Notre premier ministre, fidèle a son idéologie néo-libéral,continue ses attaques tout azimut contre les chômeurs. A Berlin, il a ainsi déclaré regretter que « la France ait fait le choix de longue date d’un chômage de masse bien indemnisé ». A Londres, il s’est demandé s’il ne fallait pas « aller plus loin » que l’accord sur l’emploi du 11 janvier 2013 concernant la flexibilité du marché du travail. Il a même glissé que la question de l’assurance-chômage « doit être reposée », y compris dans son montant et dans sa durée d’indemnisation.
Alors , monsieur Valls, une fois admise la fable fondée sur : compétitivité et rentabilité sont indispensables et les chômeurs sont des fainéants. Il est facile au système de faire admettre qu’il est immoral d’accepter une situation dans laquelle les sans emploi recevraient une aide. On pourrait certes imaginer une suppression de ces aides,... c’est une tentation permanente. Mais là se pose un problème à la fois politique et social : ces aides assurent une relative paix sociale et leur suppression serait vécue comme une nouvelle atteinte à des « acquis sociaux ». Il faut noter que les associations caritatives qui, en dehors de l’état, fournissent une aide, permettent à ce même État de se désengager.... Transformant une solidarité nationale en charité privée..
Il faut donc agir à un autre niveau. « Puisque celles et ceux qui travaillent reçoivent un revenu,... celles et ceux qui reçoivent un revenu (les aides) doivent fournir un travail ».Dis comme cela, le raisonnement parait imparable. Mais un problème demeure. En effet, celles et ceux qui sont privés de travail ne le sont pas de leur propre volonté, mais, nous l’avons vu, du fait des conséquences du fonctionnement du système marchand.
Si l’on oblige ces personnes à travailler, si on leur impose un type de travail, on entre dans une logique de relation sociale, autre que le salariat. Le choix du travail n’est alors plus libre, or le système salarial fait de la liberté du salarié un principe intangible.
Et quel emploi ? Qui va décider de la nature de l’emploi ? Quel choix ? Quel lien entre le travail proposé et la formation, les compétences de la personne ? Devant l’amplitude du sous emploi actuel, on risque, à terme, d’avoir une catégorie de citoyens, contraints, pour survivre, d’accepter un emploi – évidemment déqualifié – soumis à des conditions de travail/rémunération parfaitement dérogatoire par rapport au droit du travail,... entraînant à terme son abolition... Ce que souhaite explicitement le MEDEF.
Accepter une telle situation, c’est accepter une dégradation gravissime des conditions de travail et donc de vie. Au rapport salarial, source déjà d’exploitation et d’inégalités, va se substituer un rapport encore plus défavorable, ouvrant la voie à des rapports sociaux d’une autre nature. Si cette logique se met en place, on peut faire raisonnablement l’hypothèse qu’elle va faire dans les rapports capital/travail, une forme de jurisprudence, et que la volonté du patronat de liquider une bonne fois pour toute ce qui reste du code du travail et toute législation sociale, trouvera là une perspective prometteuse pour accomplir ce dont il a toujours rêvé.
En l’absence de rapport de forces favorable à la force de travail, absence due essentiellement à une mondialisation marchande qui a relativisé l’importance de la force de travail locale (trop chère au regard du marché mondial), aux délocalisations qui ont entraîné une liquidation d’innombrables secteurs de production, une déliquescence totale des syndicats de salariés,... la porte est grande ouverte à une mutation du rapport capital/travail.
Le combat idéologique, entre autres, est à mener pour éviter une véritable capitulation face à la pression du capital qui ne reculera devant rien pour assurer sa pérennité.
Patrick MIGNARD
VIDÉO : DE LA SERVITUDE MODERNE
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