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Equilibration : Contre l’islamophobie, pour la laïcité et le droit des femmes

EQUILIBRATION : Contre l’islamophobie, pour la laïcité et le droit des femmes

Ces trois engagements s’inscrivent de façon conflictuelle dans le "carré républicain" (Liberté Egalité, Adelphité, Laïcité)

Le refus de l’islamophobie comme racisme dans le respect de la laïcité et du droit des femmes par Christian DELARUE (*)

Ce qui s’est passé récemment au cimetière de Montjoie Saint Martin - des tags nazis sur les tombes musulmanes - n’est ni rare ni le pire de ce qui se produit contre les musulmans. L’agression en deux temps de Marw El-Serbini qui se termine par plusieurs coups de poignard en plein tribunal est une horreur qui mérite que l’on prenne la mesure de la "musulmanophobie" et l’islamophobie qui y conduit.

L’état des lieux de la situation en France montre une évolution depuis 5 ans dans les conflits autour de l’islam, les femmes, la laïcité. La situation amène - c’est à débattre au moment ou le MRAP fête ses 60ans d’activité - à tenir une combinaison d’actions qui vise à refuser fortement l’islamophobie comme racisme et à continuer le combat pour la laïcité et les droits des femmes. En France, il y a eu des conquêtes en terme de laïcité et de droit des femmes qu’il faut certes consolider mais sans générer de nouveaux "effets pervers" (cf. loi mars 2004). Ce qu’il importe aujourd’hui est de faire barrage au dénigrement, à l’insulte, et aux violences à l’encontre des musulmans ou supposés tels. Les stéréotypes contre les musulmans se répandent en Europe. Les tombes et les mosquées sont bombées, des musulmans agressés. De plus l’islam est instrumentalisé via la thèse du "Choc des civilisations" de Samuel Huttington, à des fins guerrières pour reconduire des entreprises militaires dans certains pays de religion musulmane.

L’idée ici défendue est qu’il n’y a pas besoin de loi contre l’islamophobie et que, versus laïcité, les textes existants sur la laïcité sont suffisants. Par contre la violence contre les femmes notamment dans le cadre intrafamilial mérite d’être mieux combattue par une loi spécifique. C’est au sein de la société que le racisme peut reculer tout en respectant la libre critique des religions y compris par le blasphème. Mais il faut combattre les préjugés qui frappent les musulmans assimilés à des islamistes radicaux. C’est un combat qui se mène dans le cadre plus large d’une lutte contre toutes les formes de racisme. La lutte contre toutes les formes de racisme est la seule qui soit spécifiquement républicaine. Elle va jusqu’à critiquer et combattre la xénophobie d’Etat ou l’Europe forteresse qui organise la mal-vie et la surexploitation au travail contre les migrants sans papiers.

* Contre les stéréotypes et amalgames.

D’abord, tout musulman n’est pas un islamiste (1). Il faut refuser l’amalgame musulman = islamiste comme on refuse chrétien = membre de l’Opus déi ou membre de commandos anti IVG. Il faut le refuser car contraire à la vérité mais aussi car cette globalisation équivaut à une racisation (2) et la connotation négative et infériorisante en fait un racisme avéré et illégal. L’affaire des caricatures en 2006 avait permis de critiquer cet amalgame qui constitue une offense à la communauté pacifique et démocratique des musulmans (3). L’invocation surdimensionnée de la "menace islamiste" doit être clairement détachée de l’ensemble de la communauté musulmane laïque, pacifiste et démocrate. Sauf dans les délires de l’extrême-droite, il faut opposer le fait que les musulmans en Europe ne souhaitent pas installer de régimes dictatoriaux fondés sur le pouvoir de mollah.

Concernant les rapports de genre, de nombreux musulmans sont tout aussi respectueux du droit des femmes que peuvent l’être les non musulmans. Pas tous dira-t-on ! Certes. Mais on peut en dire autant des hommes non musulmans. Il en est de même pour l’acceptation de l’homosexualité. La critique du contenu de l’islam qui fait bonne place à l’homme et qui infériorise la femme doit servir de point d’appui pour instaurer l’égalité et la réciprocité partout, y compris là ou le sexisme n’est pas écrit en dogme mais est néanmoins bien pratiqué. La montée du masculinisme ne se fait pas sur fond de doctrine religieuse mais sur la non acceptation de l’égalité homme-femme, c’est à dire sur une résistance masculine à l’égalité. Simple question de pouvoir. Tous les musulmans n’accordent pas de l’importance à la supériorité de l’homme, simplement parce que tel ou tel mollah le dit . Les mentalités évoluent . Tout dépend du lieu de vie et des pratiques sociales adoptées dans le pays ou la communauté.

Ensuite, les musulmans respectent en général certaines pratiques religieuses concernant la prière ou l’alimentation . C’est leur droit. Un droit qui doit pouvoir s’appliquer concrètement. La stigmatisation des musulmans qui prient dans la rue méconnait le fait qu’il manque des lieux de prière. Les attaques des boucheries hallal sont odieuses et ne font que provoquer - parfois - une réponse contraire et similaire contre les ventes de sandwichs au porc. Stop à ces violences : ni extrême-droite islamophobe, ni islamisme radical, agissons pour le "vivre ensemble" pour la démocratie la liberté et l’égalité.

