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La guerre qui vient : « Engagez-vous, rengagez-vous, qu’ils disaient »

L’armée française s’inquiète. Elle a bien du mal chaque année à recruter les effectifs militaires et civils dont elle dit avoir besoin. Cette inquiétude a connu un pic en 2023 quand les difficultés sont devenues particulièrement alarmantes : les entrées nouvelles ne compensaient pas les sorties définitives. L’armée a « perdu » près de 4 000 hommes. Publié en mars 2025, un rapport parlementaire (N° 1152) étudie ce problème : comment augmenter les effectifs, les fidéliser, comment accroître « l’attractivité de l’armée » ainsi que ses « forces morales » ? Le but : trouver 6 000 (militaires et civils) supplémentaires, afin d’atteindre 275 000 hommes en 2030 ; et rénover le lien « Armée-Nation » afin d’avoir un réserviste pour 2 militaires d’active en 2035.

Quelles sont les mesures prises et à prendre, selon ce rapport ?

La limite d’âge pour les réservistes est portée à 72 ans. On multiplie et on diversifie les campagnes de recrutement : spots-TV, affiches, espaces publicitaires. On propose des contrats de formation qualifiante en échange d’un engagement sous statut militaire. On met en place des partenariats avec des écoles et des pôles universitaires.

On recourt à des avantages financiers : une bourse qui peut aller de 1 200 à 20 000€ est versée si on souscrit un contrat (pour être militaire du rang ou officier). En 2023, il y a eu 416 allocations pour un total de 2 millions d’euros. Dans le cas où la concurrence avec le privé est forte, on met en place une prime P.L.S. (prime-lien-service). En 2022 la prime est passée de 25 000 à 50 000 € pour la cybernétique et le nucléaire ; en 2023 la prime est passée de 25 000à 40 000 € pour les « systèmes de combat ».

Il ne suffit pas de recruter, il faut garder les recrues. Or, en moyenne, les 78 000 militaires du rang ne restent que 4,3 ans. S’ils restaient 6 ans, on économiserait 5 000 recrutements. De 2019 à 2023, les flux de départ ont augmenté de 17% pour les sous-officiers, de 28% pour les officiers.

Déserteurs de tous les pays, unissez-vous !

Et il ne faut pas oublier une « forme singulière de départ de l’institution : les désertions », selon l’expression du rapport parlementaire. En temps de paix, la désertion est punie de 5 à 10 ans de prison. Mais, actuellement, les déserteurs écopent pour quelques-uns de 15 jours à 6 mois de prison avec sursis ; et la plupart des cas sont classés sans suite.

Les désertions frappent avant tout l’armée de terre (97% des désertions) ; elles se sont élevées de 800 à 1 200 cas par an entre 2017 et 2023. Un pic de 1418, en 2022, est dû, en particulier, à la désertion de 85 légionnaires d’origine ukrainienne qui ont rejoint leur pays. D’autre part, une période de plein emploi a favorisé les désertions, pour obtenir de meilleures conditions de travail, dans le privé.

En conclusion de ce rapport parlementaire, diverses recommandations sont faites pour « fidéliser » : améliorer les perspectives de carrière au sein de l’armée, rendre plus compatibles les conditions de travail et la vie personnelle.

D’autre part, après l’échec du SNU (même s’il n’est pas encore officiellement supprimé), le gouvernement poursuit le même objectif : recruter dans la jeunesse. Le 14 mai 2024, Mme Belloubet, alors ministre de l’Éducation nationale, déclarait : « L’esprit de défense n’est pas inné. Il doit être cultivé en chaque citoyen dès le plus jeune âge. Il s’agit de mettre en œuvre la souffrance, la discipline et les rites : cela pourrait inspirer notre jeunesse. »

Il ne s’agit plus de réunir les jeunes en dehors de l’école, dans des simili « chantiers de jeunesse », mais de rendre l’armée présente dans la société, et en particulier dans l’École. Tout doit être imprégné de « militarité » (sic).

Une Commission de défense s’est réunie en avril 2025 pour la « sensibilisation de la jeunesse à l’esprit de défense ». Ses préconisations sont très inquiétantes. Pour contrer la « menace intérieure » représentée, comme on le sait, par le « terrorisme islamiste », il faudrait remplacer, en collège, le cours d’E.M.C. (Education Morale et Civique), par un cours d’une heure/semaine de « culture citoyenne et défense », avec épreuve au D.N.B. (diplôme national du brevet).

Ce cours comprendrait des visites aux monuments patriotiques, des rencontres avec gendarmes et soldats. En lycée, on créerait des sections d’excellence « défense et sécurité nationale » ; cette « éducation patriotique » accueillerait des « cérémonies commémoratives » dans les établissements. Les lycéens majeurs auraient un service de 30 à 60 jours, obligatoire ou volontaire, militaire ou civil. On ferait un recensement obligatoire des compétences des jeunes « afin que le ministère des Armées dispose de plus amples informations sur les qualifications particulières disponibles ».

On voit le danger de ces propositions : l’armée s’insinue dans les activités de l’école, la liberté de conscience n’existe plus, l’endoctrinement se fait pour soutenir la guerre, on confond cérémonie commémorative et cours d’histoire, l’avenir des jeunes est soumis à la vie militaire.

Défense de la jeunesse !
Non à la militarisation de l’École !
Non à la guerre !
L’armée hors de l’école !

Nicole Aurigny

 https://www.fnlp.fr/2025/06/la-guerre-qui-vient-2/
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