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Présidence Trump : quatre ans qui ont ébranlé le monde, mais ont laissé de marbre les gauches européennes !

Le premier acte de l’actuel drame étasunien étant achevé avec l’investiture de Joe Biden, on peut légitimement s’interroger sur les réactions ou le manque de réactions qu’a provoqué la tumultueuse présidence de Donald Trump en dehors des États-Unis. Et évidemment, s’interroger sur la totale incompréhension de ce qui s’est passé tant au sommet qu’à la base de la société étasunienne durant les 4 ans de cette présidence Trump, dont ont fait preuve les médias et les élites intellectuelles internationales mais aussi l’écrasante majorité des gauches européennes.

Il ne fait pas de doute que l’origine de cette « totale incompréhension » doit être recherchée dans la scandaleuse indifférence que tout ce monde, pour le reste très hétéroclite, a montré pour ce qui se passait non pas dans un petit pays du Tiers Monde mais au cœur de la super-puissance mondiale ! Et si la victoire, l’ intronisation et les quatre ans de la présidence de Trump ont attiré un peu l’attention, on ne pas dire de même de la candidature de Bernie Sanders et du grand mouvement populaire qui s’est formé autour d’elle. Il va sans dire que l’indifférence des médias n’est pas surprenante vue qu’ils n’avaient aucun intérêt à informer l’opinion publique européenne qu’aux États-Unis était en train de naître un formidable mouvement populaire de masse, composé surtout de jeunes gens radicalisés qui osaient se déclarer socialistes au pays où ce mot était traditionnellement plus que diabolisé.

Mais, que dire des gauches européennes qui logiquement, devraient avoir tout intérêt à propager la bonne nouvelle de la naissance et du développement de ce formidable mouvement populaire aux EU... et pourtant persistent à l’ignorer superbement et à lui tourner le dos ? Que dire de ces gauches qui non seulement refusent obstinément de lui manifester la moindre solidarité internationaliste, mais surtout ne profitent pas de cette véritable aubaine qu’est ce jeune mouvement de masse pour rehausser le moral de leurs troupes, montrer que parler et se battre pour le socialisme n’est pas si démodé que ça... et surtout, tisser des liens militants avec lui.

Mais, il y a malheureusement pire que ça. Une fraction de ces gauches, celle communément appelée « souverainiste », ne se limite pas à ignorer le mouvement de masse, ainsi que la nouvelle gauche radicale étasunienne, ses leaders et leurs luttes, mais elle donne l’impression de tout faire pour les dénigrer, les caricaturer, les présenter comme simples appendices de l’establishment Démocrate. Manifestement, pour ces souverainistes on ne peut rien attendre de bon de la société étasunienne car tous les habitants se valent, sont pareils et donc, complices de l’impérialisme des EU. Alors, ce n’est pas surprenant de voir certains d’eux aller jusqu’à déclarer qu’ils « aiment voir les Étasuniens s’entre-tuer » tout en croyant qu’en proférant cette monstruosité ils font profession de foi...anti-impérialiste et de gauche ! (1)

Ceci étant dit, ce n’est pas un hasard que tant les médias internationaux que les gauches européennes se sont toujours trompées dans leurs prévisions et analyses de la situation aux EU. Mais encore une fois, tandis que les médias avaient tout intérêt (de classe) à ne pas dramatiser la situation créée aux États-Unis ces quatre dernières années, les gauches n’en avaient aucun quand elles se refusaient de voir que la super-puissance mondiale était entrée dans une terrible crise historique et que Trump n’était pas seulement un clown, mais plutôt – comme le disait si justement Bernie Sanders – « un clown fasciste ».

C’est ainsi que les avertissements – de plus en plus fréquents depuis déjà 2018 – que les États-Unis allaient droit vers une situation de guerre civile larvée, laquelle pourrait très bien conduire à des affrontements violents, ont toujours été ignorés, passés sous silence ou même accueillis par des commentaires ironiques (2). Comme d’ailleurs étaient accueillies avec une incrédulité proche de l’aveuglement, les mises en garde répétées concernant l’intention de Trump de rester cramponné au pouvoir par tous les moyens et de qualifier les élections de frauduleuses bien qu’il ait commencé à le faire préventivement au moins 9 mois avant le 3 novembre 2020. Et pendant que les uns trouvaient totalement irréaliste et alarmiste de constater que la société étasunienne était désormais irrémédiablement divisée et polarisée pour longtemps, les autres nous rassuraient que « finalement » les démocrates et les républicains ne pourraient que trouver un modus vivendi et se réconcilier. Et tout ça avec l’argument imbattable qu’aux États-Unis... « ça a toujours été comme ça »...

