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Les carnassiers de Wall Street : les présidents permanents des Etats-Unis

« Le grand Satan surgit d’une trop grande concentration de pouvoirs entre les mains de quelques hommes. »
Andrew Jackson, président des Etats-Unis, de 1829 à 1837

Il n’y a aucune séparation des pouvoirs. La sphère publique, celle sur laquelle chaque citoyen croit être en mesure d’influer, est totalement assujettie à la sphère privée, une énorme toile d’araignée aussi opaque qu’un nuage de cendres au-dessus d’un volcan en éruption. Il y a des hommes au-dessus des présidents. Ils occupent une place élevée au sein d’entreprises privées dominant leur secteur. Ils sont souvent PDG et cumulent des postes « moins importants », comme membre de conseil d’administration, consultant dans des entreprises satellites, professeur ou président d’université *.

Il est fréquent qu’un de ces PDG ou haut responsable de multinationale occupe un temps la position de ministre public, avant de retourner dans son fauteuil privé, beaucoup plus rentable, plus confortable et plus efficace pour tirer de l’ombre les ficelles du gouvernement officiel. D’autres fois, ils sont conseiller principal, ou à titre officieux.

Par exemple, Robert E. Rubin, PDG de Goldman Sachs de 1990 à 1992 après en avoir gravi tous les échelons, devint Secrétaire au Trésor (Ministre des Finances) de 1993 à 1997 sous Bill Clinton, avant de retourner au Privé, dans Citigroup, la première banque commerciale mondiale, comme responsable du comité exécutif. Trajet classique du privé au privé, en passant par un mandat public.

De même, Henry M. « Hank » Paulson Jr, PDG de Goldman Sachs, surnommé Mr Risk par Business Week (1), fut Secrétaire au Trésor de 2006 à 2008 sous George W. Bush.

Il est capital que des hommes du sérail, des serviteurs du Privé, viennent contrôler les agissements et décisions du gouvernement visible, au travers du contrôle du ministère public correspondant.

Par exemple, dans le cas de la finance, au moment de la crise des subprimes de 2008, qui s’est transformée en crise financière mondiale, cette pratique a permis, via le travail zélé de Henry Paulson, ex PDG de Goldman Sachs, de monter le scandaleux plan de sauvetage des banques fautives, à hauteur de 700 milliards de dollars prélevés dans les poches du contribuable étatsunien (TARP : Trouble Asset Relief Program), dont dix milliards de dollars atterrirent sur les comptes de Goldman Sachs.

Ceci fut possible grâce aux efforts de Neel Kaskari, proche collaborateur de Paulson alors qu’il était PDG de Goldman Sachs, et rapatrié avec lui au Ministère des Finances.

Pour l’édification des lecteurs, ce sauvetage des banques privées, pourtant seules responsables de leur débâcle, par les fonds publics, n’a pas empêché ensuite ces mêmes banques de s’attribuer des bonus record (23,4 milliards de dollars en 2009, versés à ses employés « méritants » par Goldman Sachs).

AIG, le numéro 1 mondial de l’assurance, dans la tourmente en 2008 du fait de ses pratiques frauduleuses et de sa participation délibérée au montage financier pourri par les actifs toxiques des banques, a bénéficié largement du plan Paulson, lequel fut très généreux et complaisant envers AIG.

Edward Liddy, qui travaillait chez Goldman Sachs avec Henry Paulson avant que celui-ci ne devienne ministre des finances sous George W Bush, devint PDG d’AIG après le naufrage et la remise à l’eau par le contribuable américain.

Durant le dernier trimestre 2008, les pertes d’AIG s’élevaient à 61,7 milliards de dollars (100 milliards de dollars sur toute l’année). Malgré cela, en mars 2009, après son sauvetage par le gouvernement, instrumentalisé par le loyal Henry Paulson, AIG annonça les bonus accordés à ses « brillants » dirigeants : 165 millions de dollars ! AIG aura reçu pour 170 milliards d’aide fédérale en tout.

Ce qui fit dire à Barack Obama « Il s’agit d’un outrage infligé aux contribuables américains qui ont permis de conserver la compagnie. […] Excusez-moi, je suis choqué et en colère. » Ceci illustre bien la hiérarchie réelle des pouvoirs. Mr Obama se met en colère car lui doit rendre des comptes et se faire élire.

