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 Russie : Rififi chez les "Dissidents" …

Je dédie ce billet au journaliste Irakien Muntazir Al-Zaydi

D’incrédulité, ils en auraient laissé choir leurs fétiches.

Hercule Poirot, son lorgnon à cordelette… Colombo, son mégot de cigare… Nestor Burma, son chapeau cabossé… Maigret, tout comme Sherlock Holmes, sa pipe éteinte…

Ces maîtres de la logique, de l’esprit critique, aux patientes et méticuleuses déductions, n’auraient pu croire une seule seconde à la mise en scène macabre, emballée dans un scénario, histoire, roman, conte de sorcières, constructions charpentées de clichés. " Narrative" , disent les anglophones.

Le tout repris en choeur, cadencé par le marteau-pilon de la propagande et de ses vecteurs : journaux, TV, communiqués de presse sortant d’innombrables horizons et tiroirs. Au même moment, dans tous les pays occidentaux. Colossale campagne médiatique aux océaniques moyens…

Le corps de la victime, une femme de 48 ans, criblé de balles dans un ascenseur. En évidence. Un 7 octobre 2006, à Moscou : Anna Politkovskaïa.

Son exécution, s’agissant d’une "journaliste" , serait «  liée à ses activités professionnelles », ont été les premières déclarations de son entourage. Evidemment, ce n’est pas pour son talent dans l’élaboration de la tarte aux pommes.… Litote, pour ne pas prononcer les mots : «  crime politique ».

Concrètement : signature, histrionisme, d’un acte destiné moins à supprimer la personne qu’à intimider ou à faire du bruit. Sinon, c’est l’enlèvement discret avec, chaussé de béton, un plongeon dans un fleuve ou dans les vagues du haut d’une falaise. Quand ce n’est pas dans un bain d’acide. Pas de trace.

Assassinat, apparemment, commis par des professionnels.

Mais, bizarre…

Eddy Sox  "e;Le Dissident"e;

Le Petit Poucet

Le Petit Poucet n’aurait pu mieux s’appliquer, semant les indices gros comme des camions…

S’assurer de la disparition de l’arme du crime est la priorité d’un assassin, même le plus amateur. Là , non. Probablement, délicate attention à l’égard des enquêteurs, elle était disposée à côté du corps : un pistolet Makarov 9 mm. Jusqu’aux douilles des balles éjectées après le tir, soigneusement laissées sur place : quatre douilles.

Provocation, peut-être… Laisser entendre que tout indice ne peut mener qu’à une impasse. Annoncer l’impossibilité de dénouer le faux-vrai du vrai-faux, de compléter le puzzle d’une enquête : cloisonnements étanches, impunités, complicités…

Fausses pistes, sûrement.

La théâtralisation, le mode opératoire, du crime rappellent celui dont fut victime, le courageux et magnifique militant des droits de l’homme et de l’autodétermination des peuples, Henri Curiel.

Abattu dans l’ascenseur de son immeuble, à Paris le 4 mai 1978. Egyptien juif de naissance, il s’était illustré dans la lutte contre l’autocratie du roi Farouk marionnette des britanniques en Egypte, le soutien à l’indépendance de l’Algérie, le combat anti-apartheid en Afrique du sud, et par sa solidarité indéfectible avec ce qu’on appelait alors les pays du Tiers-Monde dans leurs combats pour la liberté.

Ses assassins n’ont jamais été retrouvés, pas plus que l’arme et les douilles des balles du meurtre. Sa mort n’avait mobilisé aucun des médias de l’époque. Aucun gouvernement, aucun pays, aucune organisation internationale, aucune ONG… Personne ne s’autorisant à "sommer" la France de trouver les coupables, sauver la liberté d’expression, la démocratie, les droits de l’homme et tutti quanti. Il est vrai qu’il représentait le ’diable’ pour les gouvernements occidentaux, français tout particulièrement. (1)

Les enquêteurs, expérimentés dans les "crimes politiques" , affirment que trop d’évidences tuent «  l’évidence ». Ne pas confondre l’hamburger de l’affiche sur l’abribus avec sa réalité servie dans l’emballage en carton recyclé… C’est toute la différence avec nos journalistes actuels, même dits «  d’investigation ». Dans un coup tordu, multiplier les fausses pistes c’est renforcer une manipulation.

