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Politique de l’offre et station de ski

INTRODUCTION : A force d’entendre répéter sur tous les tons, que seule la « politique de l’offre », donc réputée de soutien aux entreprises, était la seule politique possible j’avais jeté sur le papier cette analyse à partir d’une station de ski. Cela se voulait simplement un Joke. C’est en lisant un article de Nouriel Roubini, dans les Echos du 5 Février 2015, que je me suis convaincu, d’aller un peu plus loin.

POLITIQUE DE L’OFFRE : Cette politique a été définie par Jean-Baptiste Say, économiste Français qui vivait avant Marx, c’est vous dire sa modernité. La « politique de l’offre », c’est celle qu’applique avec constance et obstination, le gouvernement Hollande, avec les résultats que l’on peut voir, en termes de croissance, d’emplois, de déficits publics etc…. Mais qu’est-ce que la politique de l’offre ? En considérant qu’il existe deux acteurs en économie (les ménages et les entreprises), ce qui est la matrice de l’économie libérale, la politique économique consiste, dans le libéralisme classique, soit à soutenir les consommateurs (hausse des salaires, baisses des impôts sur les ménages), alimentant une relance dite par la demande, soit à soutenir l’offre (Baisse d’impôt pour l’entreprise, flexibilisation de l’emploi, baisse des contrôles publics, libéralisation financière etc…). En d’autres termes, la politique de l’offre, a la prétention de soutenir directement l’entreprise, en tout cas en apparence. Observons que cette « politique de l’offre » est suivie depuis une quarantaine d’années, en fait, depuis l’application du théorème de Schmidt [1] : « Les profits d’aujourd’hui, sont les investissements de demain, qui seront les emplois d’après-demain ». Observons donc, que dans la politique de l’offre, la priorité est le profit de l’entreprise, l’emploi étant considéré comme la conséquence logique de cette priorité. La « politique de l’offre » est donc une mise en avant du profit, comme condition de l’emploi… Mais ça fait 40 ans que ces politiques sont mises en œuvre, sans que l’emploi ni la société n’en profitent… Mais plutôt que de raisonner de manière théorique, regardons comment se décide une station de ski.

LA MONTAGNE UNE POLITIQUE DE L’OFFRE OU DE LA DEMANDE : Les vacances de sport d’hiver qui se déroulent en montagne dans des stations de skis, se sont développées selon une logique économique de valorisation de « l’or blanc ». Pour faire une station de ski, il faut une montagne et de la neige, conditions indispensables qui permettent d’installer des remontes pentes, des hôtels et des chalets pour accueillir les skieurs, c’est-à-dire la demande (les skieurs sont la demande). Dans ce cadre d’analyse, la neige c’est l’offre. Plus il tombe de neige, et plus on ouvre de pistes et plus on peut dire que la politique de l’offre est confortée. Pourtant ce n’est pas la neige qui tombe, ni le nombre de pistes ouvertes, qui vont créer et développer la station, mais le nombre de skieurs potentiels, (c’est-à-dire la demande), qui vont déterminer le niveau d’investissements nécessaire pour la station. Répétons cette réalité incontournable, ce n’est pas la neige (offre), mais les skieurs (demande) qui font la station (des montagnes peuvent être recouvertes de neige sans qu’une station n’émerge) [2].

LES ETUDES DE MARCHE : C’est tellement vrai, qu’avant d’ouvrir une nouvelle station pour concurrencer, une station existante, ce qui va guider la démarche des « investisseurs  » [3], ce n’est pas « la neige qui tombe  », mais le niveau de fréquentation des stations voisines (demande). Si les stations de ski avoisinantes sont saturées, il y a de fortes chances de voir s’ouvrir une nouvelle station, dès lors que les perspectives d’évolution du marché (nombre de skieurs potentiels) sont positives. A ce moment-là, l’étude se concentrera sur le type d’offre à faire (luxe, compétition, loisirs, jeunes, 3ème Age etc..) et le niveau d’équipements à installer (investissements). Mais en définitive, ce qui va déterminer les investissements qui feront « l’offre de la nouvelle station », c’est la demande potentielle, que Keynes appelait la « demande effective ».