Mr Paulson décide, persiste et signe, quoi qu’il en coûte, sans aucun scrupules ni remords. Henry Paulson rend compte uniquement au Système soutenu par la famille des banques privées dont Goldman Sachs est un membre éminent, à côté de JP Morgan, et à Wall Street dont la prédominance et le pouvoir ne dépendent aucunement d’élections mais de services rendus par des transfuges entre le privé et le public, lesquels en sont largement récompensés, que le public payeur et électeur soit content ou pas.

Cette mise sous tutelle des gouvernements sous l’emprise des entreprises privées n’est pas propre au monde de la finance. Tous les secteurs privés, dans tous les pays, contrôlent en sous-main les secteurs publics correspondants, au nez et à la barbe des citoyens, grâce à un va-et-vient permanent de responsables entre les deux sphères (2).

Pour prendre un seul exemple démonstratif mais non exclusif, citons le cas de Michael F Taylor. Ce dernier est un peu pour Monsanto et l’agro-alimentaire industriel ce que Paulson et Rubin furent à la finance et à Wall Street. Michal Taylor, juriste au service de Monsanto, devint haut responsable à la FDA, organisme fédéral de réglementation de l’alimentation et des médicaments, avant de revenir chez Monsanto comme haut responsable, puis de rempiler à la FDA sous Barack Obama.

Si les serviteurs de Goldman Sachs et Cie ont tout fait pour déréguler la finance et en détruire tout contrôle gouvernemental, Taylor a tout fait pour promouvoir la dérégulation des OGM, pour les intérêts des multinationales de l’agro-alimentaire industriel, Monsanto en tête (3).

Mais la finance, c’est le lobby des lobbys, le plus puissant de tous. C’est le mâle dominant de toute la tribu des lobbys aux Etats-Unis et dans le monde. A la différence de l’industrie du tabac, de l’armement, du pétrole, le secteur financier n’a rien à prouver, ni à vendre. Il n’a qu’à exister. Il permet à tous les autres de dominer leur secteur respectif et de faire du profit.

Les cavaliers de l’apocalypse

Robert E. Rubin. Henry M. Paulson. Lawrence Summers. Ben Bernanke. Timothy Geithner.

Les cinq cavaliers de l’apocalypse financière des vingt dernières années. Les artisans de la crise actuelle. Voilà le quintet démoniaque qui, depuis la présidence Clinton-Gore, s’acharne à faire de l’économie étatsunienne, donc mondiale, un vaste casino sans règles, sans lois, sans garde-fous.

Ces financiers, dont Wall Street est leur temple, ne sont pas fous, penser cela serait commettre une grave erreur d’appréciation. Ils sont froids, calculateurs, hautains, narcissiques et méprisants. Ce sont des hommes de main qui appliquent sans pitié des stratégies élaborées en haut lieu, dans les structures privées dont ils ont occupé les postes les plus élevés, et dans lesquelles ils retournent après avoir honoré leur contrat. Au niveau de ces hommes de main règnent la cupidité, l’avidité, l’arrogance et le sentiment d’une supériorité indiscutable. Comme l’écrit Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie en 2001, c’est le triomphe de la cupidité.

Au niveau où ces hommes de main reçoivent leurs ordres, règne la volonté d’un contrôle absolu. C’est un cran au-dessus de la « simple » soif de gains. Goldman Sachs, JP Morgan (4), Citadel Investment Group (5), Blackstone (6), sont les dominants d’un système dont le temple est Wall Street. Les présidents, premiers ministres, dirigeants visibles, élus, leur obéissent, par fascination, obligation, incompréhension, probablement un peu des trois. Et par intérêt personnel.

Bill Clinton fut élu en partie sur un programme électoral promettant aux électeurs un encadrement plus strict de Wall Street, un peu comme Barack Obama le fit à son tour. Pourtant le démocrate d’Arkansas alla encore plus loin que Ronald Reagan, le champion de la dérégulation, pour qui le gouvernement ne pouvait résoudre le problème des Etats-Unis car le gouvernement était le problème.

