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Sanctionnons les distributeurs complices d’entreprises irresponsables

Vendre par erreur des produits défectueux est une chose que l’on peut à la rigueur admettre, puisque dans notre société de consommation, tout ou presque désormais a une durée de vie limitée. Mais certains distributeurs cautionnent en toute connaissance de cause la vente de marques ou produits à l’origine douteuse, en plus de ceux qui, en toute discrétion, ferment les yeux sur les pratiques de leurs fournisseurs ou sous-traitants.

Il y a une notion clé dans ce débat qui restent encore floue ou abstraite pour certains distributeurs : la responsabilité. Il est vrai que le distributeur n’est a priori qu’un intermédiaire entre des marques ou des fabricants, grossistes ou détaillants, et des clients, souvent mal ou sous-informés. Dans cette position économiquement confortable et intellectuellement rassurante, certains distributeurs ont une fâcheuse tendance à croire qu’ils ne sont responsables ni des « pratiques et aléas de production », au sens large, ni de l’éducation du consommateur, assez grand selon eux pour faire le tri à son niveau. Or, la responsabilité des distributeurs est en réalité large et portent sur plusieurs plans.

La responsabilité « produits » (et services...)

Ce sont les cas les plus simples et les plus fréquents : ceux des produits défectueux. Mais pour le consommateur, faire valoir ses droits face au distributeur indélicat se transforme parfois en parcours du combattant. Il est vrai que les distributeurs ont longtemps été du bon côté du fusil législatif. En cause, une directive européenne ancienne, datant du temps où l’Europe s’appelait CEE : la directive européenne n° 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. « Le texte de cette directive de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux ne retient pas en principe la responsabilité du vendeur, sauf s’il se comporte comme un producteur (en apposant son nom ou sa marque) ou s’il importe le produit hors de la communauté », nous explique le site LSA Conso. Sauf que la transposition de cette directive communautaire en droit français a, depuis, pris une orientation beaucoup plus contraignante : « le distributeur est responsable des dommages matériels ou physiques engendrés par tout produit défectueux qu’il commercialise, qu’il s’agisse d’une marque de fournisseur ou d’une MDD [...] Le distributeur est responsable même sans avoir commis de faute : présumé de mauvaise foi, il est censé connaître le vice caché. Quand bien même une faute serait exigée pour engager sa responsabilité, une jurisprudence constante juge que la livraison d’un produit défectueux constitue en elle-même une faute », confirme LSA Conso.

Il est vrai que les intermédiaires et distributeurs de manière générale ont tendance à se défiler, dès qu’il est question d’assumer leurs responsabilités. Le prestataire de services Smartbox, ancien numéro un du coffret-cadeau en France, a été un cas d’école de cette tentation : Smartbox a tenté d’inclure une clause particulière dans ses CGV, indiquant ainsi que « Smartbox Experience Ltd agit en tant qu’apporteur d’affaires en proposant aux Clients des coffrets cadeaux Smartbox, permettant de bénéficier d’une Prestation proposée et exécutée par l’un des Partenaires. Le Partenaire est seul responsable de la bonne exécution de la Prestation ». Bien essayé, mais l’article L.211-16 du Code du tourisme issu de la loi du 22 juillet 2009 prévoit que « toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article 211-1 (organisation de voyage, forfaits) est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat », rappelle le site CGV Expert. En résumé, les clauses particulières voulues par Smartbox sont nulles et non avenues. Une législation qui n’est peut-être pas étrangère à la décision de la firme de déménager fiscalement en Irlande.

La responsabilité sociale sur toute la chaine de valeur

Au-delà de la question de la responsabilité sur les produits ou services vendus, le passif de Smartbox illustre une autre thématique sur laquelle les distributeurs sont désormais attendus au tournant : l’éthique, au sens large. La stratégie d’optimisation fiscale de Smartbox et sa délocalisation en Irlande (au détriment des emplois en France) est légale, sur le strict plan du droit. Mais qu’une entreprise en bonne santé financière décide de priver la France de recettes fiscales, tout en détruisant des emplois est plus litigieux sur le plan moral. Or c’est bien sur cette distinction entre le légal et le moral que se bâtit une éthique, au fondement de la responsabilité sociale.

D’autres enseignes, chères au cœur des Français, ont fait des choix stratégiques aussi discutables. La FNAC a ainsi cru trouver une planche de salut dans l’intégration de marques prestigieuses à ses espaces de vente. L’idée était séduisante de prime abord : la FNAC, en crise interne depuis des années s’est en effet longtemps cherché des relais de croissance, et des pistes pour redynamiser des équipes en proie aux doutes. Les syndicats de la FNAC, Sud, FO, CGT et CFTC en tête, dénoncent en effet de longue date un climat de « désinvestissement individuel, de démission passive ». En 2007, l’enseigne jette son dévolu sur Apple, alors en pleine ascension. Les corners de la firme à la pomme sont toujours bien positionnés dans les divers magasins de l’enseigne mais entretemps, plusieurs scandales ont fait les gros titres, entre évasion fiscale et exploitation à outrance des sous-traitants chinois. Difficile d’imaginer que la FNAC ignore aujourd’hui les agissements d’Apple ; « l’agitateur culturel » semble bien loin de l’idéal d’accès à la culture de ses fondateurs.

Il est vrai que la question de la responsabilité vis-à-vis des conditions de travail chez les sous-traitants asiatiques ne s’est posée que tout récemment, particulièrement après le drame du Rana Plazza au Bangladesh en avril 2013 : plus de 1100 morts ont été nécessaires pour que l’Occident ouvre les yeux sur la fabrication de certains produits importés. Or parmi la trentaine de marques retrouvés parmi les décombres, certaines ont refusé de reconnaitre leur responsabilité et ont renâclé avant d’abonder au fonds d’indemnisation des victimes. L’enseigne Auchan en particulier a fait l’objet fin 2015 d’une plainte pour « pratiques commerciales trompeuses ». Si l’enseigne évoque de son côté des sous-traitants indélicats pour se dégager de toute responsabilité, les associations à l’origine de la plainte, Sherpa, Peuples solidaires et le Collectif « éthique sur l’étiquette » expliquent à l’inverse que « les constats qu’elles ont effectués au Bangladesh montrent que les violations des droits humains au travail persistent dans les usines d’Auchan ». Selon les associations, « la communication d’Auchan sur ses engagements éthiques est de nature à tromper le consommateur ». Des étiquettes Tex, MDD de l’enseigne Carrefour, auraient également été retrouvé sur place, mais l’enseigne refuse toujours de reconnaitre la moindre responsabilité dans l’événement, arguant d’une confusion avec une marque danoise. Il est vrai que concernant Carrefour, l’enseigne a déjà suffisamment à gérer en France : tout récemment, l’enseigne de distribution a été assignée devant le tribunal de commerce pour, cette fois, « pratiques commerciales abusives », au motif d’une pression financière exorbitante sur ses fournisseurs.

Il n’est donc pas nécessaire d’aller pister des fournisseurs en Asie pour trouver des distributeurs aux pratiques contestables. Le consommateur d’aujourd’hui, bien plus exigeant qu’avant sur l’origine des produits, n’est pas aussi peu informé que les enseignes veulent bien le croire. Rares sont les distributeurs qui peuvent se prévaloir d’être « blanc comme neige », mais pour ceux sur lesquels le couperet médiatique est tombé, n’ayons pas de scrupules à faire pression pour que les comportements évoluent. Le consommateur détient toujours un pouvoir sans équivalent, celui d’aller simplement faire ses achats ailleurs.

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