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Samir Amin : les Etats-Unis sont dans une position d’extrême vulnérabilité, d’où l’arme militaire, par Giuliano Battiston.








Cicatrices de guerre sur le visage du capitalisme


Il manifesto, vendredi 19 janvier 2007.


Un capitalisme à visage humain ? « Pure illusion ». L’alter mondialisme modéré ? « Une ingénuité ». L’Europe ? « Elle n’existe pas encore ». Loin de la prudence rhétorique du politiquement correct, infatigable promoteur d’alternatives, politiques et économiques, au dogme néolibéral dominant, l’économiste égyptien Samir Amin a fait du parler clair, de la rigueur analytique et de la passion militante les instruments de sa bataille décennale pour placer l’homme et ses besoins avant le profit. Samir Amin est un partisan convaincu de la nécessité de placer les revendications relatives à la justice sociale et la critique des inégalités intrinsèques à la mondialisation capitaliste aux côtés d’une radicalisation de la lutte politique capable de rassembler les énergies multiformes des mouvements alter mondialistes ; c’est un auteur très prolifique, dont les textes sont lus et discutés autant par ceux qui entendent transformer l’hétérogénéité des « mouvements » en acteur politique, que par ceux qui craignent les dérives de leur politisation.



Selon une certaine vulgate libérale et conservatrice, non seulement le marché serait le seul outil de régulation de la société, mais la promotion et l’universalisation des droits dépendrait des processus de mondialisation économique. Comment devrait-on articuler le rapport entre la mondialisation, dans sa forme actuelle, et les droits fondamentaux ?

Le discours de l’idéologie dominante, qui établit une égalité absolue entre démocratie et marché, sur la base de quoi il n’y aurait pas de démocratie sans marché et le marché lui-même créerait les conditions pour que s’affirme la démocratie, est un discours vulgaire, de pure propagande, qui n’a rien à voir ni avec la réalité historique ni avec son analyse scientifique. Il existe au contraire une contradiction absolument fondamentale dans cette rhétorique dominante, qui, en réduisant la démocratie à sa dimension politique, et cette dimension à la forme de la démocratie représentative, la dissocie de la question sociale, dont on prétend qu’elle ne peut pas être régulée par les fonctions du marché ; ou, mieux, d’un marché imaginaire. La théorie du capitalisme imaginaire des économistes conventionnels, pour qui le marché généralisé tendrait à l’équilibre, prétend que la société est formée simplement de l’ensemble des individus qui la composent, sans tenir compte du mode d’organisation sociale, de l’appartenance à la famille, à la classe sociale, à la nationalité : en oubliant, donc, ce qui pour Marx est une vérité naturelle, reprise ensuite en particulier par Karl Polanyi, à savoir que les valeurs économiques sont « encastrées » dans la réalité sociale.


S’il existe une contradiction fondamentale entre marché mondial et droits, à travers quels instruments est-il possible de construire un parcours qui permette de la dépasser ?

Je n’ai pas de recettes, mais je suggère de discuter, dans la perspective d’une amorce de stratégies de lutte commune, sur certains fronts fondamentaux, dont le premier tourne autour de l’idée qu’il ne peut pas y avoir de démocratie authentique sans progrès social. C’est un objectif qui va dans la direction opposée au discours dominant, qui comme nous l’avons vu dissocie les deux termes ; et qui est loin des théories des bien pensants, socio libéraux et socio démocrates, qui pensent que les effets négatifs du capitalisme peuvent être atténués à travers une réglementation sociale partielle. En premier lieu, il faut abandonner le terme démocratie et parler plutôt de démocratisation, en l’entendant comme un processus qui n’a pas de terme ; et rappeler ensuite que la nécessité d’associer la démocratie au progrès social est un objectif qui concerne tous les pays du monde. Même dans les pays dits démocratiques la démocratie est en crise : justement parce que, dissociée de cette question sociale, elle se réduit à la démocratie représentative, et la solution des problèmes économiques, et donc sociaux, est transférée au marché. C’est une voie très dangereuse : en Italie, comme ailleurs, vous avez voté librement (ou presque, étant donné que le vote est fortement conditionné par les médias), et pourtant beaucoup de gens se demandent : pourquoi voter, étant donné que le parlement prétend que certaines décisions sont imposées par le marché et par la mondialisation ? De cette façon la démocratie se trouve délégitimée, et on court le risque d’aboutir à des formes de néo fascisme soft.


Selon votre analyse, le capitalisme et la mondialisation ont toujours existé, mais après la seconde guerre mondiale, nous serions entrés dans une nouvelle phase, à l’intérieur de laquelle se place la stratégie des Etats-Unis qui étend sa doctrine Monroe à toute la planète. Quelles sont, à votre avis, les caractéristiques de cette nouvelle phase de la mondialisation, et quels sont les objectifs prioritaires de la stratégie étasunienne ?

A la base de cette nouvelle phase il y a une transformation de la nature de l’impérialisme (je parle d’impérialisme, et non d’ « empire » comme Toni Negri) : si, jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, l’impérialisme se conjuguait au pluriel et les puissances impérialistes étaient en conflit permanent entre elles, nous avons ensuite assisté à une transformation structurelle, qui a engendré ce que nous appelons l’impérialisme collectif de la « triade » - en simplifiant un peu, Etats-Unis, Europe et Japon- c’est-à -dire l’ensemble de ces segments dominants du capital qui ont des intérêts communs dans la gestion du système mondial. Ce système, qui représente une forme de nouvel impérialisme à l’égard de 85 % de la population mondiale, « requiert » la guerre. C’est justement en ce point que se révèle le projet de l’establishment étasunien, qui reflète l’orientation de la majorité de la classe dirigeante étasunienne, de contrôler militairement la planète. Les Etats-Unis ont choisi de déclencher la première attaque au Moyen-Orient pour une série de raisons, deux en particulier : pour le pétrole et, à travers le contrôle militaire des principales régions pétrolières de la planète, pour exercer un leadership incontesté, pour se constituer en menace permanente à l’égard de tous les concurrents potentiels économiques et politiques. Mais aussi parce qu’ils disposent dans la région de leur porte-avions permanent, l’état d’Israël, à travers qui ils s’assurent un instrument de pression continue, fonctionnel dans l’occupation de la Palestine, et aussi, comme on l’a vu, dans l’agression du Liban.