Depuis Franklin D. Roosevelt, suite à la crise financière de 1929 déjà précipitée en partie par Goldman Sachs, le New Deal (la Nouvelle Donne) avait placé des garde-fous autour des requins de la finance.

Le Glass Steagall Act, voté en 1933, traçait une frontière infranchissable entre les banques de dépôt et les banques d’investissement.

La Loi Glass-Steagall empêchait strictement la collusion entre banques de dépôts et banques d’affaires (comme Goldman Sachs). Elle interdisait à toute banque de dépôts de posséder une banque d’affaires ou d’acheter, de vendre ou de souscrire des titres financiers, domaine réservé aux banques d’affaires. A l’inverse il était interdit aux banques d’affaires d’accepter les dépôts de simples clients, ce qui relevait uniquement des banques de dépôts.

La Commodity Futures Trading Commission ou CFTC est un organisme qui fut créé en 1936 pour éviter tout risque de manipulation des marchés, notamment des matières premières, et tout risque de spéculation de la part des banques.

1933, Glass Steagall Act. 1936, CFTC.

1999, le Financial Services Modernisation Act vient détruire ces garde-fous dressés par l’administration Roosevelt. Il est signé par Bill Clinton, sous le regard sévère, mais satisfait, de Robert E. Rubin, son Secrétaire au Trésor, et la main du président qui avait promis de dompter Wall Street efface d’un trait de plume le Glass Steagall Act. C’est l’aboutissement d’un long travail de lobbying téléguidé depuis Wall Street. Robert Rubin, et Larry Summers, autre compère du système, seront largement récompensés pour cela.

Cette nouvelle loi, dans l’élaboration de laquelle Robert Rubin et Laurence Summers, son équipier avant de devenir son successeur en juillet 1999, ont joué un rôle primordial, ne fait pas moins que légitimer le délit d’initié, la manipulation financière outrancière, autoriser la concurrence entre banques de dépôt, banques d’investissement et compagnies d’assurance, et autoriser la fusion entre ces établissements différents. Elle officialise en fait une pratique déjà entamée en 1998, avec la fusion de Citibank, première banque d’affaires mondiale, et Travelers Group, éminente compagnie d’assurances, constituant Citigroup. Robert Rubin, en « paiement » de ses loyaux services, devint responsable du comité exécutif de Citigroup.

L’incessant renvoi d’ascenseurs.

Clinton était fasciné par les responsables des grands établissements financiers. Ceux-ci mettaient à sa disposition les résidences luxueuses qu’ils possèdent sur l’île chic et branchée de Martha’s Vineyard, dans le Massachussetts, exactement comme ils font aujourd’hui avec Barack Obama. Ou à East Hampton, la banlieue huppée de New-York.

La présidence de Bill Clinton est celle qui permit l’affranchissement définitif de Wall Street de toute entrave légale.

Les milieux financiers, reconnaissants ont fait de Clinton un homme riche et respecté. Ses conférences, somptueusement payées, lui ont rapporté une somme globale de 40 millions de dollars. Il est également devenu conseiller pour plusieurs fonds gérés par un de ses amis milliardaires, Ronald Burke.

D’autres présidents, d’autres dates ont marqué l’avancement du plan des banquiers privés : la création en 1913, sous Woodrow Wilson, de la Réserve Fédérale, la Banque Centrale US, établissement semi-public censé encadré les banques privées, régi à la base par ces mêmes banques privées, sous l’impulsion de JP Morgan, Rockefeller, Warburg et Rothschild, création permettant aux banques privées d’émettre la monnaie et de coordonner les émissions de crédit, dérobant cette prérogative au gouvernement.

En 1971, sous Nixon, c’est la fin officielle de la parité dollar/or, déjà compromise en pratique depuis plusieurs années, faisant que la masse monétaire n’est plus encadrée par rien, et que l’argent est créé par les banques privées lorsqu’elles émettent du crédit, sans garde-fous.

C’est la suppression du Glass Steagall Act, sous Clinton, en 1999, qui permit la création, puis la généralisation des prêts de type subprimes, qui seront au coeur de la crise mondiale de 2008.

