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Une défaite historique de la gauche, Denis Collin, Christophe Miqueu, Jacques Cotta.









La Sociale, mardi 8 mai 2007.


Il faut appeler les choses par leur nom. Le résultat du deuxième tour de la présidentielle doit être analysé dans toute son ampleur. Il ne s’agit pas seulement de l’écart, très important, mais aussi de la très forte participation. L’élection de Nicolas Sarkozy n’est pas une élection par défaut (comme le fut celle de Jacques Chirac en 2002) mais une véritable élection d’adhésion - dont les prémices étaient déjà très perceptibles avec l’important résultat du premier tour. Le vote Royal fut en revanche très souvent un vote par défaut. Il faudra sûrement entrer dans le détail de cette élection, faire de la sociologie électorale, mais d’ores et déjà on peut dire que toute un chapitre de l’histoire de la gauche vient de se clore. C’est à juste titre que François Delapierre écrivait [1] : « Cher lecteur (...) prends juste quelques instants à l’heure du vote pour regarder attentivement la gauche et en graver les traits dans ta mémoire. Car tu ne la reverras plus jamais ainsi dès la semaine prochaine. »


Regarder la vérité en face

D’abord constater la défaite. Le dimanche soir, devant le siège du PS, rue de Solferino, seul des « fans » de Ségo restent pour danser, au moment où une grande majorité des téléspectateurs-électeurs de gauche sont atterrés du spectacle. La défaite politique ne les atteint pas. La candidate socialiste reprend presque mot pour mot les paroles de Bayrou au soir du premier tour (« quelque chose a commencé qui ne s’arrêtera pas ») et les groupies hurlent leur joie. On n’est plus dans la politique mais dans quelque chose qui relève de la transe religieuse. Sur les plateaux de télévision Julien Dray annonce qu’une nouvelle dirigeante socialiste est née pendant que Ségolène Royal annonce qu’elle réunira tous ceux qui l’ont soutenue et laisse entendre qu’elle va faire sauter le vieux PS. (...)

Or, le PS et avec lui toute la gauche ont perdu une élection qui ne devait pas l’être. Chirac le mal élu - élu par une majorité d’électeurs de gauche, rappelons-le - laisse un bilan pitoyable. Les mauvais coups contre les classes populaires se sont accumulés. Le chômage perdure en dépit des statistiques truquées et la pauvreté ne cesse d’augmenter. Sarkozy est un homme craint, haï par la gauche et une bonne partie des centristes, jalousé par une partie de la droite qui aimerait bien glisser quelques bananes sous ses chaussures. Jamais depuis longtemps une élection ne s’était présentée sous des auspices aussi favorables pour la gauche et la gauche a perdu, non pas de quelques dizaines milliers de voix comme Mitterrand en 1974, non pas après la fin calamiteuse du second septennat du Mitterrand quand Jospin est confronté au 2e tour à Chirac, la gauche a perdu alors que tout logiquement devait lui permettre de gagner. La gauche a perdu par sa faute. (...)

Mais surtout Sarkozy a développé une ligne constante qui lui a permis d’occuper un terrain abandonné par la gauche. A ceux qui en ont assez de l’assistanat, assez de la précarité, assez d’être considérés comme des survivances du passé, menacés d’être réduits à néant par les délocalisations, Sarkozy a su parler. Certes, il les a surtout payés de mots, mais il a pu se permettre de se présenter comme celui s’occupait de ceux que la gauche avait abandonnés. Et s’il a pu le faire impunément, c’est parce que réellement la gauche a depuis déjà de nombreuses années abandonné toute prétention à représenter les ouvriers et les employés, etc., bref, ce qu’on doit bien appeler le prolétariat. Sur les décombres d’une gauche surtout tournée vers les classes moyennes supérieures, les gens « branchés », Sarkozy a commencé de réussir en France l’opération qu’a largement réussie Berlusconi et Forza Italia dans les vieilles régions industrielles italiennes. (...)

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L’élu de 53 % du peuple et de 100 % du Medef est parti chez ses maîtres... « habiter sa fonction », par Gérard Filoche.






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Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition des employeurs et des gouvernements contre les salariés que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, qui lance des grenades lacrymogènes ou ce que vous voulez. Rien n’est aussi puissant comme moyen contre la volonté tout simplement d’affirmer une dignité, d’affirmer la possibilité d’être considéré comme un être humain. C’est ça la réalité des choses.

Henri Krazucki
ancien secrétaire général de la CGT
Extrait sonore du documentaire de Gilles Balbastre "Le chômage a une histoire",

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