RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
"Yankees de merde" comme dit le président Chavez

Bolivie : l’orient en flammes, Morales chasse l’ambassadeur étasunien.

Les premiers morts arrivent dans l’après-midi, à cinq kilomètres de Porvenir sur la route de Tres Barracas, dans la province orientale de la Bolivie qui est en feu depuis plusieurs jours. Une manifestation de campesinos, une embuscade des groupes d’assaut du préfet autonomiste de Pando, les bastonnades et les coups de revolver partent, quatre homes sont tués. Il ne s’agit plus de blocs routiers et d’institutions publiques assaillies et détruites, de gazoducs sabotés. Ce n’est pas encore une guerre civile, ce qui est en train de mordre la Bolivie dans sa province orientale riche, autonomiste et anti-indigène ; mais ça commence à en avoir la forme. Et le président Evo Morales ne fait pas marche arrière : d’un côté il ordonne à l’armée de ne pas ouvrir le feu, de l’autre il ordonne l’expulsion de l’ambassadeur étasunien Philip Golberg.

La Paz. La violence arrive très annoncée : entre mardi et mercredi les discours incendiaires des préfets autonomistes de Santa Cruz, Beni, Tarija et Pando contre l’ennemi numéro un, le président Evo Morales, sont remplacés de façon très peu imprévue par des groupes d’assaut. L’argument est toujours le même : rendez-nous les impôts sur les hydrocarbures, supprimés aux préfets, pour financer les retraites sous le nom de « Renta Dignidad ».

Manipules et légions de « militants civiques » commencent alors un assaut méthodique et massif, contre les sièges des institutions d’état haïes. Il y aura une trentaine de sièges d’institutions et offices publics occupés et souvent saccagés.

A Santa Cruz, le préfet Ruben Costas envoie ses gros bras armés de bâtons, de boucliers et de gros pétards, envahir la compagnie téléphonique Entel, tout juste nationalisée (elle appartenait auparavant à la société italienne Telecom), le bureau des impôts, l’Institut pour la réforme agraire, la caisse mutuelle des pétroliers, la gare, la douane, l’aéroport Viru Viru, la radio et la télévision d’Etat (les journalistes, radio et télé, menacés de mort ont suspendu les émissions). A Pando, les « civiques » occupent un aéroport, un institut agraire et des sociétés d’autoroute. A Beni, aéroports et douanes tombent aux mains des « autonomistes ». A Tarija, coeur pétrolier du pays, la surintendance des hydrocarbures est occupée ; les miliciens « civiques » ont fermé une des clés du gazoduc et mercredi un attentat a réduit de dix pour cent la quantité de gaz exporté au Brésil. A l’aube, les « civiques » ont délogé les militaires qui montaient la garde au champ d’hydrocarbures (gaz) de Vuelta Grande à Chuquisaca ; l’armée et la police se retirent, parfois en se faisant tabasser devant les caméras. L’Etat ne veut pas tirer, en Bolivie.

Le dernier président qui ordonna à ses prétoriens de reprendre la rue par les armes, Gonzalo Sanchez de Lozada, dut s’enfuir (aux Etats-Unis évidemment), laissant derrière lui des centaines de morts et une enquête pour génocide ; tandis que le bataillon IV Ingavi de El Alto, à La Paz, rentrait à la caserne parce que ses soldats refusaient de tirer encore sur leurs parents. Mais les « civiques », eux, commencent à tirer : des manipulés enrôlés par les comités autonomistes de l’Orient riche. Dix dollars par jour, c’est la paye d’un « militant », ce qui fait soixante-dix bolivianos, un chiffre plus qu’alléchant. Et il y a aussi ces groupes qui, dans la rue, y vont gratis, comme les jeunes fascistes de l’Union Juvenil Crucenista.

De l’autre côté, les paysans du Mas, le Movimiento al socialismo de Evo Morales, lancent des marches et manifestations, organisent des postes de bloc, distribuent des bâtons et de vétustes fusils mauser rescapés de quelque vieille révolte, et commencent à fermer eux aussi les routes qui vont vers cet Orient détesté. Cet Orient est seul à brûler.

A La Paz tout est très calme, rues et places comme d’habitude, et dans toute cette partie occidentale qui vote pour Morales pas une feuille ne bouge. Ce n’était qu’une question de temps. Après le référendum qui a reconfirmé Evo Morales à la présidence avec 67% (et plus de 80% dans l’Ouest), les préfets rebelles ont compris que Morales est imbattable, et qu’il était même en train d’arriver à les avoir : le gouvernement, par exemple, achète maintenant du soja pour faire de l’huile et la distribuer aux plus nécessiteux, ce qui touche beaucoup le portefeuille des riches cultivateurs régionaux. Pour résister ces derniers ont du creuser des tranchées, empêcher même qu’on ne mette ne serait-ce qu’un pied dans « leurs »régions, creuser un fossé entre le pays de Morales et le leur.

Ce fossé est à présent creusé par des milliers de « militants » autonomistes, avec la bénédiction - et un peu plus sans aucun doute - de l’ambassade étasunienne, et avec une efficience brutale : il y a quelques jours, Morales a du atterrir avec son avion au Brésil parce que l’aéroport de l’est avait été occupé. Les chefs de la révolte sont ceux de toujours : le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas et le président du Conalde (le Consejo nacional democratico, la centrale opérationnelle des rebelles), Branko Marinkovic, par-dessus tout.

La révolte n’a rien de raffiné, elle est même plutôt élémentaire et jouit de l’appui le plus classique, celui de Washington. Marinkovic a été récemment aux Etats-Unis, et l’ambassadeur Goldberg s’est rendu récemment à Santa Cruz où il a rencontré Costas : le tout au grand jour, rien de caché. C’est pour cela, dans cette logique de tranchée, que Morales a décidé de chasser l’ambassadeur, fait sans précédent qui parle à « ses » indigènes dans cet Est en feu et à ceux des provinces occidentales qui le suivent : regardez, je peux mettre à la porte Mister USA, et je le fais. « Sans avoir peur de personne, sans avoir peur de l’empire, aujourd’hui devant le peuple bolivien je déclare Monsieur Philip Goldberg persona non grata ». Du jamais vu, en effet.

Comme jamais vu non plus un diplomate, Philip Goldberg, qui s’est fait la main au Kosovo, a transformé l’ambassade en centre d’espionnage (on se souviendra de cette requête aux spéculateurs Fulbright d’espionner pour le compte de l’ambassade), et s’est fait photographier avec un narcotrafiquant colombien actuellement en prison à Santa Cruz. Washington a qualifié le limogeage de l’ambassadeur de « grave erreur ». Pour le moment, rien de plus.

Edition de vendredi 12 septembre 2008 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/126Settembre-2008/art48.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

URL de cet article 7128
  

Même Thème
Figures Révolutionnaires de l’Amérique latine
Rémy HERRERA
Cet ouvrage propose au lecteur sept chapitres consacrés à quelques-uns des révolutionnaires les plus importants d’Amérique latine et caribéenne : Simón Bolívar, José Martí, Ernesto Che Guevara, Hugo Chávez, Fidel Castro et Evo Morales. L’Amérique latine et caribéenne offre depuis le début des années 2000 l’image de peuples qui sont parvenus à repasser à l’offensive, dans les conditions historiques très difficiles qui sont celles de ce début de XXIe siècle. C’est cette puissante mobilisation populaire qui est (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

On ne mesure pas la puissance d’une idéologie aux seules réponses qu’elle est capable de donner, mais aussi aux questions qu’elle parvient à étouffer.

Günter Anders
L’Obsolescence de l’homme (1956)

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.