Deux mois jour pour jour après sa mort, le 7 décembre 2006, l’Institut International de la Presse (IPI) déclarait Anna Politkovskaïa : «  51e Héros de la liberté de la presse Mondiale ». Bel et nécessaire hommage. Assurément, condamner «  l’assassinat politique » est une noble cause. Toutefois, de là à transfigurer la victime en icône de La Liberté demande un minimum de précaution. A-t-elle été effectivement assassinée pour ses articles, livres, investigations, déclarations ? Ou, pour un tout autre motif ?

Car, bizarre le profil de la victime… Tout autant que son cursus et son "milieu" professionnels.

«  Dissidente russe », est-il répété à l’infini... Anna Politkovskaïa, son nom ne le laisse pas supposer de prime abord, était de nationalité américaine, née à New York, de parents diplomates membres de la délégation de l’Ukraine à l’ONU. Personne ne le dit, ni ne l’écrit. Pourquoi ? Peur d’être traité de «  rouge-brun » par les coupe-jarrets à la solde de l’Empire, chargé du terrorisme intellectuel ?...

Munie d’un diplôme d’une école de journalisme de Moscou, elle travaillait depuis 1999 pour le média russe : Novaïa Gazeta (La Nouvelle Gazette). Un trihebdomadaire avec son site, en russe et en anglais, dont le capital est détenu à 49 % par l’ancien président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et le milliardaire russe, ancien député de la Douma, Alexandre Lebedev. Les 51 % restants ? Mystère.

Les deux mêmes compères ont fondé, en septembre 2008, un parti microscopique à l’échelle de la Russie, copié-collé du fanatisme idéologique des milliardaires néoconservateurs US, joyeusement pro-atlantiste et bruyamment ultralibéral ("tout privatiser" , sous-entendu brader aux groupes étrangers, & bla-bla…) : le «  Parti démocratique indépendant de Russie  ».

En conséquence, férocement opposé à la politique du gouvernement actuel refusant un «  monde unipolaire », soucieuse du respect de l’indépendance et de la souveraineté du pays, spécialement quant à la préservation de ses richesses naturelles convoitées par les prédateurs internationaux. La Nouvelle Gazette (Novaïa Gazeta) servant de caisse de résonance, de relais de propagande, aux thèses de la paradisiaque "Globalisation Impériale" , dont la planète subit les ravages au quotidien. Expliquant pourquoi, malgré un actionnariat différent, entre Fox News (groupe Murdoch) et Novaïa Gazeta ce soit du pareil au même…

Alexandre Lebedev, rappelons-le car les journalistes oublient toujours de le mentionner, est un richissime oligarque qui a édifié sa colossale fortune en peu de temps sous la présidence de Gorbatchev et d’Eltsine. A l’époque où la Russie partait en lambeaux, déchiquetée par les mafieux, politiciens corrompus et voyous de la finance, en cheville avec les multinationales. Avant que Poutine n’y mette un coup d’arrêt et ne redresse la situation.

Sa fortune (banques, compagnie aérienne [30 % d’Aeroflot], construction aéronautique [Ilyushin], gaz et pétrole, textile, tourisme, télécommunications, immobilier, transport urbain, chimie, médias, etc.) difficilement évaluable en milliards de dollars, le classe parmi les hommes les plus riches de Russie et d’Europe. Rien qu’en Grande-Bretagne, il contrôle quatre médias : Evening Standard, The Independent, The Independent on Sunday et i-newspaper… (2)

Ce personnage soutenu par nos nomenklaturas, qui prétend porter le projet d’une Russie "démocratique" , jouant au ’Dissident en chef’ dans son pays, a été la vedette du Web le mois dernier (septembre 2011). Pour avoir violemment frappé publiquement, à coups de poing en plein visage, son interlocuteur sur un plateau de TV, oligarque comme lui, Sergei Polonsky. A "titre préventif" , a-t-il dit, pour ne pas être frappé par lui. La vidéo a été vue des milliers de fois. La regarder donne un aperçu de ce qui attend la Russie si pareils énergumènes arrivaient au pouvoir… (3) 

Anna Politkovskaïa était donc très liée aux réseaux de l’extrême-droite US avec leurs "collabos" russes, intégrés aux lobbies de l’armement et de l’énergie occidentaux. Implacablement russophobes, menaçants et hyperviolents, dès lors que le pays ou son gouvernement n’acceptent pas d’être inféodés à leurs intérêts et diktats.

Quel était, en ce cas, l’objectif de l’assassinat de cette "journaliste-dissidente" en plein coeur de Moscou ? Quels en étaient les exécutants, organisateurs, commanditaires ? A qui profite le crime ?