LE VRAI MAL DONT SOUFFRE L’ECONOMIE : Bien sûr on pourrait croire que ceci est un exemple caricatural, qui ne démontre pas le fonctionnement du système réel. Pourtant c’est ce que décrit de manière assez précise Nouriel ROUBINI, américain et professeur d’économie à la Stern School of Business de l’université de New York. Dans un article publié dans les échos du 5 février 2015, il écrit : « Trop d’offre, trop peu de demandes, voilà les deux maux dont souffre aujourd’hui l’économie mondiale, qui expliquent une croissance anémique…/…. Il faut désormais prendre des mesures budgétaires audacieuses [4].

LES CHOMEURS EN MAL D’EMPLOIS : On connait le raisonnement classique qui consiste à expliquer le chômage, comme la faute aux chômeurs, et à les culpabiliser en expliquant : « celui qui veut trouver un emploi il le trouve » tout en s’appuyant sur des statistiques qui montrent qu’un certain nombre d’offres d’emplois, ne trouvent pas preneurs [5]. Quand les syndicats [6] dénoncent ces allégations, et expliquent que « le chômage est la preuve d’une insuffisance d’activité  », conséquence des choix politiques effectués (en faveur de l’offre) ils sont idéologiques, mais quand c’est Roubini, lui-même qui le dit, ça prend une autre tournure : « Dans la plupart des économies avancées, la production et la demande restent aujourd’hui bien inférieures à leur potentiel. Ainsi les entreprises ont un pouvoir de fixation des prix limité. Et on n’a constaté aucune accalmie considérable sur les marchés du travail : trop de chômeurs sont à la recherche de trop rares emplois disponibles, tandis que le marché et la mondialisation, ainsi que certaines innovations technologiques qui demandent moins de main-d’œuvre, exercent de plus en plus de pression sur les emplois et les revenus des travailleurs, ce qui ajoute un frein supplémentaire à la demande ». C’est bien cette insuffisance de demande effective qui empêche le redémarrage de l’activité, l’investissement et donc aussi l’emploi.

LES INEGALITES DENONCEES : La lutte pour la hausse des salaires en faveur de plus d’égalité et une taxation des plus hauts revenus, notamment financiers sont des revendications progressistes, dont l’un des objectifs est justement de construire une sortie de crise par le haut. Là encore, à sa manière Roubini confirme : « La hausse de l’inégalité des revenus, en redistribuant les revenus de ceux qui dépensent davantage vers ceux qui épargnent davantage, a exacerbé l’insuffisance de la demande. En bref, nous vivons dans un monde qui souffre de trop d’offre et de trop peu de demande ». Comprenons que ceux qui épargnent, ils le font dans les paradis fiscaux, ce qui n’aident pas à l’investissement local, alors que l’argent des salariés est utilisé localement, donc activant les mécanismes économiques créatifs. Leur demande (consommation) activant l’investissement.

C’EST LA DEMANDE QUI DEFINIT L’OFFRE : On le voit par cet exemple de la station de ski, ce n’est pas l’offre qui définit la demande, mais l’inverse, c’est la « demande effective », attendue qui va définir l’investissement à réaliser. Et le raisonnement tenu Par Roubini, au niveau macroéconomique est de même nature. Pour Hollande, et l’union Européenne, l’erreur est donc totale. Le meilleur moyen de soutenir les entreprises, c’est d’activer une politique de demande (donc augmenter les salaires, d’activer les politiques d’investissements publics) qui permette aux entreprises de voir leur carnet de commande se développer. C’est face à cette demande prévisible, fiable et durable (non précaire) que les entreprises peuvent prendre le risque d’investir, permettant en retour, une création effective de l’emploi, sous condition que celui-ci soit stable et durable, l’inverse de la précarité. Plus on développe la précarité dans l’emploi et moins l’entreprise peut investir, puisque si l’emploi est précaire, l’avenir ne peut être durable. Plus on sécurise l’emploi, plus on permet l’investissement et plus on permet à la société de se projeter dans l’avenir.

Fabrice Aubert

[1Chancelier allemand des années 70. Le théorème n’a jamais été démontré, les faits contredisant le théorème.

[2Le même raisonnement pourrait être tenu pour les vacances d’été, ce n’est pas le sable qui définit la réalisation des plages aménagées (station balnéaire), mais les vacanciers potentiels (demande).

[3Apporteurs de capitaux…

[4Donc le contraire des politiques d’austérité.

[5Confondant de ce fait volontairement, flux et stocks

[6Essentiellement C.G.T, SUD, Solidaires, F.S.U et le secrétaire général de F.O


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