RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Washington peut-il empêcher la mort des États du Golfe ?

Le secrétaire d’État Tillerson est contrarié que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis aient rejeté ses efforts pour calmer leur différend avec le Qatar. Sa vengeance, assortie d’une menace de mesures plus sérieuses, prend la forme d’une « fuite » dans le WaPo : les Emirats Arabes Unis ont orchestré le piratage des sites du gouvernement qatari, ce qui provoque des bouleversements régionaux, selon des responsables du renseignement étasunien :

Les Emirats Arabes Unis ont orchestré le piratage de sites de médias sociaux et d’information du gouvernement qatari, pour y poster de fausses citations incendiaires attribuées à l’émir du Qatar, Sheikh Tamim Bin Hamad al-Thani, à la fin du mois de mai, ce qui a déclenché le bouleversement en cours entre le Qatar et ses voisins, selon des responsables du renseignement américain.

Des responsables ont pris conscience la semaine dernière que de nouvelles informations recueillies par les services de renseignement des États-Unis confirmaient que, le 23 mai, des membres importants du gouvernement des Émirats arabes unis avaient discuté du plan et de sa mise en œuvre. Les responsables ont déclaré qu’on ne savait pas si les Émirats arabes unis avaient procédé aux piratages eux-mêmes ou avaient été chargé quelqu’un d’autre de le faire.

Que les Émirats arabes unis et / ou les Saoudiens soient impliqués dans le piratage était assez clair depuis le début. Ils étaient les seuls à avoir un vrai motif. Le Qatar avait déjà des preuves indéniables de la source du piratage. Les sources anti-russes du Congrès ont ignoré ces preuves et accusé, comme d’habitude, la Russie et Poutine.

Le plus important, dans le message de Tillerson, n’est pas l’accusation de piratage. Les piratages en eux-mêmes n’ont rien à voir avec le conflit, ni avec les efforts de Tillerson pour le désamorcer. La « fuite » avertit les Emirats Arabes Unis et les dirigeants saoudiens que les États-Unis ont les sources et les moyens nécessaires pour savoir tout ce qui se passe dans leur gouvernement, même les discussions les plus secrètes. La véritable menace pour eux est que la même source révèle d’autres vilenies.

Il est douteux que cette menace modifie les manières de faire de ces dirigeants. Ils se croient invincibles. Ian Welsh décrit leur état d’esprit dans sa prédiction sur la mort de l’Arabie saoudite et d’autres états du Golfe :

C’est un processus assez courant : toutes les dynasties finissent mal, parce que les futurs rois élevés dans la richesse et le pouvoir pensent que c’est l’état naturel des choses : ils croient qu’ils sont brillants et qu’ils méritent tout ce qu’ils ont, alors qu’ils l’ont reçu sur un plateau d’argent. Ils sont rompus aux intrigues de palais et pensent que ça va être pareil au-dehors du palais.

Mais il n’en est rien.

Welsh arrive à la conclusion où je suis moi-même parvenu lorsque le récent conflit au cœur du Conseil de coopération des États arabes du Golfe a éclaté :

Quelle que soit la façon dont le conflit avec le Qatar se termine, le Conseil de coopération des États arabes du Golfe a (à nouveau) a montré qu’il n’était qu’un faux-semblant. Rien ne pourra le reconstituer. Le « leadership » de l’Arabie Saoudite n’est que de l’intimidation brutale et il rencontrera de l’opposition. Les plans des États-Unis pour un Conseil de coopération des États arabes du Golfe uni sous la direction saoudienne et le contrôle des États-Unis sont en lambeaux.
...
Les Saoudiens, et leur nouveau leadership, surestiment leurs capacités. Trump a fait de même lorsqu’il leur a donné plus d’importance. Les « singes saoudiens qui cassent le Macbook** » parce qu’ils n’arrivent pas à rentrer dedans, n’ont pas les capacités nécessaires pour être des acteurs politiques sérieux dans ce monde. Leur argent ne peut pas éternellement dissimuler cette évidence.