Clinton, Bush, Obama. Les trois derniers présidents US grâce auxquels Wall Street et la haute finance spéculative, déjà libérés de bien des contraintes sont devenus totalement hors de contrôle, ont laissé les financiers insolents mener la barque. Au travers de Rubin-Summers pour Clinton, Paulson pour Bush et Summers-Geithner-Bernanke pour Obama.

Rubin et Summers sont les artisans du démantèlement du Glass Steagall Act. Avec Paulson, désormais, Wall Street avait la garantie que l’argent public, le salaire du contribuable, épongerait ses opérations les plus risquées et les plus douteuses. La haute finance pouvait faire ce qu’elle voulait. Ils se trompent ? Le gouvernement les renfloue. Ils gagnent ? Ils gardent tout pour eux.

Actuellement, Lawrence Summers, un chouchou du système, est le principal conseiller économique de Barack Obama. Ce-dernier avait proposé à Jamie Dimon, le big boss de JP Morgan, le poste de Secrétaire au Trésor, puis, devant son refus, à Lawrence Summers mais les deux derniers, avec l’influent Peter Peterson, proposèrent le nom de Timothy Geithner. Le père de Tim Geithner, Peter, était membre influent du CFR (Council of Foreign Relations) dont Peter Peterson fut président.

A ses débuts, Tim rentra au cabinet de conseil créé par Henry Kissinger dont Peterson était également l’associé. Kissinger siégeait au conseil d’administration d’AIG en 1990, la compagnie d’assurance qui bénéficia en 2008, de tant de complaisance et de générosité de la part de Paulson puis de Tim Geithner.

De 1998 à 2001, Geithner fait ses armes auprès de Rubin et Summers, comme sous-secrétaire aux finances pour les affaires internationales, sous Clinton. A 42 ans, il est le président de la FED de New-York, la succursale la plus puissante de la Banque Centrale étatsunienne qui en compte douze à travers les Etats-Unis. C’est de ce poste que Geithner est propulsé, sur les conseils de Dimon, Summers, et Peterson, à celui de secrétaire au trésor d’Obama. A la FED de New-York, Geithner est remplacé par Stephen Friedman qui vient de Goldman Sachs. Ce poste est trop important pour être laissé à n’importe qui.

C’est un petit monde, une sorte de carrousel, de « jeu » où les mêmes joueurs possèdent toutes les cartes. Summers pour Obama, joue le rôle que Rubin a joué pour Clinton. Paulson s’était occupé de George W. Bush.

Avec Rubin (Clinton), Paulson (Bush), Summers (Obama), le Ministère des Finances est placé sans aucune contrepartie sous la tutelle du secteur financier spéculatif et destructeur d’économie réelle, c’est-à -dire Wall Street.

Ces financiers créent, dès les années 90, le Working Group on Financial Markets, qui regroupe le Ministère des Finances, le patron de la FED, le patron de la Bourse de New-York et les dirigeants des grandes firmes financières. C’est, depuis, le véritable organe du pouvoir financier, véritable collusion opaque entre le secteur privé et l’Etat fédéral, dans laquelle le privé contrôle le fédéral, et non l’inverse. La Réserve Fédérale elle-même revint à Ben Bernanke en 2006, autre sbire du sérail, successeur de Alan Greenspan, grand complice (et grand copain, partenaire de golf) de Rubin et Summers.

Ainsi, Obama, entre Summers, Geithner, Bernanke, est-il bien surveillé, conseillé, et téléguidé.

Si Rubin et Paulson incarnent l’arrogance **, la mauvaise foi, étant le reflet parfait de l’arrogance de la finance et de son indifférence aux réalités économiques, aux conséquences sociales, humaines, ainsi qu’à ses propres échecs, Bernanke, lui, personnifie l’incompétence.

Les principaux conseillers et les ministres des finances US sont tous issus du sérail, du Privé, de Wall Street, et y retournent une fois leur mandat accompli.

Le contrôle s’effectue à partir du contrôle de la Réserve Fédérale, et de sa succursale de New-York, du Ministère des Finances (le Trésor US), en plaçant à ces postes clés des hauts dirigeants des principales firmes privées dont Goldman Sachs, JP Morgan. Ce contrôle est renforcé par des conseillers au Président et des groupes de travail comme le Working Group on Financial Markets.

