RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Egypte : "Dites à la France que le groupe Accor…"

Crédit photo : Aalam Wassef, image libre de droit.

Le Caire, 21 février 2011. 00h30. Voilà plus d’une semaine que le gouvernement égyptien de transition tente d’infléchir un "retour à la normale". Après l’évacuation de la place Tahrir le 13 février, on a cru un moment que l’ensemble de la population active s’empresserait de retrouver son activité au plus vite pour compenser les pertes endurées les semaines précédentes. Il n’en est pourtant rien, et c’est par centaines que se comptent les manifestations sur l’ensemble du territoire, par dizaines que se comptent les grèves dans la quasi totalité des secteurs de l’économie et des administrations publiques, désormais nourries de revendications sociales.

Vendredi 18 février, la révolution retrouve toute son épaisseur, confirmant une fois de plus son unité et sa détermination : 4 millions selon les manifestants, et pas un mot "selon la police" qui, pour l’heure encore, se fait plus discrète que jamais.

De rue en rue, manifestations d’archéologues, d’employés de banque, de sociétés privées.

C’est par hasard que nous sommes tombés sur une manifestation pas comme les autres, celle des employés de l’hotel Sofitel Gezirah " hotel du groupe français Accor.

Des employés aux mines angoissées se tiennent debout en silence, sur le parvis de l’hotel Sofitel. Leurs pancartes indiquent qu’ils réclament leur droits et "ce qu’on leur avait promis".

Je pose des questions et dit quelques mot de ce blog. Une femme m’apostrophe : "Vous écrivez pour la France ?! Alors dites à la France que nous travaillons pour le Groupe Accor ! La France, c’est le pays du droit !".

Résumé de mes entretiens :

La direction de l’hotel Sofitel a promis à ses employés, par contrat, le versement d’une participation aux bénéfices de l’entreprise. La participation promise n’a jamais été versée. Les contrats d’embauche stipulent également que les salaires sont complémentés par le reversement aux employés de la "taxe de service" de 12%, facturée aux clients pour chacune de leurs consommations. Après maintes demandes et plaintes du personnel, cet argent perçu au nom du "service" n’est pas redistribué.

Interrogés sur leurs salaires, les employés répondent d’une seule voix : "Nous touchons tous entre 300 et 500 livres égyptiennes. Quand on est employé à la réception, on touche 500 livres. Il y a des gens qui touchent plus, beaucoup plus, parce qu’ils ont un piston."

500 livres égyptiennes ? 62 euros, par mois. 300 livres égyptiennes ? 37 euros par mois.

A titre indicatif, 1 kilo de viande coûte 10 euros environ.

"J’ai trois enfants, je travaille depuis 23 ans !" dit Ahmed qui appelle les salariés à faire bloc et à ne pas succomber à la tentation de négocier leur situation au cas par cas auprès de la direction. Celle-ci vient justement de faire savoir qu’elle viendrait s’adresser au personnel, à condition que celui-ci s’éloigne du parvis.

En attendant, les employés continuent de me dire "tout ce que la France doit savoir" :

- Un des actionnaires principaux de l’hotel est l’ex-ministre du logement en prison depuis le 28 janvier 2011, Ahmed el Maghrabi.

- Le frère de l’ex-ministre, Sherif el Maghrabi, est président du conseil de direction.

- Les employés en poste, parfois depuis cinq ans, se voient renouvelés de CDD en CDD, sans aucune garantie de reconduction. Les CDD sont tantôt de 3 mois, de 6 mois, d’un an.

- Sur l’initiative et à la charge des employés, une plainte est déposée et remporte une réponse favorable du tribunal qui impose à l’hotel Sofitel le versement d’un dédommagement d’une valeur totale de 9 millions de livres égyptiennes, au bénéfice des 650 employés plaignants. Sofitel se contentera finalement de verser 1,3 millions de livres, dont 300,000 sont versés à l’avocat des plaignants. Le million restant est redistribué aux salariés qui reçoivent chacun 1500 livres environ, soit 186 euros.

Un homme, accompagné de quelques cadres s’approche de la foule. C’est le "General Manager" me dit-on, Rafik Khayrallah. Il s’adresse aux employés.

Extraits :

"Moi qui suis libanais, et qui ai connu la guerre, ça me fait mal au coeur de voir nos divisions. (…)

Pourquoi vous inquiéter du renouvellement ou non de vos CDD ? Si vous travaillez bien… on vous renouvellera ! Vous croyez qu’on vous emploie pour vos beaux yeux ? (…) Moi je n’ai aucun problème. Si les choses vont mal, je retournerai au Liban. C’est vous qui souffrirez le plus de la situation."

Jeudi 17 février, les employés de l’hotel s’étaient réunis pour presser Ayman Omar (Directeur des Ressources Humaines) pour le paiement de leurs primes et participations. Ce dernier leur promet une réponse dimanche 20 février. Puis, dimanche, sans nouvelle d’Ayman Omar, un groupe d’employés se rend à nouveau au bureau de celui-ci pour réclamer son verdict.

La réponse de ce dernier ne se fait pas attendre : "Vous n’avez qu’à vous immoler".

Je me suis rendu ce matin (21/02/2011) au Sofitel pour donner l’adresse du blog à quelques membres du personnel afin qu’ils puissent voir cet article et le faire circuler entre eux. L’un des employés s’est approché de moi et m’a murmuré à l’oreille : "Nous ne l’avons pas dit hier… ". Il s’arrête, hésite, avale sa salive et reprend : "C’est du racisme".

21/02/2011

SOURCE :

Egypte : "Dites à la France que le groupe Accor…"

URL de cet article 12858
  

SALARIÉS, SI VOUS SAVIEZ... DIX IDÉES RECUES SUR LE TRAVAIL EN FRANCE
Gérard FILOCHE
« Le droit du licenciement doit être assoupli », « les 35 heures n’ont pas profité aux salariés », « les charges sociales sont trop lourdes », « les fonctionnaires sont des privilégiés », « à terme, on ne pourra plus financer les retraites », etc. Telles sont quelques-unes des idées reçues qui dominent le débat public sur le travail en France. En dix réponses critiques, chiffres à l’appui, Gérard Filoche bat ici en brèche ces préjugés distillés par la vulgate néolibérale pour tenter de liquider un siècle de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Ce n’est pas de Wikileaks que les Etats-Unis ont peur. Ce n’est pas de Julian Assange qu’ils ont peur. Qu’importe ce que je sais ? Qu’importe ce que Wikileaks sait ? Ce qui importe, c’est ce que VOUS savez." — Julian Assange

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.