Vous avez soutenu que le militarisme agressif des Etats-Unis n’est pas tant synonyme de force que plutôt, un moyen pour compenser leur vulnérabilité économique. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là  ?

Selon la rhétorique dominante, dont est aussi victime malheureusement une partie de l’opinion publique européenne, la suprématie militaire étasunienne représenterait la pointe de l’iceberg d’une supériorité en termes d’efficience économique et d’hégémonie culturelle. La réalité, au contraire, est que les Etats-Unis se trouvent dans une position d’extrême vulnérabilité, qui se manifeste dans le déficit énorme de leur commerce extérieur, et c’est de cette fragilité que dérive l’option stratégique de la classe dirigeante des Etats-Unis qui trouve une solution dans l’utilisation de l’arme militaire. Il existe même des documents du Pentagone montrant que les Etats-Unis ont considéré la possibilité d’une guerre dans laquelle les victimes de leur agression atomique pourraient arriver à 600 millions ; comme l’a écrit Daniel Ellsberg, à peu près l’équivalent de cent holocaustes.


Face aux initiatives des Etats-Unis, l’Europe semble encore incapable d’articuler un projet politique réellement alternatif. Comment devrait-elle opérer ?

Pour le moment, malgré les nombreux européens qui le souhaitent, je ne crois vraiment pas que l’Europe soit en mesure de devenir un élément alternatif à l’hégémonie des Etats-Unis. Elle devrait sortir de l’Otan, rompre ses alliances avec les Etats-Unis, et s’émanciper du libéralisme. A l’heure actuelle, cependant, les forces politiques et sociales européennes ne semblent pas intéressées par un tel projet, si bien que - comme déjà le vieux Psi italien - ils ont plutôt renforcé l’atlantisme et l’alignement sur l’Otan, et le libéral socialisme. Il n’y a pas aujourd’hui d’autre Europe à l’ordre du jour. En ce sens, l’Europe n’existe pas : le projet européen est simplement le revers européen du projet américain.


Et pourtant les marges pour construire une « autre Europe » existeraient et vous les avez souvent repérées justement dans le conflit de cultures politiques que l’Europe oppose aux Etats-Unis...

Les cultures politiques de l’Europe se sont formées au cours des siècles autour de la polarisation de l’opposition entre gauche et droite : qui était du côté des Lumières, de la révolution française, du mouvement ouvrier, de la révolution russe, à gauche ; qui était contre, à droite. L’histoire de l’Europe est l’histoire de cultures politiques du « non consensus », qui étend le conflit au-delà de la version réductive de la lutte de classes. La culture des Etats-Unis a par contre une toute autre histoire, et elle s’est formée comme une culture du consensus : consensus sur le génocide des indiens, sur l’esclavage, sur le racisme. Et sur le capitalisme, à partir du moment où, aux Etats-Unis, il n’est pas remis en question et, s’il y a lutte de classes, il n’existe en tout cas aucune politisation de cette lutte. Les migrations successives, grâce auxquelles s’est construit le peuple étasunien, ont en fait substitué la formation d’une conscience communautariste à celle d’une conscience politique. Nous assistons aujourd’hui à une tentative d’ « américaniser » l’Europe, et de substituer la culture du consensus à celle du conflit : on prétend qu’il n’y a plus ni droite ni gauche, mais des consommateurs plus ou moins riches à la place de citoyens.


Le Forum social mondial, selon une reconstruction superficielle qui a un certain écho, serait né dans le sillage des manifestations alter mondialistes de Seattle. Et pourtant, l’histoire du Forum a une dérivation bien moins « occidentale » que ce qu’on croit. Pouvez-vous la raconter ?

Le Forum social mondial est loin d’être une création de l’Occident puisque le premier rendez-vous a eu lieu au Brésil ; ensuite, et ce n’est pas un hasard, d’autres rencontres se sont déroulées à Mumbai, Caracas et Karachi, tandis que le forum qui commence demain a choisi Nairobi comme siège. Il ne faut pas oublier, en outre, qu’à Seattle, l’Organisation mondiale du commerce a été mise hors jeu non pas par les manifestants nord-américains mais par le vote de la majorité des pays en voie de développement. Un des premiers rendez-vous qui ont lancé le Forum a été appelé « l’Anti-Davos à Davos » : la manifestation, petite mais très symbolique, organisée en 1990 par le Forum mondial des alternatives, grâce auxquelles des représentants des victimes des politiques du capitalisme libéral ont pu discuter du programme officiel de Davos. Nous étions peu nombreux, mais nous représentions de grandes forces sociales : des syndicats indiens, coréens, brésiliens, des organisations de femmes et de paysans, des associations d’Afrique occidentale, des défenseurs des droits sociaux, des mouvements brésiliens. C’est de là qu’est née l’idée de fixer un autre rendez-vous à une échelle plus grande.

Propos recueillis par Giuliano Battiston


- Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




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