En ce moment, Bernanke, Friedman, Geithner, Summers sont l’étau autour du président.

Dans les rustines concoctées par Obama qui ne décide de rien, mais suit les ordres, il est fait mention de Mary L. Shapiro et de Paul Volcker, pour remettre de l’ordre dans tout ça. Tour de prestidigitateur.

Quel que soit l’effet d’annonce, il est encore instructif de reprendre le parcours de ces personnes pour déceler un changement réel, et non une promesse de plus.

Paul Volcker, c’est encore et toujours le système, il a représenté la famille Rockefeller, à la Chase Manhattan Bank, fusionnée depuis avec JP Morgan, et fut le président de la Réserve Fédérale sous Ronald Reagan.

« Il a joué un rôle central dans la mise en oeuvre de la première phase de déréglementation financière qui a favorisé la foule de faillites, fusions et acquisitions menant à la crise financière de 1987 » (7).

La Républicaine Mary L. Schapiro, nommée comme chef de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse), doit nous rassurer.

Or, Schapiro était la chef de la FINDRA (Financial Industry Regulatory Authority), l’agence chargée de réguler les 5100 maisons de courtage qui vendent les actions en bourse. Au FINDRA depuis 1996, Schapiro a fait partie des régulateurs qui n’ont rien vu venir : ni l’escroquerie du siècle de 50 milliards de dollars du courtier Bernard Madoff, ni les autres escrocs qui vendaient des actions basées sur les paquets d’emprunts-logement « subprime » sans aucune valeur, ni garantie. Elle est donc parmi ceux qui s’étaient « endormis au volant », pour reprendre l’expression du président Obama pour fustiger justement les régulateurs irresponsables de l’industrie financière.

Schapiro avait été nommée membre de la SEC… sous le dérégulateur fou Reagan, déjà .

Certains pensent que l’emprisonnement de Bernard Madoff indique que le système est quand même contrôlé et les dérives, sanctionnées. Madoff n’est pas le système, il a joué au système et s’est fait prendre.

Geithner, Bernanke, Paulson, Summers, Rubin, sont le système. Ils font les règles.

Madoff est le petit poisson, le barracuda, destiné à faire détourner les regards des requins marteaux. C’est le leurre idéal qui permet d’occulter des scandales autrement plus importants et autrement plus révoltants liés à la crise des subprimes, aux délits d’initiés, et provoqués par ceux-là même qui sont censés contrôler Wall Street. De même, le sacrifice de Lehman Brothers ne traduit en rien une sanction de la haute finance.

Alors que la firme concurrente de Goldman Sachs aurait pu être facilement sauvée, dans le plan Paulson, elle fut éliminée délibérément par Geithner à la fois pour donner l’illusion que le Système était lui aussi victime de la crise, mais aussi pour faire peur au gouvernement et aux gens, dans une sorte de stratégie du choc chère à Naomi Klein, destinée à faire paniquer les mandataires publics dans l’éventualité d’un effondrement complet du système bancaire.

Dans la famille des banques privées, Lehman Brothers était un joueur mineur, un pion sacrifiable. Son élimination était beaucoup plus rentable pour le système, que son sauvetage.

La peur d’un effondrement pur et simple du système financier tel que nous le connaissons nous paralyse, nous tétanise et les banquiers privés profitent de cette situation à outrance car cette peur irraisonnée nous occulte la réalité.

Ce système financier tel que nous le connaissons, tel qu’il a évolué depuis 1913, 1971, 1999, culminant par la crise mondiale de 2008, est un cancer. Ne pas traiter ce poison infiltré dans toutes les strates de nos sociétés, de peur des effets imprévisibles de son éradication, revient à dire qu’il vaut mieux ne pas traiter un cancer, de peur des effets secondaires de la chimiothérapie, ou une maladie infectieuse sévère, de peur des effets secondaires de l’antibiothérapie.

Les agents de propagation de ce cancer, Bernanke, Paulson, Summers, Rubin, Geithner, ne sont pas indispensables, incontournables parce qu’ils seraient les plus intelligents, les plus compétents. Ils sont là car ils sont les hommes du Système, les métastases de ce cancer qui détourne les ressources publiques pour leur profit privé, et qui vampirisent nos économies, nous laissant exsangues, et de toute façon condamnés, si nous ne faisons rien.