La démarche de Tillerson et de quelques « officiels du renseignement » peut être interprétée comme un signe de panique. La « fuite » a révélé des « sources et des moyens ». Comme tous les autres gouvernements, les hauts fonctionnaires des EAU soupçonnaient les États-Unis d’écouter leurs délibérations internes. Mais maintenant ils ont sont sûrs. La date précise indiquée dans la « fuite » les aidera à prendre des contre-mesures. Laisser fuiter des « sources et des moyens » ne se fait pas à la légère. Que l’administration des Etats-Unis ait été contrainte de recourir à une telle mesure montre qu’elle ne maîtrise pas la situation.

Lors de la chute de l’Empire ottoman, la Grande-Bretagne a créé l’Arabie saoudite d’aujourd’hui. Deux guerres mondiales ont mis fin à la puissance de la Grande-Bretagne. Les États-Unis ont pris la relève à la tête de l’empire, y compris des États du Golfe. Ils ont besoin de l’énergie fossile et de l’accord monétaire qui va avec, selon lequel tous les échanges avec l’Arabie saoudite doivent avoir lieu en dollars**. Il n’est pas dans l’intérêt des États-Unis d’avoir des problèmes avec l’Arabie saoudite, mais c’est pourtant ce qui se profile. La « fuite » montre l’inexpérience de la nouvelle administration étasunienne. Ce n’est pas suffisant de désamorcer le conflit et d’atténuer ses conséquences.

Quelles stratégies Washington va-t-il maintenant adopter pour enrayer l’instabilité qui s’annonce en Arabie Saoudite et dans d’autres pays du Golfe ?

Moon of Alabama

Notes :

*https://www.lorientlejour.com/article/1038372/etats-unis-arabie-saoudi...

** Kano.me est un site internet qui a pour but de permettre à tous de fabriquer son propre ordinateur... Pour promouvoir leur concept, Kano a créé une vidéo mettant en scène un singe qui semble au premier abord apprécier un MacBook. Il s’amuse avec l’ordinateur avant d’essayer de le démonter et, frustré, de le jeter par terre où il se brise. A la fin de la vidéo le slogan de Kano apparaît : "Entrez dans un ordinateur puis faites en un vous-même".

»» http://www.moonofalabama.org/2017/07/can-washington-mitigate-the-death...
URL de cet article 32100
  

Même Thème
L’horreur impériale. Les États-Unis et l’hégémonie mondiale
Michael PARENTI
Enfin traduit en français. Notes de lecture, par Patrick Gillard. La critique de l’impérialisme made in USA La critique de l’impérialisme américain a le vent en poupe, notamment en Europe. Pour preuve, il suffit d’ouvrir Le Monde diplomatique de novembre 2004. Sans même évoquer les résultats des élections américaines, dont les analyses paraîtront en décembre, le mensuel de référence francophone en matière d’actualité internationale ne consacre pas moins de deux articles à cette question. Signé Claude (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Nous pouvons faire sauter un navire américain et en rejeter la faute sur les Cubains. La publication des listes des victimes dans les journaux américains accroîtrait encore l’indignation. Nous pouvons aussi détourner des avions. Dans des endroits bien choisis où l’impact serait énorme, nous pourrions poser des charges de plastic. Nous pourrions également repeindre des B26 ou C46 de nos forces aériennes aux couleurs cubaines et nous en servir pour abattre un avion de la République dominicaine. Nous pourrions faire en sorte qu’un prétendu appareil de combat cubain abatte un avion de ligne américain. Les passagers pourraient être un groupe de jeunes étudiants ou de vacanciers. »

Général Lyman LEMNITZER (1899 – 1988)
Chef d’état-major des armées (1960-62) et Supreme Allied Commander de l’Otan (1963-1969)

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.