Auteur Rosa LLORENS

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A propos d’une affiche : le vrai visage de la "bienveillance"

Rosa LLORENS
Une nouvelle affiche est apparue dans les abribus ; son slogan : « Tout faire pour qu’Imrane, Estelle et Ismail pensent par eux- mêmes. C’est ça la laïcité », est accompagné d’une image montrant trois jeunes, deux garçons arabo-musulmans (Imrane et Ismail) encadrant une Asiatique (« Estelle »). C’est tellement grossier qu’on aurait envie d’en rire, si ce n’était aussi effrayant. Nul besoin du talent de Roland Barthes pour la décrypter ; mais appliquons tout de même les principes de la (…)

La fine fleur : l’art de l’hybridation.

Rosa LLORENS
Dans la création d’une rose, l’accent est mis dans le film sur le processus, presque magique, de l’hybridation, qui fait de l’horticulteur un véritable Pygmalion. Le réalisateur, Pierre Pineau, a aussi pratiqué cette technique : prenant le sujet de départ de La Mule, ajoutant un zeste de La Potiche (pour le féminisme, le personnage de la femme chef d’entreprise), il a suivi le schéma de La part des anges. Le résultat est une comédie agréable, mais qui manque de parfum. Horticulteur, Duke (…)
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The Last Hilbilly : on achève bien les hilbillies.

Rosa LLORENS
Les critiques de The Last Hilbilly, unanimement positives, semblaient promettre une nouvelle vision de l’Amérique profonde, non plus la vision, moraliste, méprisante et haineuse, qu’en donnent les opinion-makers citadins des deux côtes, mais le péquenot vu par lui-même. Mais au lieu de l’anti-Easy Rider qu’on pouvait espérer, on a un Easy Rider aggravé, où c’est le hilbilly qui se condamne lui-même. Easy Rider, film culte de 1969, est présenté comme une ode à la liberté, symbolisée par les (…)

200 mètres : le train-train en Palestine occupée.

Rosa LLORENS
Pour leur réouverture, les cinémas semblent nous avoir préparé une pochette-surprise de feel-good movies , dont le fleuron est l’hagiographique L’oubli que nous serons, avec l’inévitable Javier Cámara, spécialiste, avec le don qu’il a de se faire rougir le bout du nez pour exprimer des émotions intenses, du mélo. Que pouvait-on attendre de 200 mètres, d’Amine Nayfeh, co-production qataro-italo-suédo-jordanienne ? Mustafa habite chez sa mère, à 200 mètres de sa femme et leurs trois (…)

Ivan Illich et le système sanitaire

Rosa LLORENS
Dans les années 1970, Ivan Illich a joui d’une popularité sans doute fondée sur un malentendu, le succès de Une société sans école qui, tout de suite après sa parution aux Etats-Unis, en 1971, a été traduit en français et est devenu un best seller. On l’associait facilement à un autre best seller, Libres enfants de Summerhill, d’Alexander S. Neill (publié en français en 1970). Pourtant, l’envergure intellectuelle des deux auteurs est sans commune mesure, de même que la portée de leurs (…)

Au-delà du spectaculaire des Dix petits Nègres, le charme discret du racisme chez Agatha Christie

Rosa LLORENS
Curieuse mésaventure, que celle d’Agatha Christie, indéboulonnable interprète du politiquement correct pendant cinquante ans, aujourd’hui montrée du doigt par le politiquement correct à la sauce des années 2000 ! On peut encore trouver, sur une même étagère, les Dix petits Nègres, et Ils étaient dix, nouveau titre insipide, d’allure nostalgique, pas vraiment stimulant pour un polar. Mais il ne s’agit pas seulement d’un changement de titre : le mot « nègre » apparaît 73 fois dans le roman ; (…)

Prends un siège, Ursula...(et autres sièges).

Rosa LLORENS
Ainsi commence le Ve Acte de la tragédie de Corneille, Cinna : « Prends un siège, Cinna », invitation ou injonction qui a donné son nom à une marque de meubles bien connue. Assis sur ce siège, le conspirateur Cinna entendra l’Empereur Auguste lui accorder son pardon, et lui offrir la réconciliation et même une participation au pouvoir. A Ankara, le scénario a été bien différent, on a plutôt eu affaire à un siège de la discorde. A la façon dont on rapporte parfois l’incident, on peut (…)

Negru et awomen : deux symptômes inquiétants de la Tour de Babel libérale.

Rosa LLORENS
La langue est fasciste, disait Barthes : elle véhicule des préjugés, des valeurs, toute une culture réactionnaires, qui nous empêchent de penser librement. Il faut déconstruire tout cet édifice pour revenir à un état innocent de la langue. Barthes donne des exemples de déconstruction politique (comme cette couverture de point de vue montrant la photo d’un soldat noir tenant un drapeau français, et véhiculant à elle seule l’idéologie coloniale). Mais la déconstruction, dans le cadre (…)
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Petros Markaris : la Grèce est notre avenir.

Rosa LLORENS
Il y a quelques années, à partir de 2010 et surtout en 2015, nous avons assisté à la brutale tragédie grecque avec commisération, de l’extérieur. Il conviendrait aujourd’hui de revenir sur ces événements : ce détour nous permettra peut-être de mieux voir et comprendre ce qui se passe chez nous, les « pays riches ». Pour cela, plutôt que de se remémorer le feuilleton dramatique mis en scène par les médias (« la Grèce va-t-elle être sauvée ? »), il est plus utile de relire les polars de Petros (…)

Now, Voyager

Rosa LLORENS
La Révolution a eu lieu, la société a changé de base : il y a dix ans, cinq ans, un an, fêtes et tourisme étaient ses mamelles, on circulait à la queue leu leu à Venise, on allait enterrer sa vie de jeune fille à Barcelone et, tout en calculant son empreinte écologique, on passait le week-end à Marrakech ; aujourd’hui, fêtes et tourisme sont criminalisés, et on arrête des teufeurs qui s’amusaient dans un pavillon de banlieue, entre Tontons flingueurs (voir la fête où, des salons à la (…)
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Le mythe Maradona contre la "vie nue".

Rosa LLORENS
L’un de nos ex-Présidents a disparu... et il ne nous manque rien. Au contraire, la mort de Maradona a creusé un grand vide dans le monde, même chez ceux qui ne connaissent rien au foot. A l’époque où ils jouaient, on comparait Maradona et Pelé : lequel est le plus grand joueur ? Aujourd’hui, il n’y a pas photo, l’Histoire a tranché : face au « roi » Pelé, il y a le « Dieu » Maradona. A quoi tient la dimension unique de Maradona ? On oppose souvent les dons extraordinaires de Maradona balle (…)

Blanche-Neige et les Etats-Unis

Rosa LLORENS
Il est devenu banal de dire que les États-Unis sont aujourd’hui divisés en deux moitiés égales et opposées. Cela vérifie la thèse de Denis Duclos, soutenue déjà dans Le complexe du loup-garou, de 1994 : le thème du double est selon lui fondamental et omniprésent dans la culture anglo-saxonne, et en particulier étasunienne ; dans la plupart des histoires, on retrouve la lutte entre principe du Bien et principe du Mal, mais incarnés dans deux personnages qui sont en fait des doubles, comme (…)