Pourquoi cet aveuglement devant les intentions plus qu’autoritaires de Trump et de ses énergumènes suprémacistes blancs, néo-nazis, complotistes et évangéliques ? Parce que leur foi à la solidité (éternelle ?) de la « plus grande démocratie du monde » et de ses institutions, poussait tous ces médias, partis et « spécialistes des États-Unis » – d’horizons politiques si différents – à ne pas croire Trump quand, jour après jour, il affirmait sa préférence pour les dictateurs et exprimait sa volonté de rester à la Maison Blanche quatre ou même douze ans de plus. En somme, prenant jusqu’au dernier moment, leurs désirs pour la réalité, médias internationaux mais aussi gens et partis de gauche ne faisaient qu’imiter leurs ancêtres de l’entre deux-guerres qui refusaient de prendre au sérieux les menaces d’un certain Adolphe Hitler, même peu avant que celui-ci déclenche la Seconde Guerre mondiale en envahissant la Pologne...

On connaît la suite des événements. Le fait que Trump s’adonnait frénétiquement à la préparation de ses putschs légaux et illégaux n’était pas une simple vue d’esprit de quelques illuminés. D’ailleurs, ces préparatifs n’étaient pas secrets ou plutôt, ils crevaient les yeux, et il fallait être aveugle ou borné pour ne pas s’en apercevoir. Et c’est comme ça qu’on est arrivé au couronnement de ses tentatives putschistes avec la prise d’assaut du Capitole par les hordes trumpistes le 6 janvier. Le choc était de taille mais ceux qui n’ont jamais vu venir les complots séditieux de Trump, restent incorrigibles. Aussi incroyable qu’il puisse paraître, ils persistent encore aujourd’hui, ici en Europe à la différence de ce qui se passe aux États-Unis, à minimiser l’importance des événements déroulés à Washington le 6 janvier, refusant obstinément de voir en eux une tentative de coup d’État ! Rappel historique : le coup d’État (avorté) de Hitler à Munich en 1923 visait des centres de pouvoir bien moins importants que celui qui a eu lieu le 6 janvier 2021 au Capitole. Et pourtant, personne n’a jamais contesté que Hitler avait tenté un coup d’État en 1923...

Nous avouons avoir toujours pensé que les gens de gauche ne pourraient pas éternellement ne pas voir la réalité, et que ce moment de vérité coïnciderait avec un événement d’importance historique comme par exemple la tentative de coup d’état de Trump. On doit reconnaître qu’on s’est trompé. Même maintenant après tout ce qui s’est passé, les médias mais aussi la grande majorité des gens de gauche européens persistent à regarder les États-Unis avec les mêmes lunettes qui déforment leur réalité. Minimisant toujours la gravité de la menace mortelle que représente Trump, ils font tout pour nous faire croire que Trump est isolé, que son parti semble vouloir lui tourner le dos, qu’il est progressivement abandonné par une partie grandissante de ses partisans. En somme, que la normalisation de la situation n’est qu’une question de temps et que tôt ou tard, Trump appartiendra au passé.

Encore une fois, c’est archi-faux, et c’est le contraire de ce que dit, jour après jour, le nouveau président des EU, les médias de son pays et même...le FBI. Dire tout ça au moment où Trump purge – avec grand succès – le parti républicain de ses adversaires, qui d’ailleurs n’ont jamais été plus d’une douzaine, est tout simplement une contre-vérité. Comme d’ailleurs, c’est une contre-vérité flagrante que de dire que Trump est isolé et est en train de perdre ses soutiens au moment précis où il devient le maître absolu du parti républicain qui le suit désormais aveuglément. En quelques mots, dire tout ça c’est non seulement désinformer et désorienter mais aussi et surtout quand il s’agit des gens et des forces de gauche, c’est se résoudre à rester en marge de l’histoire, à la traîne des événements, sans pouvoir intervenir pour lutter aux côtés de ses camarades étasuniens « qui se battent dans le ventre de la bête ». C’est triste et c’est tragique mais malheureusement c’est aussi la vérité...

