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Un FMI « redevenu utile », mais pour qui ?

En moins d’une semaine, DSK a démissionné du FMI et Christine Lagarde est quasiment intronisée comme candidate des Européens à sa direction générale. Durant cette semaine, nombre de chroniqueurs ont présenté un résumé flatteur de l’action de DSK au FMI. Du mandat qualifié de manière très surprenante d’« exceptionnel » par Bernard Maris sur France Inter [1] aux éditoriaux du journal Le Monde dont le site internet offre par exemple la lecture d’un article intitulé « Dominique Strauss-Kahn quitte un FMI redevenu utile » [2], la tonalité est globalement positive. Pourtant, un bilan très critique de l’action du FMI et de son directeur général DSK s’impose.

Le FMI revient de loin. A partir de 2004, l’augmentation importante des cours des matières premières a provoqué un net accroissement des réserves de change des pays en développement qui atteignaient en 2008 le triple de celles du Japon, de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord réunis. Nombre de pays du Sud les ont utilisées pour rembourser de manière anticipée le FMI, réduisant ainsi la dépendance à son égard. C’est dire combien son utilité n’était pas unanimement appréciée dans les pays du Sud, y compris parmi des dirigeants loin de combattre le néolibéralisme. Discrédité par le désastre social des politiques qu’il a imposées au Sud, le FMI a néanmoins profité de la crise qui a éclaté en 2007-2008 pour reprendre pied et généraliser au Nord les mêmes politiques néfastes. Sans être exhaustifs, prenons quelques exemples européens pour démontrer que si le FMI est redevenu actif, son action est surtout nuisible pour les peuples.

En octobre 2008, un plan de 20 milliards d’euros est décidé pour la Hongrie, dont 12,3 milliards prêtés par le FMI, mais les conditions sont sévères pour la population : hausse de 5 points de la TVA à 25 %, âge légal de départ à la retraite porté à 65 ans, gel des salaires des fonctionnaires pour deux ans, suppression du treizième mois des retraités, baisse des aides publiques à l’agriculture et aux transports publics. Mais le vote du budget 2011 fâche les marchés et l’agence de notation Fitch abaisse la note de la Hongrie en déclarant que le gouvernement « a jeté les bases d’un projet de budget qui va dans la mauvaise direction », avec une taxe sur le chiffre d’affaires des banques et une hausse d’impôt temporaire pour les multinationales opérant en Hongrie, afin que tous contribuent plus ou moins à l’effort. Ce budget entend pourtant bien ramener le déficit public à 3% en 2011, donc le désaccord ne porte pas sur l’objectif à atteindre, mais sur la manière d’y parvenir.

Le mois suivant, l’Ukraine tombe dans la nasse du FMI. En échange d’un prêt de 16,4 milliards de dollars, le parlement ukrainien est sommé d’adopter un plan de « sauvetage » draconien de privatisations et de coupes budgétaires. L’Ukraine doit reculer l’âge de la retraite des femmes de 55 à 60 ans et augmenter de 20% le tarif du gaz. Mais la hausse du salaire minimum de 11% inquiète le FMI qui bloque son programme et DSK déclare : « Une mission récente du Fonds en Ukraine a conclu que les politiques dans certains domaines, dont la nouvelle loi sur le salaire minimum, menaçaient [la] stabilité » du pays. Rappelons que DSK avait augmenté son salaire de plus de 7 % à son arrivée à la tête du FMI[3].

