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"Yankees de merde" comme dit le président Chavez

Bolivie : l’orient en flammes, Morales chasse l’ambassadeur étasunien.

Les premiers morts arrivent dans l’après-midi, à cinq kilomètres de Porvenir sur la route de Tres Barracas, dans la province orientale de la Bolivie qui est en feu depuis plusieurs jours. Une manifestation de campesinos, une embuscade des groupes d’assaut du préfet autonomiste de Pando, les bastonnades et les coups de revolver partent, quatre homes sont tués. Il ne s’agit plus de blocs routiers et d’institutions publiques assaillies et détruites, de gazoducs sabotés. Ce n’est pas encore une guerre civile, ce qui est en train de mordre la Bolivie dans sa province orientale riche, autonomiste et anti-indigène ; mais ça commence à en avoir la forme. Et le président Evo Morales ne fait pas marche arrière : d’un côté il ordonne à l’armée de ne pas ouvrir le feu, de l’autre il ordonne l’expulsion de l’ambassadeur étasunien Philip Golberg.

La Paz. La violence arrive très annoncée : entre mardi et mercredi les discours incendiaires des préfets autonomistes de Santa Cruz, Beni, Tarija et Pando contre l’ennemi numéro un, le président Evo Morales, sont remplacés de façon très peu imprévue par des groupes d’assaut. L’argument est toujours le même : rendez-nous les impôts sur les hydrocarbures, supprimés aux préfets, pour financer les retraites sous le nom de « Renta Dignidad ».

Manipules et légions de « militants civiques » commencent alors un assaut méthodique et massif, contre les sièges des institutions d’état haïes. Il y aura une trentaine de sièges d’institutions et offices publics occupés et souvent saccagés.

A Santa Cruz, le préfet Ruben Costas envoie ses gros bras armés de bâtons, de boucliers et de gros pétards, envahir la compagnie téléphonique Entel, tout juste nationalisée (elle appartenait auparavant à la société italienne Telecom), le bureau des impôts, l’Institut pour la réforme agraire, la caisse mutuelle des pétroliers, la gare, la douane, l’aéroport Viru Viru, la radio et la télévision d’Etat (les journalistes, radio et télé, menacés de mort ont suspendu les émissions). A Pando, les « civiques » occupent un aéroport, un institut agraire et des sociétés d’autoroute. A Beni, aéroports et douanes tombent aux mains des « autonomistes ». A Tarija, coeur pétrolier du pays, la surintendance des hydrocarbures est occupée ; les miliciens « civiques » ont fermé une des clés du gazoduc et mercredi un attentat a réduit de dix pour cent la quantité de gaz exporté au Brésil. A l’aube, les « civiques » ont délogé les militaires qui montaient la garde au champ d’hydrocarbures (gaz) de Vuelta Grande à Chuquisaca ; l’armée et la police se retirent, parfois en se faisant tabasser devant les caméras. L’Etat ne veut pas tirer, en Bolivie.

Le dernier président qui ordonna à ses prétoriens de reprendre la rue par les armes, Gonzalo Sanchez de Lozada, dut s’enfuir (aux Etats-Unis évidemment), laissant derrière lui des centaines de morts et une enquête pour génocide ; tandis que le bataillon IV Ingavi de El Alto, à La Paz, rentrait à la caserne parce que ses soldats refusaient de tirer encore sur leurs parents. Mais les « civiques », eux, commencent à tirer : des manipulés enrôlés par les comités autonomistes de l’Orient riche. Dix dollars par jour, c’est la paye d’un « militant », ce qui fait soixante-dix bolivianos, un chiffre plus qu’alléchant. Et il y a aussi ces groupes qui, dans la rue, y vont gratis, comme les jeunes fascistes de l’Union Juvenil Crucenista.

De l’autre côté, les paysans du Mas, le Movimiento al socialismo de Evo Morales, lancent des marches et manifestations, organisent des postes de bloc, distribuent des bâtons et de vétustes fusils mauser rescapés de quelque vieille révolte, et commencent à fermer eux aussi les routes qui vont vers cet Orient détesté. Cet Orient est seul à brûler.

A La Paz tout est très calme, rues et places comme d’habitude, et dans toute cette partie occidentale qui vote pour Morales pas une feuille ne bouge. Ce n’était qu’une question de temps. Après le référendum qui a reconfirmé Evo Morales à la présidence avec 67% (et plus de 80% dans l’Ouest), les préfets rebelles ont compris que Morales est imbattable, et qu’il était même en train d’arriver à les avoir : le gouvernement, par exemple, achète maintenant du soja pour faire de l’huile et la distribuer aux plus nécessiteux, ce qui touche beaucoup le portefeuille des riches cultivateurs régionaux. Pour résister ces derniers ont du creuser des tranchées, empêcher même qu’on ne mette ne serait-ce qu’un pied dans « leurs »régions, creuser un fossé entre le pays de Morales et le leur.

Ce fossé est à présent creusé par des milliers de « militants » autonomistes, avec la bénédiction - et un peu plus sans aucun doute - de l’ambassade étasunienne, et avec une efficience brutale : il y a quelques jours, Morales a du atterrir avec son avion au Brésil parce que l’aéroport de l’est avait été occupé. Les chefs de la révolte sont ceux de toujours : le préfet de Santa Cruz, Ruben Costas et le président du Conalde (le Consejo nacional democratico, la centrale opérationnelle des rebelles), Branko Marinkovic, par-dessus tout.

La révolte n’a rien de raffiné, elle est même plutôt élémentaire et jouit de l’appui le plus classique, celui de Washington. Marinkovic a été récemment aux Etats-Unis, et l’ambassadeur Goldberg s’est rendu récemment à Santa Cruz où il a rencontré Costas : le tout au grand jour, rien de caché. C’est pour cela, dans cette logique de tranchée, que Morales a décidé de chasser l’ambassadeur, fait sans précédent qui parle à « ses » indigènes dans cet Est en feu et à ceux des provinces occidentales qui le suivent : regardez, je peux mettre à la porte Mister USA, et je le fais. « Sans avoir peur de personne, sans avoir peur de l’empire, aujourd’hui devant le peuple bolivien je déclare Monsieur Philip Goldberg persona non grata ». Du jamais vu, en effet.

Comme jamais vu non plus un diplomate, Philip Goldberg, qui s’est fait la main au Kosovo, a transformé l’ambassade en centre d’espionnage (on se souviendra de cette requête aux spéculateurs Fulbright d’espionner pour le compte de l’ambassade), et s’est fait photographier avec un narcotrafiquant colombien actuellement en prison à Santa Cruz. Washington a qualifié le limogeage de l’ambassadeur de « grave erreur ». Pour le moment, rien de plus.

Edition de vendredi 12 septembre 2008 de il manifesto

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/126Settembre-2008/art48.html

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

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