auteur M. SAADOUNE

Les Occidentaux ne complotent pas, ils « expérimentent »

M. SAADOUNE
Les Occidentaux ont l'art, d'une efficacité de moins en moins probante, de faire des choses qui provoquent des dégâts et d'en rendre les autres responsables. Et on est réellement fatigués de devoir expliquer à chaque fois que souligner leur très grande responsabilité ne relève pas du déni des « Daech » qui sont en nous ou d'une théorie de la conspiration. Le monde arabe est travaillé par des dynamiques contradictoires et celle de la régression, sans être irrésistible, est puissante. Cette régression est soutenue par nos dictatures et nos autoritarismes qui ne cultivent pas l'ouverture mais l'enfermement même si les castes dirigeantes vivent, physiquement, dans les pays occidentaux. Il y a chez les élites au pouvoir dans le monde arabe un mélange de mépris, de violence et d'incapacité à prévoir qui ne peut qu'annoncer les catastrophes. Et ces élites, parce qu'elles ne sont pas comptables devant des peuples-électeurs souverains, n'ont pas de vrais agendas nationaux. Leur (…)

Le domino chinois

M. SAADOUNE

La Chine et la Russie ont conclu, hier, un méga-contrat d’approvisionnement en gaz de 400 milliards de dollars sur trente ans. L’expression de partenariat ou d’alliance « stratégique », trop galvaudée, prend ici tout son sens et pas seulement au plan économique.

Un sommet entre Xi Jinping et Vladimir Poutine n'a rien de banal en soi, à plus forte raison quand il se tient dans un contexte où les deux puissances sont, à des degrés divers, en situation conflictuelle avec les Etats-Unis. La signature de l'accord sur le gaz, en gestation depuis dix ans et qui achoppait sur la question du prix, constitue un évènement majeur. Il confirme que les convergences entre les deux puissances sont plus fortes que les divergences même si les Occidentaux ont tendance à mettre fortement en exergue ces dernières. Ce n'est pas une alliance militaire destinée à faire « peur », mais les accords qui intègrent également l'organisation de manœuvres militaires communes marquent bien l'existence d'une forte entente. Le président russe, devenu le « méchant absolu » dans les médias occidentaux, souligne qu'il n'est pas nécessaire de créer une alliance militaire et politique. Il reste que les deux puissances, qu'elles s'allient ou non, sont vues par les Etats-Unis comme (…)

Les plaies africaines

M. SAADOUNE

Des pays africains se sont réunis à Paris autour du président français François Hollande pour déclarer la guerre à Boko Haram qui provoque une aversion mondialisée après l’enlèvement massif de 200 lycéennes au nord du Nigeria. Réunis à l’Elysée, les chefs d’Etat africains concernés, ceux du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin ont décidé d’une série de mesures allant de l’organisation de patrouilles coordonnées à la mise en place d’un « système de partage du renseignement » en passant par la surveillance des frontières.

Sur le plus long terme, ils ont décidé de créer une « cellule de fusion du renseignement » et une équipe dédiée à élaborer une « stratégie régionale de lutte contre le terrorisme dans le cadre de la Commission du Bassin du lac Tchad ». L'émotion provoquée par le terrible forfait de la secte Boko Haram contre les lycéennes nigérianes dispense-t-elle de poser la question qui fâche : pourquoi le Nigeria, premier concerné et ses voisins, le Cameroun, le Niger, le Tchad et le Bénin, se sont réunis à Paris au lieu d'Abuja pour se concerter et prendre ces mesures ? On a, bien entendu, la réponse générale structurelle, celle de l'incapacité de l'Union africaine et des organisations régionales à être des vrais espaces de concertation et d'action pour prévenir les crises ou les traiter. Le principe de non-ingérence régulièrement évoqué sonne creux quand les pays concernés n'ont pas une volonté réelle de le mettre en œuvre et ne se donnent pas les moyens d'agir sans attendre les initiatives (…)

Libye : Les tentations de l’étrange général

M. SAADOUNE

Les choses s’accélèrent – et se dégradent – en Libye avec les violences à Benghazi et l’attaque menée par des milices alliées à l’ancien général Khalifa Haftar contre le Congrès national général (CNG, le Parlement de transition).

Il devient superflu désormais de se demander si un coup d'Etat est en cours. La seule bonne question est de savoir s'il va réussir ou s'il va réduire la Libye en morceaux. Le général Khalifa Haftar, qui se cherche une destinée nationale libyenne après deux décennies passées en Virginie, non loin de Langley, ou siège de la CIA, est en train de mettre en mouvement tous les détenteurs d'armes en Libye. Derrière un clivage très flou entre « libéraux » et « islamistes », l'action engagée par le général Haftar fait basculer la Libye dans la guerre ouverte. Qui peut facilement se généraliser. Ce ne sont plus les milices présumées islamistes qui sont attaquées mais ce qui constitue, faute de mieux, la représentation nationale, (le Parlement de transition) ainsi que le gouvernement qui en est issu. Aujourd'hui, le coup d'Etat rampant est mené par le général Haftar, qui a obtenu le ralliement de certaines unités de l'armée avec le soutien de la puissante milice de Zenten. A Tripoli, c'est (…)

Amnésie Impériale

M. SAADOUNE
On l'apprend tout de go : la Crimée, voyez-vous, c'est pire que l'Irak ! C'est Barack Obama qui le dit dans un discours où il affirme la supériorité « morale » des Etats-Unis sur la Russie au nom de leur respect différent du droit international. Un exercice hallucinant qui ne convaincra sans doute que les juges de la CIJ qui ont validé l'indépendance du Kosovo en prétendant que cela ne pouvait être considéré comme un précédent. Mais avant même l'argumentaire juridique, oser affirmer que la Crimée c'est pire que l'Irak est ahurissant. Il y a eu au moins plus de 500.000 morts en Irak du fait de l'intervention américaine et le « traitement » de Falloudja a été un « modèle » d'horreur. Ce pays ne s'en relève toujours pas. Il n'y a pas eu de morts en Crimée. Il faut en conclure donc que les centaines de milliers de morts en Irak ne pèsent pas bien lourd à l'aune de la Maison-Blanche démocrate. Mais Barack Obama ne se contente pas de ce jugement implicite sur la valeur de la vie (…)