Christian EYSCHEN
Après vingt ans de réformes destructrices, le gouvernement ouvre grand les vannes de la privatisation de l’enseignement de l’enseignement supérieur. Le Libre Pensée et l'Institut de Recherches et d'Études de la Libre Pensée rejoignent les défenseurs de l’Université républicaine et appellent à mettre en échec le projet de Loi Baptiste et à refonder l’Université publique, gratuite et libre.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a dévoilé mi-juin un projet de loi de « Modernisation et régulation de l’enseignement supérieur », aussitôt appelé « Loi Baptiste », du nom du ministre. Le texte a depuis été renommé « pour la régulation de l’enseignement supérieur privée », mais sans que sa teneur ne change. Or le contenu de ce texte est alarmant et appelle une mobilisation générale de toutes celles et tous ceux qui croient en l’importance d’une Université publique, libre, gratuite, exigente et indépendante. Sous couvert de « réguler l’enseignement privé », la loi lui confère une reconnaissance inédite, égale à celle dont bénéficie l’enseignement public. Mais il ne s’agit pas que d’octroyer au privé des compétences du public, il s’agit aussi de transformer (« adapter ») l’Université elle-même en un acteur privé parmi d’autres, en faisant sauter les cadres statutaires nationaux.
• Le « monopole de la collation des grades », c’est-à-dire de la délivrance (…)
Christian EYSCHEN
L’armée française s’inquiète. Elle a bien du mal chaque année à recruter les effectifs militaires et civils dont elle dit avoir besoin. Cette inquiétude a connu un pic en 2023 quand les difficultés sont devenues particulièrement alarmantes : les entrées nouvelles ne compensaient pas les sorties définitives. L’armée a « perdu » près de 4 000 hommes. Publié en mars 2025, un rapport parlementaire (N° 1152) étudie ce problème : comment augmenter les effectifs, les fidéliser, comment accroître « l’attractivité de l’armée » ainsi que ses « forces morales » ? Le but : trouver 6 000 (militaires et civils) supplémentaires, afin d’atteindre 275 000 hommes en 2030 ; et rénover le lien « Armée-Nation » afin d’avoir un réserviste pour 2 militaires d’active en 2035.
Quelles sont les mesures prises et à prendre, selon ce rapport ?
La limite d’âge pour les réservistes est portée à 72 ans. On multiplie et on diversifie les campagnes de recrutement : spots-TV, affiches, espaces publicitaires. On propose des contrats de formation qualifiante en échange d’un engagement sous statut militaire. On met en place des partenariats avec des écoles et des pôles universitaires.
On recourt à des avantages financiers : une bourse qui peut aller de 1 200 à 20 000€ est versée si on souscrit un contrat (pour être militaire du rang ou officier). En 2023, il y a eu 416 allocations pour un total de 2 millions d’euros. Dans le cas où la concurrence avec le privé est forte, on met en place une prime P.L.S. (prime-lien-service). En 2022 la prime est passée de 25 000 à 50 000 € pour la cybernétique et le nucléaire ; en 2023 la prime est passée de 25 000à 40 000 € pour les « systèmes de combat ».
Il ne suffit pas de recruter, il faut garder les recrues. Or, en (…)
Christian EYSCHEN
A en croire les relais du gouvernement français, l’hexagone serait un parangon de liberté pour l’Université et la recherche, un havre vers lequel les scientifiques étasuniens brûleraient de se réfugier… Sous-entendu : si bien sûr les universités et organismes de recherche leur faisaient des offres ad hoc au lieu de persister dans l’archaïsme du recrutement par voie de concours, sous le statut de la fonction publique. L’antienne est martelée sur tous les tons depuis janvier, et de fait, les attaques de Donald Trump et Elon Musk contre l’Université et la recherche sont très concrètes, elles ont des effets dévastateurs et elles relèvent de l’obscurantisme le plus total, même s’il est adossé à de grandes déclarations d’amour à la technique et à l’innovation.
Ce dernier paradoxe n’est qu’apparent et se retrouve chez certains des nouveaux convertis français de la liberté académique : la science, c’est bien, quand c’est pour le marché, l’innovation, le profit, et tant qu’à faire, l’armée. Le reste, en revanche, relève du « wokisme », de « l’islamo-gauchisme » etc., et mérite qu’on lui coupe les vivres, voire qu’on l’embastille quand les choses vont vraiment trop loin.