Après une difficile enquête aux multiples rebondissements, au terme de 5 ans de travail pour enfin y arriver, la solution émerge progressivement : en septembre-octobre 2011. Confirmant ce que tous les "observateurs " , avertis ou impartiaux, savaient dès l’origine de l’affaire. Une réalité, évidemment, aux antipodes de ce que les médias de la désinformation dans nos pays n’avaient cessé de claironner, et qu’ils taisent hermétiquement à présent…

Poutine, Président de la Fédération de Russie au moment des faits, n’avait-il pas averti :

«  La solution se trouve à Londres » ?...

Le Grand Méchant Loup

Comme par hasard, le meurtre d’Anna Politkovskaïa a eu lieu le jour de l’anniversaire de Poutine, né un 7 octobre 1952… Autre coïncidence : la veille de la visite officielle de Poutine en Allemagne…

Soulignant ainsi la perversité du personnage, par sa provocation dans la violence. Puisque ce fut, aussitôt, une des plus formidables campagnes médiatiques internationales destinées à diaboliser un Homme d’Etat détesté de nos oligarchies, et déstabiliser au passage la Russie. Poutine ne pouvait être que le commanditaire du forfait. Les exécutants ? Les tueurs de ses horribles services secrets… 

Parmi les centaines de déclarations, retenons celle du porte-parole du ministère des affaires étrangères des USA, le jour même de l’évènement, Sean McCormack. Un concentré de l’hypocrisie et du cynisme manipulateurs des politiciens, dans chacun des termes employés :

«  Les États-Unis sont choqués et profondément attristés par la nouvelle du meurtre brutal de la journaliste russe indépendante […] Les États-Unis demandent de toute urgence au gouvernement russe de mener une enquête immédiate et exhaustive afin de retrouver, poursuivre et juger tous les responsables de ce meurtre haineux. » 

Le lendemain, au diapason des USA le temps de prendre les consignes, dans un document officiel le Commissaire européen aux droits de l’homme Thomas Hammarberg, «  triste et en colère », embouche le trombone de La Bonne Conscience de la caste technocratique de l’UE :

«  Ce meurtre est le signal d’une crise majeure concernant la liberté d’expression et la sécurité des journalistes en Russie. »

Evidemment, les vertueuses ONG ont immédiatement embrayé. Sortant les violons de l’émotion et la sébile à subventions. Parmi les ténors de l’esbroufe qui ne se sont jamais préoccupés des journalistes et militants de la liberté torturés, assassinés, par des escadrons de la mort en Palestine, Gaza, Irak, Afghanistan, Amérique latine, Thaïlande, Philippines et ailleurs, dès lors qu’ils dénonçaient les exactions de l’Empire :

=> Amnesty International, de rage hurlant sa :

«  … colère après le meurtre à Moscou d’Anna Politkovskaïa, visée en raison de son travail de journaliste. »

=> La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), flagellant le gouvernement Russe :

« Les autorités russes, doivent se conformer aux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme, afin de garantir en toutes circonstances les libertés d’expression et de la presse. »

=> Reporters Sans Frontières (RSF), l’illustrissime ONG accablée de chagrin (4) :

«  Nous sommes abasourdis par cette nouvelle tragique… Les meurtres de nos confrères […] doivent faire réaliser à la communauté internationale à quel point il est urgent d’agir pour assurer la protection des reporters. »

Anna Politkovskaïa, cataloguée «  dissidente russe » par le marketing informationnel occidental, avait été érigée en "star" des droits de l’homme et de la liberté d’expression. Ses articles et livres récoltant une foison de distinctions, récompenses et prix. Attribués, évidemment, par les sponsors et animateurs du même circuit. (5)

Précisons le contexte : dans la boîte à outils de notre appareil de propagande, le label «  dissident » est décerné non pas à «  l’opposant » au régime ou gouvernement d’un Etat souverain étranger, mais à un «  adepte inconditionnel » de l’idéologie et de la politique de l’Occident. Nuance notable…

Dans le cas contraire un «  opposant », non seulement à son gouvernement mais "aussi" aux desseins d’asservissement de l’Empire sur son propre pays, est considéré comme un «  conservateur », un «  radical », dans le meilleur des cas. Dépasser la réticence, persévérer dans la résistance, est immédiatement se désigner dans une subtile gradation comme «  rebelle », «  insurgé ». Pire encore : «  terroriste », réel ou supposé, peu importe, s’il s’agit d’une opposition au gouvernement inféodé à l’Empire.