Les personnes à la fois compétentes, intelligentes, et critiques du système, existent. Elles n’appartiennent ni aux banques privées, ni à Goldman Sachs, ni à Wall Street. Elles sont économistes, prix Nobel, comme Joseph Stiglitz (2001) ou Paul Krugman (2008), universitaires brillants et réputés, anciens ministres comme Robert Reich (ancien ministre du Travail sous Clinton).

Barack Obama ne les a pas engagés. Barack Obama n’a pas rétabli le Glass Steagall Act, ou une loi apparentée.

Andrew Jackson avait tout à fait raison bien que sa réflexion était complète. Les éléments qui rendent cette concentration des pouvoirs entre quelques mains, toujours les mêmes, possible, sont une extrême duplicité, une capacité phénoménale à nous mentir, une faculté de n’éprouver aucun remords, de la part de nos responsables, associée à une opacité plus noire qu’une fumée volcanique, une complexité délibérée et, ce qui nous met devant nos propres responsabilités, à notre crédulité excessive et persistante, malgré les faits.

Pascal Sacré

* Ainsi, Lawrence Summers, dont il est fort question dans cet article, après avoir été Ministre des Finances de Bill Clinton, sera président de l’Université de Harvard, avant de diriger le fonds spéculatif géant Shaw, et de revenir au gouvernement en tant que principal conseiller économique d’Obama. Lui, Geithner et Bernanke sont l’étau qui enserre Obama.

** pour vous donner une idée de l’extrême arrogance de ces personnes, John Thain, un ancien de Goldman Sachs, lorsqu’il prend la tête de Merril Lynch (qui sera absorbé par Bank of America), en pleine tourmente et sauvetage du privé par le public, il dépense immédiatement 1 250 000 dollars pour faire redécorer son bureau dont 87 000 dollars pour l’achat d’un tapis, alors même que la firme qu’il est censé diriger essuie de lourdes pertes et que les charrettes de collaborateurs licenciés se multiplient. Quand Merril Lynch sera racheté quelques mois plus tard, grâce à l’argent levé par Paulson auprès des contribuables, Thain, à son départ, réclamera un parachute doré de 30 millions de dollars.

Moins que Robert Steel, autre ancien de Goldman Sachs, devenu président de la banque Wachowia (absorbée par Citigroup), qu’il quittera en laissant exsangue, au bord de la ruine, mais en s’attribuant pour lui-même et ses proches des indemnités de départ de 225 millions de dollars (8).

Référence générale : « La Face Cachée des Banques », par Eric Laurent, Editions Plon, 2009, ISBN 9782259210522.

Sources :

(1) Business Week, 12 juin 2006, Mr Risk goes to Washington

(2) "Tous Pouvoirs Confondus, Etat, Capital et Médias à l’ère de la mondialisation" , par Geoffrey Geuens, Ed. EPO, 2003, ISBN 2872621938

(3) Le cas de Michael Taylor : de membre de la FDA à vice-président de Monsanto : http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article58

(4) Jamie Dimon, président de JP Morgan, était pressenti par Barack Obama pour le poste de ministre des finances, ce qu’il refusa. Avec Larry Summers, il proposa plutôt le jeune Timothy Geithner, pur produit de l’establishment.

(5) Kenneth Griffin est président du Fonds Spéculatif Citadel Investment Group, c’est un milliardaire, ami intime d’Obama dont il finance les campagnes depuis ses débuts en politique.

(6) Peter Peterson est président de la banque d’investissement The Blackstone Group, un puissant groupe financier. Le très influent Peter Peterson, ancien président du CFR (Council of Foreign Relations), président du Conseil des FED (les douze succursales régionales de la Banque Centrale étatsunienne, la Réserve Fédérale), a également conseillé Geithner à Obama.

(7) Le changement dans la continuité, les artisans de la débâcle économique continuent leur besogne au sein du gouvernement Obama
par Michel Chossudovsky
http://www.voltairenet.org/article158804.html

(8) La Face Cachée des Banques, Eric Laurent, pp. 142-143.

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