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LA LECON (1)

Pour la nième fois depuis des années, après une lutte dure, une
détermination sans faille, nous rentrons vaincus, la tête basse,
laissant sur le champ de bataille, à l’appétit vorace des vautours de la
finance, une des plus glorieuses conquêtes des générations de salariés
qui nous ont précédé : la retraite à 60 ans.

Demain nous aurons des comptes à rendre à nos enfants, à nos petits
enfants, aux générations futures.

Trompés par des politiciens parasites et démagogues, des organisations
syndicales bureaucratisées, obsolètes, à la fois suivistes et
liquidatrices, notre défaite est totale. Nos adversaires ne sont pas les
seuls responsables,... sachons tirer aussi les leçons de nos
incapacités, de notre naïveté et de notre indétermination stratégique.

UNE DÉFAITE CUISANTE

Ne tournons pas autour du pot,... Ne nous donnons pas de fausses
illusions,...et ce ne sont pas les trépignements facticement
enthousiastes de quelques uns d’entre nous qui veulent vivre encore dans
le mythe du « Tous ensembles, tous ensembles,... » qui changera quoique
ce soit à la situation. Pas plus que les « îlots de résistance »
éparpillés et volontaristes qui changeront quoi que ce soit à la
situation. Un fait est incontestable : nous avons été vaincus.

Certes, les organisations syndicales vont essayer d’amortir le choc...
elles ont d’ailleurs déjà commencé en proclamant hautement que « rien
n’est terminé », « la lutte continue sous d’autres formes » ( ?), et
autres truismes ridicules... A les entendre c’est quasiment une victoire
( ?) Il ne faut surtout pas, dans leur esprit et pour leurs intérêts,
décourager les salariés pour qu’ils reprennent le boulot et continuent à 
faire confiance à leurs organisations syndicales... Mais qu’a-t-on
réellement obtenu ?. Rien. Pour certains plus d’un mois de grève pour
quel résultat ? Néant !

Les politiciens quant à eux nous ont amusé sur d’autres terrains,...

D’abord les manoeuvres parlementaires. On « allait voir ce qu’on
allait voir », à l’Assemblée Nationale, puis au Sénat,... avec la
cerise sur le gâteau : le Conseil Constitutionnel.... Du pipi de chat,
un vrai désastre !

Ensuite et surtout, ils vont tout miser sur les /élections/. Ce qu’ils
attendent, tout le monde le sait, tout le monde le voit,... comme sur
les lépreux, les croûtes et pustules,... ce sont les prochaines
échéances électorales,... et uniquement cela. Chacun va essayer de tirer
à soit les dépouilles fumantes du mouvement social, va essayer de
l’intégrer dans son discours, dans sa stratégie... mais le but, ce sont
les urnes.

Au delà de ces considérations ridicules et démagogiques, il n’en reste
pas moins qu’il faut tirer la leçon d’un tel désastre.

LA MISE EN SCENE DE LA CONTESTATION

Lutter contre la contre-réforme libérale des retraites était/est
juste,... mais comment a été menée cette lutte ? Comme toutes les luttes
sociales depuis cent cinquante ans :... manifestations, grèves.

Le seul problème, et la démonstration est aujourd’hui, une fois encore,
explicite, c’est que cette méthode ne marche pas, ou plutôt, ne marche
plus
.

Pourquoi ?

Parce que nous ne sommes plus dans une situation où :

- un rapport de force déterminant pouvait être établi entre le Capital
et le Travail,... le Capital étant obligé de négocier, du fait qu’il
n’avait aucune solution de rechange... La mondialisation lui a ouvert
des perspectives — le rapport des forces s’est inversé ;

- les syndicats, pouvaient contraindre à la négociation et aux
compromis. Instruments de ce nouveau rapport de forces ils sont
logiquement devenus obsolètes,... leurs pratiques étant en décalage par
rapports aux enjeux ;

Le Capital, ses exigences et ses contraintes, ont aujourd’hui de
nouvelles dimensions, son pouvoir s’est mondialisé. Les syndicats eux,
sont restés ceux qu’ils étaient... leur champs d’action s’est rétrécit,
leur pouvoir de contrainte s’est réduit comme peau de chagrin.