On a même vu en Occident, mais on veille soigneusement à l’occulter, des «  dissidents » autrefois fêtés, encensés, couverts de faveurs, gratifications et dollars, tomber en disgrâce dès qu’ils ont émis le moindre regard critique sur la réalité qu’ils avaient découverte dans ce qu’ils avaient cru être le "paradis de la liberté et de la justice" . Se fermant brutalement l’accès aux plateaux TV, radio, interviews complaisantes, avances d’éditeur et autres émoluments ou supports financiers, etc.

Ce fut le cas du «  dissident cubain » Reinaldo Arenas, mort dans la misère et le manque de soins à New-York. Ou encore, du célèbre «  dissident Russe » Soljenitsyne, finalement dégoûté du matérialisme, de la violence et du cynisme de la société américaine, préférant quitter les USA pour retourner dans sa Russie natale…

Paradoxalement, en Russie la notoriété d’Anna Politkovskaïa était "insignifiante" . Ce que n’a pas manqué de faire ressortir son gouvernement. Ne représentant aucun enjeu, encore moins pour Poutine au sommet de sa popularité. (6)

Sergueï Iastrjembski, délégué du Président Russe pour les relations avec l’UE, avait émis une remarque fondamentale que nos médias n’ont jamais pris la peine de diffuser et d’analyser, alors qu’elle donne la clé du contexte géopolitique de cet assassinat :

«  Un nombre manifestement excessif de coïncidences de morts retentissantes de personnes qui, de leur vivant, se sont positionnées en opposants au pouvoir russe en place, avec les manifestations internationales auxquelles participe le président de la Fédération de Russie est pour le moins inquiétant […] 

On a bien l’impression d’être en présence d’une campagne bien orchestrée ou même de tout un plan de dénigrement continu de la Russie et de sa direction. » (7)

Oui, bizarre…

Sentiment diffus, prenant plus de consistance à la lecture des ouvrages de la victime. Car, j’ai lu les livres d’Anna Politkovskaïa et conseille de le faire pour se rendre à l’évidence, mesurer l’écart entre une image projetée, fabriquée, et la réalité… 

Débats d’idées, investigations et recherches dans l’esprit critique et la suggestion constructive ? Analyses approfondies des dimensions et contraintes sociales, économiques, géographiques (37 fois la France en superficie…) ? Mises en perspective dans leur évolution historique et humaine (colossal changement institutionnel avec la chute du "soviétisme" …) ? Etudes de leur interaction avec celles des autres puissances, nations et peuples, voisins, concurrents, amicaux ou hostiles, pour ce siècle et le prochain ? Universalisme des droits de l’homme à la Henri Curiel, combattant tous azimuts les violations de la Dignité Humaine, quels que soient pays et continents ?

Non.

Ce ne sont que pamphlets, diatribes, déversant en cascade : clichés, approximations, rapprochements, raccourcis, amalgames, platitudes, diffamatoires. Rhétorique de la propagande russophobe la plus primaire, dépeignant une Russie apocalyptique dirigée par un autocrate sanguinaire, diabolique, auquel un Staline n’arriverait pas à la cheville.

Une Russie fantasmée, dans l’incantation, prenant ses désirs pour la réalité. Le wishful thinking des Think Tanks de l’extrême-droite US, rêvant de la vassalisation de la Russie. Surtout, de la prédation de ses ressources et richesses naturelles. Avec une focalisation obsessionnelle, une diabolisation hystérique, une violence verbale haletante à l’encontre de la personne de Poutine. (8)

En France, c’est la bouillie que nous servent à grandes louches les «  experts » de la Russie. A la Thierry Wolton, dont on peut citer un des ouvrages les plus emblématiques de grotesque dans le genre : Le KGB au pouvoir - Le Système Poutine. (9)

Ou encore, à la Hélène Carrère d’Encausse, concluant un de ses livres, La Russie Inachevée, par la formulation de la pensée magique :

« … ce que les Russes espèrent aujourd’hui voir surgir de leurs longues déceptions et de leurs efforts renouvelés, c’est l’achèvement d’une Russie civilisée rejoignant enfin et de manière définitive les grandes nations occidentales. » (10)

D’après nos propagandistes, en effet, une Russie en dehors de l’OTAN et de sa soumission à l’Empire, que souhaiteraient ses propres citoyens du moins une "élite" moderne et intelligente, n’est qu’un ramassis de sauvages, corrompus et violents, «  un immense bordel ».