Enfin, tout musulman n’a pas pour obsession de "respectabiliser" son épouse par une mise sous voile dès qu’elle veut mettre un pied dehors. Critiquer cette idéologie présente dans l’islam ce n’est pas penser qu’elle est adoptée par tous. Les pratiques évoluent. Tout musulman ne se propose pas non plus de prendre plusieurs épouses. On peut critiquer librement et si possible justement ce que dit Tariq Ramadan sur le sujet il reste que les pratiques réelles des musulmans sont différenciées. Là encore éviter l’amalgame est signe de progrès pour le vivre ensemble dans l’égalité et la liberté. Certaines pratiques concernant les musulmanes et le voile sont contestées. Elles sont néanmoins, sauf exception légales ou réglementaires, libres de le porter. On peut certes critiquer mais on ne saurait l’empêcher sauf situations particulières. Les musulmanes sont nombreuses à s’opposer à la burka bien qu’elles craignent une extension de la stigmatisation .

Lorsque l’on dit que porter un voile islamique ou pire un niqab ou une burqa ne nuit pas à autrui il faut pour ne être hypocrite distinguer l’espace public ou l’on peut évoluer librement et l’espace commun restreint ou des individus doivent nécessairement rester ensemble comme les lieux de travail ou d’autres lieux (le train). Ce qui incite à des compromis pratiques, afin que la tolérance ne soit pas unilatérale (4 ). Si l’on défend que le port du voile ne concerne que la porteuse alors pourquoi le nudisme (5 ) ou le string (6 ) fait-il problème ? Reste que , sauf exceptions limitativement posées, les femmes sont libres de porter le voile islamique partiel ou intégral. Le Conseil d’Etat (7 ) a caractérisé le port de la burqa comme une pratique radicale de l’islam, donc comme issu du respect d’une interprétation "intégriste" ou hypersexiste et hyper-patriarcale de l’islam. Mais libre à chacun et chacune d’adopter sa religion . En conséquence le voile intégral - burqa ou niqab - n’est pas interdit. On verra ce que propose la commission Guérin.

* Le respect du dispositif français de la laïcité et du droit des femmes.

Certaines conquêtes sociales et républicaines sont en place. Elles ne vont pas disparaître sous la menace des islamistes radicaux ou des indigènes de la République. La menace pourrait venir d’ailleurs sur le terrain de la régression des libertés, du rétrécissement de l’intervention citoyenne et de la "solution communautariste" à la crise. Pointons seulement les grands axes de ces conquêtes.

1 - Respect et défense de la laïcité des institutions publiques en France et en Europe. Respecter et promouvoir la loi de décembre 1905.

2 - Respect de la loi de mars 2004 contre les signes religieux ostensibles (et non pas les signes visibles mais discrets) à l’école, avec extension au personnel civil encadrant les sorties scolaires. Proposer son extension en Europe.

3 - Droit d’accès par concours à tous les résidents de longue durée à la fonction publique (les 3 FP) mais sans signes religieux ostensibles (principe de neutralité du sans grade au plus élevé).

4 - Interdiction du voile couvrant tout le corps y compris le visage lors de présentation aux guichets des institutions publiques ou des entreprises privées. Proposition faite à Mr Gérin (3).

5 - Libre accès aux soins par les femmes musulmanes sans autorisation du mari vérifiant la qualité du soignant.

6 - Application des règles contre l’excision, le mariage forcé, le tabassage des femmes au foyer et le viol conjugal. Il s’agit d’une règle universelle, sans frontière et pour tous.

7 - Permettre l’exercice de la prière dans des lieux réservés aux musulmans afin de sortir de l’ "l’islam des caves". La question de "qui finance ?" reste problématique. Y contrôler l’emprise éventuelle des islamistes n’est pas à exclure mais avec prudence.

* Christian DELARUE est membre du BE & du CA du MRAP

1) "Par islamisme, nous entendons tout mouvement social basé sur l’exploitation de l’islam à des fins politiques et qui, plus précisément, tente d’exercer le pouvoir au nom de la religion seule. Les islamistes sont donc des gens obsédés par le pouvoir politique, ce sont soit des militants déçus issus de la gauche et/ou du panarabisme, soit des membres de confréries qui ne se contentent plus de l’apolitisme du soufi et de son indifférence au pouvoir" in Ecole des hautes études en sciences sociales

http://www.ehess.fr/centres/ceifr/assr/N110/DIALMY2.htm

2) Certains disent qu’une "religion n’est pas une race, et qu’il y a des musulmans noirs, blancs, métis, jaunes". C’est en-dessous de la vérité puisque les races humaines n’existent pas. Il y a juste des processus de racisation qui s’appuient soit sur la couleur de peau ou la "couleur" des noms mais aussi à partir d’autres éléments indicateurs d’une appartenance..

3) Le conflit a plus porté sur le fait d’intenter ou non un procès contre le journal (France Soir) qui les avait publié est autre chose que l’analyse de fond du message sur une des 12 dessins. Sur le fond certains ont défendu le fait que seul les islamistes étaient ici caricaturés alors que d’autres - dont moi - ont pensé qu’il y avait amalgame raciste nuisible à la communauté musulmane. Dans les deux cas l’amalgame était refusé. Voir sur Passerelle sud : Mahomet caricaturé : communiqué du MRAP et opposition interne (en février 2006).

4) Histoire de principes : à propos de la liberté de conscience. Réponse de Christian Delarue à Caroline Brancher.

5) Relativisme culturel : voile religieux intégral et nudisme

6) Les strings interdits à Paris-Plages... mais pas les voiles islamiques... par un autre contributeur d’Agoravox sur une problématique similaire.

7) Affaire FAIZA. M Arrêt du 27 juin 2008

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