Ce problème stratégique n’est pas spécifique à la seule question des
retraites,... tous les conflits sociaux, aujourd’hui, se heurtent à 
l’obsolescence d’une telle stratégie
.

Toute la stratégie syndicale est aujourd’hui, essentiellement fondée sur
le « spectacle de la résistance ». On peut se demander si tout n’a pas
été affaire de « mise en scène ». Il s’agissait en effet de donner
l’impression de la radicalité (qui était réelle dans tous les
esprits), de la détermination (qui était limitée au spectacle donné), du
nombre (invérifiable, manipulable et donc objet de multiples et
ridicules interprétations et polémiques entre pouvoir et syndicats).

Les syndicats n’ont en fait plus de stratégie de luttes mais seulement
des tactiques de communication et de démonstration
.

Prenons un exemple : le blocage des raffineries, moment important et
déterminant de la mobilisation. Un des rares lieux, avec les transports,
qui, aujourd’hui peuvent entraîner un blocage de l’économie et donc
constituer un moyen de pression considérable sur le gouvernement. Ce
blocage mené de « main de maître » s’est terminé dans un désastreux fiasco.

Quand on déclare : « Nous bloquons jusqu’à satisfaction des
revendications, ... mais nous cèderons devant le recours à la
force,... », on envoie explicitement un message à l’adversaire qui lui
donne toute latitude pour gagner. Et c’est exactement ce qu’il s’est
passé. La « résistance » a été purement symbolique.

Fallait-il résister physiquement, autrement dit aller jusqu’à 
l’affrontement ? La réponse est négative pour une raison simple. Dans le
rapport de force spécifique à cette situation, le pouvoir était
« militairement » vainqueur. Il dispose de troupes de mercenaires
surarmées (CRS - Gardes Mobiles) et d’un appareil judiciaire répressif
qui lui donne tous les avantages.

Alors,... que fallait-il faire ?

2 cas :

- dans ce type de mobilisation où seul le spectacle, la posture, le
symbole comptent, pousser le rapport de force à une telle extrémité
c’est montrer sa faiblesse, son impuissance, puisque l’on sait que
l’on n’ira pas jusqu’au bout ;... mieux vaut ne pas s’engager dans cette
voie qui une impasse ;

- dans une situation autre, caractérisée par une mobilisation sociale
mettant en place, dans différents domaines, des structures
court-circuitant les circuits officiels, alors une telle posture peut
être un élément important de mobilisation, voire de re-mobilisation du
mouvement, voire encore de démultiplication des initiatives et des actions.

Or, c’est le 1^er cas que nous avons vécu. L’impact
politico-psychologique du « coup de force » policier a été pratiquement
nul sur le reste du mouvement.Pire, il en a sonné le glas, à la grande
satisfaction — inavouée — des syndicats qui ne savaient pas trop
comment terminer ce mouvement.

Pour sauver les apparences, les syndicats ont évoqué une « victoire de
l’opinion » ? Mais qu’est ce qu’une victoire de l’opinion ? Est-ce le
fait d’amener les gens à penser que le « gouvernement est méchant » ? Ce
n’est pas très sérieux !

Jouer simplement et seulement sur l’indignation, les pulsions affectives
du plus grand nombre, ne fait absolument pas avancer le changement
social,...au contraire, la lassitude, l’amertume et le repliement sur
soi en sont les fruits amers.

Quant aux politiques, qui eux essayent d’engranger électoralement les
restes de ce mouvement,... ils applaudissent — discrètement - des deux
mains devant un tel fiasco.

Ainsi, celles et ceux qui veulent un autre monde et dénoncent
régulièrement cette « société du spectacle » en son réduit à la
reproduire dans leurs actions. L’hystérie compulsive des mobilisations
bimensuelles a tourné au folklore et à ... l’impasse. Les organisations
syndicales, et politiques, incapables de se dégager de la gangue
idéologique, et des pratiques dans lesquelles elles végètent depuis des
décennies laissent sans perspectives le mouvement social.

Patrick MIGNARD

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