Mépris halluciné, parfaitement résumé dans la quatrième de couverture du livre d’Emmanuel Carrère, le fils d’Hélène Carrère d’Encausse (dans la famille, du fait d’une ascendance familiale russe on se revendique «  expert » de la Russie…), sortant actuellement sous les louanges béates de la critique médiatique et mondaine, Limonov :

 «  … et, maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie… ». (11)

Vision dantesque, ténébreuse, eschatologique, d’une Russie au bord du gouffre, par une propagande hébétée d’obscurantisme, dont le prophétisme sectaire et imbécile, imprégnait les dernières lignes de la conclusion de l’ultime ouvrage d’Anna Politkovskaïa, paru en France en septembre 2006, Douloureuse Russie :

«  Une révolution orange n’est pas envisageable chez nous, pas plus que celle de la rose ou des tulipes. Notre révolution à nous sera rouge. De la couleur des communistes : de la couleur du sang. ». (12)

Pathétique…

Les oubliettes du Donjon Médiatique

La propagande n’a cessé d’accabler d’anathèmes et procès d’intention les autorités Russes accusées de vouloir bloquer l’enquête. Pure stupidité et mauvaise foi : elles n’y ont aucun intérêt.

C’est ainsi qu’on pouvait lire dans des médias de la désinformation, au 5 octobre 2011, des affirmations mettant en cause la passivité de la justice Russe, alors que l’enquête venait de connaître une spectaculaire avancée :

«  ’L’affaire Politkovskaïa’ n’a pas été élucidée. Le 19 février 2009, les inculpés du meurtre de la journaliste ont été acquittés. C’est un échec pour la justice, accompagné d’autres meurtres. » (13)

Une deuxième équipe d’enquêteurs doublant la première dans la discrétion, aidée des spécialistes du contre-espionnage, a réussi à démonter les rouages d’une complexité extrême de la machination.

L’organisateur de l’assassinat, Dmitry Pavlyuchenkov, est passé aux aveux. La nouvelle était publiée dès le 3 septembre 2011. (14) Piégé par son train de vie et mouvements de fonds suspects sur ses divers comptes bancaires. Reconnaissant devant la Cour de Justice à Moscou avoir fourni l’arme et les munitions, organisé et planifié l’attentat, recruté l’équipe de tueurs et affecté à chacun sa mission précise.

Evènement retentissant, complètement étouffé dans les médias occidentaux. Aux oubliettes …

Révélant les secrets des difficultés d’une enquête bourrée de fausse pistes : Dmitry Pavlyuchenkov, actuellement à la retraite, était un des plus hauts responsables de la police de Moscou avec rang de colonel, ancien responsable de la 4° division de la direction des recherches et investigations opérationnelles. Un des principaux responsables du dossier sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa…

L’exécuteur, celui qui a tiré sur la victime, est Rustam Makhmudov. Il s’était caché en Belgique pendant 5 ans. C’est grâce aux repérages, aux renseignements, et à la traque de la police belge, en liaison avec la police russe, qu’il a pu être arrêté dès sa tentative de retourner dans la Fédération de Russie.

Le responsable du commando est un chef de clan mafieux, un des parrains du milieu de Moscou, Lom-Ali Gaitukaev. Actuellement emprisonné pour un autre meurtre, avec une peine d’une durée de 15 ans. Il était assisté sur ’le terrain’ par des tueurs professionnels du milieu de la criminalité moscovite : Rustam Makhmudov, un frère et un cousin de ce dernier.

Formidable première étape. L’important, à présent, étant de remonter aux commanditaires.

Avec prudence, mais certitude, l’un d’eux est quasi-officiellement connu depuis le 16 septembre 2011. Et, dans son ombre : les véritables donneurs d’ordre. Lom-Ali Gaitukaev avait mis au point les modalités financières et la programmation, en Ukraine, avec le "cerveau" de l’opération. C’est au cours de cette réunion que lui fut donné l’ordre, parmi ses instructions, "d’exécuter le contrat" le jour de l’anniversaire de Poutine… Négociant avec une personnalité qui ne peut pas mettre les pieds dans la Fédération de Russie. Il serait immédiatement arrêté.

Il s’agit de Boris Berezovsky. (15)

Un oligarque, dont la fortune en milliards de dollars générée dans les prévarications de l’ère Eltsine, est sous mandat d’arrêt international émis par les autorités russes depuis plusieurs années. Pour détournements et vols au détriment de plusieurs sociétés et actifs de la Fédération Russe. Il est aussi recherché par la justice brésilienne dans une affaire de blanchiment d’argent aux puissantes ramifications.