Notes

1. Il est à noter que le Monde Diplomatique n’a jamais considéré dignes d’intérêt ni la campagne présidentielle de Bernie Sanders qui a mobilisé des millions de jeunes radicalisés, ni la nouvelle gauche socialiste étasunienne et ses leaders Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Cory Bush ou Ilhan Omar. Cette indifférence persistante a d’ailleurs conduit à des situations plutôt comiques quand par exemple le directeur du Monde Diplomatique polémique avec ce qu’il appelle la gauche américaine sans nommer un de ses leaders mais tout en lui attribuant les thèses et les pratiques de...Hillary Clinton et de ses amis !

2. Ayant consacré 52 articles aux péripéties politiques et sociales qu’ont connues les États-Unis depuis novembre 2015 jusqu’à aujourd’hui, nous tirons aussi de notre propre expérience les constats, les leçons et les bilans du présent article. Pour consulter ceux de ces 52 articles qui sont traduits en français, voir ici

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COMMENTAIRES  

09/02/2021 12:53 par robess73

si il est exact que le mode diplo a peu pris en compte le mouvement de bernie sanders l auteur de l article commet exactement la meme faute (qu il critique ) en oubliant de citer la france insoumise dont le porte parole jlm a tres souvent cité et soutenu bernie sanders lors de ses interventions médiatiques !donc yorgos denonce ce qu il fait lui meme !!!!

09/02/2021 15:42 par Louis St O

par exemple le directeur du Monde Diplomatique polémique avec ce qu’il appelle la gauche américaine sans nommer un de ses leaders mais tout en lui attribuant les thèses et les pratiques de...Hillary Clinton et de ses amis !

Vous faites exactement ce que fait le directeur du MD en nommant « la gauche » en France sans lui attribuer les noms de leurs leadeurs ou de leurs partis.

Pour moi, la Gauche, la vraie commence avec « la France insoumise » et son leadeur JL Mélenchon qui a, lui, toujours défendu et dit en parlant de Bernie Sanders qu’il était le seul de gauche.
Tout ceux qui sont à droite de LFI sont d’une gauche-de-droite CàD d’une fausse gauche comme le PS, EELV etc.

Donc, s’il vous plait quand vous parlez de gauche veuillez préciser de qui vous parlez pour éviter toute confusion.

30/04/2021 00:45 par alain harrison

« « « que la société étasunienne était désormais irrémédiablement divisée et polarisée pour longtemps, les autres nous rassuraient que « finalement » les démocrates et les républicains ne pourraient que trouver un modus vivendi et se réconcilier. Et tout ça avec l’argument imbattable qu’aux États-Unis... « ça a toujours été comme ça »... » » »

En tout cas, la relance économique de Biden passe bien, les deux partis s’entendent bien pour l’exceptionnaliste États-Uniens. De plus, il est assuré que les intérêts États-Uniens sont toujours en premier, et gare à ceux qui contesteront.
La Russie, sin programme économique passe par la modernisation militaire, géopolitique (l’ancien monde oblige, relancé et technologisé), la Chine, au moins, son économie est diversifiée, à l’image et à la "ressemblance" des pays occidentaux qui en ont toujours tenu compte (cet équilibre assure la stabilité). C’est ce qui a permis de contenir l’idée communiste qui n’a pas assuré un réel dévejoppement. Ce qui se joue maintenant, c’est soit le totalitarisme étatique de la Chine ou le capitalisme néo-libéral qui a su concevoir un contrôle soft.
Le communisme-socialisme est peut-être en "construction" dans certains pays d’Amérique latine. Mais pour cela, il faut que Biden abandonne les politiques agressives, pour enfin explorer une alternative géopolitique avec la Chine. Un nouveau G quelque chose, avec de nouveaux joueurs en tenant compte des leçons du dernier siècle et ses relents en ce début de siècle. On peut toujours rêver.

01/05/2021 03:45 par alain harrison

Dans la réalité, Biden est un relent de l’ancien monde.
Sa stratégie est simple, relancer la consommation et le militarisme (la planche à billets). Là réside la toute puissance US : l’argent.

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