Après avoir enregistré un taux de croissance de 10% en moyenne sur 2003-2007, la Lettonie connaît une forte récession et, en décembre 2008, le FMI, l’Union européenne et des pays nordiques s’engagent à injecter 7,5 milliards d’euros. Plutôt que de toucher aux profits du capital et au patrimoine des plus riches, c’est aux travailleurs, retraités et chômeurs qu’est imposée une cure d’austérité de deux ans, assortie d’une coupe dans les dépenses équivalente à 15% du PIB. Les salaires sont réduits de 20% dans la fonction publique, les retraites de 10%. En décembre 2009, la Cour constitutionnelle de Lettonie juge anticonstitutionnelle cette baisse des pensions de retraite demandée par le FMI, en violation du droit des individus à une sécurité sociale. Toutefois, l’austérité se poursuit et le FMI salue les « efforts extraordinaires » menés pour retrouver la croissance grâce aux exportations compétitives, via une baisse des salaires pouvant aller jusqu’à 80% ! Écoles et hôpitaux ferment par dizaines et la TVA passe de 18 à 22%, alors que les sociétés bénéficient d’un des taux d’imposition sur les bénéfices les plus avantageux de l’UE (15% contre 23,5% en moyenne).

Fortement secouée par la crise, la Grèce voit elle aussi débarquer le FMI, qui donne son accord le 9 mai 2010 pour un prêt « d’urgence » de 30 milliards d’euros sur trois ans. La situation en Grèce est encore aggravée par des manipulations statistiques ayant permis de dissimuler les chiffres réels de l’endettement, avec la complicité de la banque Goldman Sachs qui conseillait le gouvernement tout en engrangeant de juteux profits en spéculant sur la faillite de ce pays ! En février 2011, après plusieurs séries de terribles mesures d’austérité, une réduction de 1,4 milliard d’euros des dépenses de santé est réclamée par l’UE et le FMI alors qu’une centaine de médecins campe devant le ministère de la Santé à Athènes. L’objectif de privatisations de biens publics de l’État est revu à la hausse, passant de 7 milliards d’euros de recettes d’ici 2013 à 50 milliards d’ici 2015. Sont alors visés les ports, les aéroports, les chemins de fer, l’électricité ainsi que des plages touristiques du pays.

Islande, Roumanie, Irlande, Portugal et tant d’autres pays suivent une logique identique. Face à cela, comme cela s’est produit voici quelques mois en Tunisie et en Egypte, les résistances populaires se renforcent, comme cette initiative espagnole d’occupation de la Puerta del Sol et de toutes les grandes places pour s’opposer à l’austérité qui enrichit les banquiers responsables de la crise et pénalise lourdement les populations qui en sont les premières victimes. Mais la trajectoire du FMI ne dévie pas. Loin de servir l’intérêt des populations affectées par la crise, le FMI est au service des grandes puissances et des entreprises transnationales, notamment les grandes sociétés financières privées.

Si le FMI a effectivement promu quelques amortisseurs sociaux à la fin 2008 après la faillite de la banque Lehman Brothers, ce fut en phase avec les volontés de George W. Bush et José Manuel Barroso. Mais dès la mi-2009, la stratégie du choc a été mise en place largement. Ce choc d’une crise de grande ampleur a donc été utilisé pour imposer des mesures de régression sociale impossibles à faire passer en temps normal. DSK est donc loin d’être le néokeynésien pour lequel on voudrait le faire passer aujourd’hui.

Dans ce contexte, à l’aune des conditions de vie des plus démunis dont l’amélioration devrait guider toute politique digne de ce nom, il n’est pas possible d’affirmer que le FMI est « redevenu utile ». En revanche, il est possible de le combattre fermement, d’agir pour sa dissolution et son remplacement par une institution démocratique et centrée sur la garantie des droits fondamentaux, en un mot une institution « utile ». Tout le contraire du FMI actuel…

Jérôme Duval, Damien Millet et Eric Toussaint sont membres du CADTM

(www.cadtm.org). A paraître : La Dette ou la Vie, Aden-CADTM, juin 2011.

[1] 20 mai 2011, http://sites.radiofrance.fr/franceinter/chro/ledebateconomique/

[2] Jean-Baptiste Chastand, 19 mai 2011, http://www.lemonde.fr/dsk/article/2011/05/19/dominique-strauss-kahn-qu.... Voir aussi les articles d’Alain Faujas.

[3] Son salaire annuel pour 2010 était de 441 980 euros, sans compter une indemnité de 79 120 dollars pour couvrir ses frais de représentation.


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