Refugié à Londres, malgré ces doubles mandats de recherche internationaux, russe et brésilien, il bénéficie de la protection des services spéciaux britanniques, très actifs dans la déstabilisation de la Russie, avec un statut de "réfugié politique" …

Fort de ses soutiens, considéré comme un de pires gangsters dans son pays, il n’hésite pas sous sa casquette de «  dissident » à proclamer qu’il finance "la révolution" en Russie. La souhaitant sanglante, une guerre civile :

«  J’appelle à la révolution et la révolution est toujours violente » (’I am calling for revolution and revolution is always violent’). (16)

Alors, pour ces individus sans foi ni loi, supprimer froidement une vie…

Mais, la vie d’une "journaliste-dissidente" , membre de son propre camp ? Pourquoi ?…

Sacrifice dans une partie d’échecs d’une pièce, tour, fou, ou cavalier, pour assurer un développement tactique ? Trop réducteur. Manque dans cette représentation du crime, la dimension du cannibalisme de la violence humaine, dans sa voracité démentielle, telle que la peignaient Goya ou Salvador Dali.

Anna Politkovskaïa est une Iphigénie contemporaine mise à mort par ses géniteurs, les "Grands Prêtres de la Désinformation" , sur la scène de ce Théâtre d’ombres, de mensonges, et de cynismes, qu’est la «  guerre psychologique ».

(1) Lire le beau texte de Gilles Perrault sur Henri Curiel, publié dans le monde diplomatique en 1998 : Henri Curiel, Citoyen du Tiers-Monde, http://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/PERRAULT/10239

(2) Ces fortunes titanesques, foudroyantes, ne peuvent se construire sans la complicité et "l’intéressement" des politiciens au pouvoir qui participent à la curée sous forme d’actionnariats occultes ou de mirobolantes commissions, via hommes de paille et sociétés-écrans domiciliées dans des paradis fiscaux…

(3) http://www.branchez-vous.com/info/actualite/2011/09/un_milliardaire_russe_frappe_s.html

(4) Maxime Vivas, La face cachée de Reporters Sans Frontières - de la CIA aux faucons du Pentagone, Aden Editions, novembre 2007.

(5) Notamment, les prix :

=> 2002 : Courage en journalisme de l’IWMF (International Women’s Media Foundation)

=> 2002 : Pen Club International

=> 2003 : Journalisme et Démocratie - Danemark - par l’OSCE

=> 2003 : Lettre Ulysses pour l’Art du Grand Reportage à Berlin

=> 2004 : Olof Palme pour les Droits de l’Homme

=> 2004 : Lectrices du magazine Elle (groupe Lagardère)

(6) Les sondages à la veille de l’évènement, notamment ceux supervisés par l’université d’Aberdeen (Ecosse), démontraient un taux moyen de satisfaction de ses concitoyens, par rapport à son action, de 70%, en moyenne. Les Russes lui reconnaissant le mérite d’avoir sauvé le pays du naufrage…

(7) Une campagne de dénigrement bien orchestrée est menée contre la Russie et sa direction, RIA Novosti, 24 novembre 2006, http://fr.rian.ru/world/20061124/55970675.html

(8) Anna Politkovskaïa, La Russie selon Poutine, Buchet/Chastel, 2005.

(9) Thierry Wolton, Le KGB au pouvoir - Le Système Poutine, Buchet/Chastel, 2008.

(10) Hélène Carrère d’Encausse, La Russie Inachevée, Editions Fayard, 2000, p. 285.

(11) Emmanuel Carrère, Limonov, Editions P.O.L., septembre 2011, quatrième de couverture.

(12) Anna Politkovskaïa, Douloureuse Russie - Le journal d’une femme en colère, Buchet/Chastel, 2006, p. 403.

(13) ’L’affaire Politkovskaïa’ n’a pas été élucidée, 5 octobre 2011, http://www.terrafemina.com/societe/international/videos/685-novaya-gazeta.html

(14) Main suspect in Politkovskaya case pleads guilty, 3 septembre 2011, http://rt.com/news/politkovskaya-murder-pavlyuchenkov-guilty/

(15) Investigators trace Politkovskaya killing to Berezovsky - report, 16 septembre 2011, http://rt.com/politics/politkovskaya-fugitive-berezovsky-report-695/

(16) Dmitry Peskov, Fugitive billionaire has exposed his violent agenda Berezovsky is the embodiment of ’robber capitalism’, and Britain should no longer harbour him after this outrage, The Guardian, lundi 16 avril 2007, http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2007/apr/16/comment.russia/print


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