson Diehl ne sachent pas ce qui se passe dans cette prison.

Et parce qu’ils décident de ne rien savoir, ils peuvent avec désinvolture réclamer que les Palestiniens mettent en place des institutions « correctes » et fassent tourner « correctement » leur économie.

Le mur de séparation d’Israël a détruit les principales terres agricoles des Palestiniens, rasé aux bulldozers des centaines d’oliviers palestiniens, détruit et plus souvent volé au bénéfice des Israéliens, la plupart des puits d’eau potable des Palestiniens, détruit les marché, empêché le commerce, détruit les maisons palestiniennes.

La politique de bouclage des Israéliens a empêché presque tous les Palestiniens d’aller travailler en Israël depuis le début du processus de paix il y a une douzaine d’années.

Les checkpoints israéliens dans toute la Cisjordanie empêchent les déplacements et arrêtent le commerce. Le mouvements des gens et des marchandises entrant ou sortant et de Cisjordanie et de Gaza est totalement à la merci d’Israël.

Pourtant l’Occident se demande pourquoi l’économie palestinienne ne décolle pas.

Israël a réduit tous les sièges généraux de la sécurité palestinienne en cendres.

Ces structures qui ne servaient pas seulement de centres de sécurité mais de centres de gouvernement municipaux, avec les bureaux des maires, des prisons, et des centres de santé, étaient de grands espaces aux multiples fonctions, ce que Tony Blair appellerait des infrastructures « correctes » - qui ne sont plus que des monceaux de béton.

Le quartier général d’Arafat à Ramallah, la Muqata, était une structure multiple recouvrant deux immeubles de la ville, et dans lequel Israël a emprisonné Arafat pendant trois ans et dont durant l’assaut de 2002, l’armée d’Israël n’a laissé qu’un seul bâtiment debout.

Pourtant Blair et les autres occidentaux se demandent pourquoi les Palestiniens ne contrôlent pas correctement leur appareil de sécurité - et pourquoi beaucoup n’ont pas d’envie particulière de prévenir la violence, dans ce cas la non violence est plutôt une entreprise palestinienne unilatérale.

Les Blair, Bush, Walkers et les commentateurs des medias qui donnent des leçons aux Palestiniens peuvent-ils n’être pas conscients de ce qui se passe en Palestine ?

Il convient de répéter qu’avec les plans présents de Bush et Sharon, il n’y a pas d’état palestinien à l’horizon ; il faut être clair sur ce point.

Il n’y a que des bantoustans ou quelques zones qui ressemblent à juste titre à des réserves, et qui un jour peut-être contiendront même un ou deux casinos à l’intention de l’occupant.

On doit dire clairement qu’il n’y aura pas de véritable état parce qu’Israël ne voudra pas mettre fin à l’occupation. (Il faut souligner que la gauche en Israël n’a pas plus envie que la droite de permettre l’établissement d’un véritable état Palestinien souverain, contigu et viable).

Le parti travailliste a été au pouvoir pendant les dix premières années où l’occupation et la colonisation se sont développées.

Le parti travailliste a été au pouvoir en Israël pendant presque tout le « processus de paix » d’Oslo, supervisant le doublement des colons israéliens et les intrusions massives israéliennes dans les territoires y compris ceux supposés devoir être restitués aux Palestiniens.

Et ce parti va, de nouveau, rejoindre les forces du Likoud dans un gouvernement de droite dont l’objectif déclaré est de faire mariner la création de l’état palestinien dans du formol politique.

Avec des amis comme les Travaillistes, les Palestiniens n’ont même pas besoin du Likoud pour ennemi.

Peu importe les propos de George Bush sur deux états qui vivraient pacifiquement côte à côte, il n’y aura pas d’arrangement pareil ; il ne le veut pas.

Peu importe les promesses d’Ariel Sharon (mon oeil, mon oeil) de travailler pour établir deux état, il n’y aura pas deux vrais états ; surtout, il n’en veut pas.

Peu importe combien de tentatives désespérées fera Tony Blair en faveur d’une action pour la paix, il n’y aura pas d’état palestinien ; il n’y peut rien.

Peu importe le nombre de discussions des militants de la paix de bonne volonté dans l’espoir que se créent deux états, il n’y parviendront pas ; ils n’ont pas envie de pousser suffisamment fort.

En dépit de toutes ces discussions - de tout cet optimisme, rien ne sera fait pour une véritable indépendance palestinienne parce que, purement et simplement, Israël ne le veut pas, parce que les Etats-Unis ne veulent pas ce qu’Israël ne veut pas, et que l’Angleterre est un passant qui n’a aucun pouvoir.

Kathleen Christison


 Source : www.counterpunch.org/christison01032005.html

 Traduction : CS pour ISM-France

 Publié le 12 janvier 2005 sur International Solidarity Movement France www.ism-france.org


 Du même auteur :

 La problématique de la neutralité entre les Palestiniens et Israël.

 Attention : embouteillage ! une feuille de route vers nulle part.

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