Mais les grandes déclarations d’amour à l’accueil des scientifiques étrangers persécutés tardent à se concrétiser en dotations budgétaires nouvelles : au contraire, le gouvernement vient de couper une nouvelle fois dans les crédits alloués à l’Université et à la recherche. À l’inverse, les effets de manche contre les secteurs universitaires indisciplinés se traduisent déjà en actes, y compris en initiatives législatives.
La Libre Pensée a déjà exposé ces derniers mois comment les tronçonneuses budgétaires maniées au nom de l’excellence, de l’innovation et de la (…)
Christian EYSCHEN
Périodiquement, certains grands médias alliés à des politiciens conservateurs montent en épingle tel ou tel incident survenu dans un établissement universitaire, et crient à la liberté académique qu’on assassine. Dans la foulée, les mêmes demandent un tour de vis contre les universités, voire … contre la liberté académique. Qu’il s’agisse des Suppliantes en Sorbonne, d’une conférence sur le genre à Bordeaux, d’une semaine de l’égalité à Grenoble ou d’un débat avec tel ou tel dirigeant politique un peu partout, ces affaires ont toujours à voir avec des événements ou manifestations « en zone grise », qui ne relèvent pas des missions premières de l’Université, tout en impliquant un établissement universitaire. À chaque fois, des protagonistes se prévalent de la liberté académique pour justifier une liberté d’expression illimitée, y compris sur des sujets extérieurs à leur profession ; ils se heurtent à des résistances souvent formulées en des termes tout aussi confus, et il en découle une polémique toxique.
L’Université en zone grise : remettre de la clarté dans le débat et dissiper le brouillard des polémiques
La dernière affaire en date, à Lyon, ne fait pas exception. Elle est simplement sans doute encore plus confuse que les précédentes, parce qu’elle combine deux incidents en zone grise : l’organisation d’une rupture du jeûne par un collectif étudiant dans une salle de cours « occupée » par ce collectif, et son interdiction par la présidence de l’université ; et une prise de position médiatique au vitriol d’un enseignant de la même université subodorant une complaisance de la communauté universitaire envers un « blocage islamiste », suivie de l’interruption d’un de ses cours par des nervis cagoulés. La Libre Pensée ne participe pas aux controverses médiatiques dont la fonction est de créer de la confusion. Viscéralement attachée à la défense de la liberté académique, elle considère que son rôle est au contraire de rétablir un peu de clarté dans un brouillard savamment entretenu. (…)
Christian EYSCHEN
Les temps sont durs, la République française ploie sous le « fardeau » de la dette, l’austérité budgétaire est donc indispensable. Ce discours habituel a revêtu des accents nettement plus alarmistes qu’habituellement sous les gouvernements dirigés par MM. Michel Barnier, puis François Bayrou. Néanmoins, à la suite d’une démarche du Secrétariat général de l’enseignement catholique bien relayée au Parlement, les établissements privés d’enseignement, quasiment tous catholiques, vont bénéficier d’une nouvelle obole de la part de l’État à compter de 2025 : la légalisation de l’exonération de taxe d’habitation (TH). Le lien entre cette mesure fiscale d'apparence généraliste et le soutien de l'État à l'enseignement confessionnel peut sembler ténu. Il est pourtant bien réel, comme nous allons le voir.
Dans sa rédaction en vigueur en 2023, l’article 1407 du Code général des impôts (CGI) prévoyait qu’étaient assujettis à la TH « [...] les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises ». Seuls étaient exonérés, s’agissant des établissements privés d’enseignement, « Les locaux destinés au logement des élèves dans les écoles et pensionnats », sur le fondement du 3° du II de cet article. Dans ces conditions, étaient taxés leurs locaux meublés privatifs à usage d’habitation.
Sacrilège, le 1° du II de l’article 1408 du CGI exonère, quant à lui, « Les établissements publics scientifiques, d'enseignement et d'assistance, les établissements mentionnés aux I et II de l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles, ou leurs groupements, ne se livrant pas à une exploitation ou à des opérations à caractère (…)