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Blocus économique et WikiLeaks : Islande et au-delà

Julian Assange utilise le terme "censure économique" depuis un certain temps et il est difficile d’être plus proche de la réalité. Si vous voulez faire taire quelqu’un, privez-le de financement, coupez-lui l’approvisionnement, et espérez qu’il disparaisse sans faire trop de vagues. Wikileaks a été victime d’un blocus depuis la publication des mannes des documents en 2010. Les adversaires de WikiLeaks ont non seulement tenté d’ostraciser l’organisation mais aussi ses actions de toutes les manières imaginables.

Les contrats avec les prestataires financiers ont été résiliés. Les actions prises par des compagnies telles que Visa et MasterCard ont provoqué une perte de revenus de 95 %. Mercredi dernier (24 avril – NDT), la Cour suprême d’Islande, a exprimé son désaccord en affirmant que le partenaire local de MasterCard, Valitor, avait illégalement mis fin à ses contrats avec le gestionnaire des paiements de WikiLeaks, DataCell.

Ce n’était pas vraiment une surprise – un tribunal local de Reykjavik avait rendu un jugement similaire l’année dernière, assortie d’une menace d’amende. Les clients, a affirmé le tribunal, ne pouvaient pas être privés de leur droit de faire des contributions au site.

Valitor, a prévenu le tribunal, se verrait infliger une amende de 800.000 couronnes Islandaises ($6.824) (5.185,87 Euros - NDT) par jour si le mécanisme de paiement n’était pas remis en place dans les quinze jours. Assange lui-même en a été revigoré, ce qui en dit long car il n’a pas vraiment eu de quoi se réjouir ces derniers temps. « Nous remercions les Islandais pou avoir montré qu’ils ne se laissaient pas intimider par de puissantes compagnies financières soutenues par Washington, telles que Visa. » Pour la figure de proue de WikiLeaks, « le blocus économique » n’est rien de moins qu’un dispositif de censure qui « menace la liberté de la presse dans toute l’Europe ».

Le discours d’Assange peut paraître répétitif, mais il y a peu de doute que les décisions financières prises ces deux dernières années l’ont été sous la forte pression de personnages importants aux Etats-Unis. Les documents de la Commission européenne publiés par WikiLeaks montrent que différents personnages hauts placés se sont démenés pour faire passer le message à MasterCard. MasterCard Europe a admis que le Sénateur Joseph Lieberman et le membre du Congrès Peter T. King ont eu des « conversations » avec l’organisation aux Etats-Unis. Lieberman s’est vanté d’avoir joué un rôle derrière l’arrêt des services d’Amazon à WikiLeaks.

Les deux hommes n’en sont pas à leurs premiers essais. King, comme président du Comité de sécurité intérieure de la Chambre des Représentants, a travaillé d’arrache-pied pour faire qualifier WikiLeaks d’organisation terroriste, et ses membres de « combattants illégaux ». (Sur ce point, le Trésor américain a rejeté les suggestions de King pour que WikiLeaks soit placé sur une liste noire – il n’y avait aucune preuve pour justifier une telle action). Le sénateur Lieberman a tenté sans succès de poursuivre le New York Times pour espionnage à propos des publications de documents de WikiLeaks.

Là encore, dans le monde unidimensionnel brut de la finance, WikiLeaks s’est retrouvé face à un mercantilisme glacial et à des avocats toujours prompts à déchiffrer les phrases rédigées en caractères minuscules. Après tout, si les actions de fuites ne peuvent être monnayées, ils ne seront pas intéressés. Selon un spécialiste des relations publiques de KIRO News de Seattle : « Je ne crois pas qu’on puisse mélanger la politique et le commerce », un commentaire fait spécifiquement sur l’assistance d’Amazon à WikiLeaks pendant la période des vacances. Mais telle est la sagesse de la civilisation du monde des affaires – la liberté a une valeur financière.

Cela a été certainement confirmé par les actions de Visa, Mastercard, PayPal, Western Union et Bank of America qui ont toutes entrepris des actions extrajudiciaires pour bloquer les donations à WikiLeaks. Leurs « conditions de service », selon leur argumentaire peu convaincant, avaient été violées. Ce qui était un peu tiré par les cheveux car la publication des câbles par WikiLeaks n’a jamais été qualifiée d’« illégale » sinon de façon purement rhétorique. Aucune accusation formelle n’a jamais été portée – pas plus contre le comportement sexuel d’Assange que contre la publication des documents. Cela n’a pas empêché Julia Gillard, Première Ministre Australienne, de faire des déclarations sur les actions « illégales » de WikiLeaks qui ont été aussitôt reprises par MasterCards comme une preuve de culpabilité.

Cette décision de justice en Islande est importante, mais il n’est pas certain qu’Assange puisse en faire un cas de jurisprudence. WikiLeaks fonctionne en permanence dans l’urgence, en prenant des risques, en jouant sur la surprise et toujours avec une épée de Damoclés au-dessus de la tête. Une autre action en justice est en cours au Danemark contre le sous-traitant de Visa avec l’espoir de déclencher un mouvement à l’échelle européenne.

La position de l’Europe a été contradictoire, ce qui ne facilite pas les prédictions sur la décision de la Commission européenne au sujet du blocus économique. En novembre dernier, le parlement européen a clairement indiqué qu’il voulait empêcher l’imposition arbitraire de blocus économiques sur des entités ou des organisations sans une décision de justice, afin d’éviter que d’autres organisations connaissent le même sort que Wikileaks.

A cette fin, les députés ont considéré « qu’il y aura probablement un nombre croissant de sociétés européennes dont les activités dépendent de leur capacité d’accepter des paiements par cartes ; [et] considèrent qu’il est dans l’intérêt public de définir des règles objectives décrivant les conditions et les modalités selon lesquelles de tels systèmes de paiements par cartes peuvent être unilatéralement refusés ou acceptés »

Cependant, la Commission européenne n’a pas suivi WikiLeaks selon qui Visa, MasterCard et American Express avaient violé la législation antitrust européenne. Il a fallu quinze mois de tergiversations pour ensuite prétendre qu’aucune enquête complète n’était nécessaire. WikiLeaks insiste toujours pour que cette position soit réexaminée. En attendant, quelques esprits brillants - Daniel Ellsberg, John Cusack et John Perry Barlow de l’Electronic Frontier Foundation (EFF) – ont crée la Fondation de la Liberté de la presse (Freedom of the Press Foundation) pour tous ceux qui souhaitant faire anonymement des dons fiscalement déductibles à Assange et compagnie (la fondation regroupe d’autres organisations – NDT).

Binoy Kampmark

Traduction : Romane.

Article du 29 avril 2013 : http://www.scoop.co.nz/stories/WO1304/S00466/economic-blockade-and-wikileaks-iceland-and-beyond.htm

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