C’est l’OTAN qui est à la conquête de Tripoli (Il Manifesto)

photo : Bryan Denton, New York Times

Une photo publiée par le New York Times raconte, plus que beaucoup de paroles, ce qui est en train d’arriver en Libye : elle montre le corps carbonisé d’un soldat de l’armée gouvernementale, à côté des restes d’un véhicule brûlé, avec trois rebelles autour qui le regardent avec curiosité. Ce sont eux qui témoignent que le soldat a été tué par un raid de l’OTAN. En moins de cinq mois, informe le Commandement conjoint allié de Naples, l’OTAN a effectué plus de 20mille raids aériens, dont 8mille d’attaques par bombes et missiles. Cette action, déclarent au New York Times de hauts fonctionnaires étasuniens et OTAN, a été décisive pour resserrer l’étau autour de Tripoli.

Les attaques sont devenues de plus en plus précises, détruisant les infrastructures libyennes et empêchant ainsi le commandement de Tripoli de contrôler et d’approvisionner ses forces. Aux chasseurs-bombardiers qui larguent des bombes à guidage laser d’une tonne, dont les têtes pénétrantes à l’uranium appauvri et tungstène peuvent détruire des édifices renforcés, se sont joints les hélicoptères de combat, dotés des systèmes d’armements les plus modernes. Parmi eux, le missile à guidage laser Hellfire, qui est lancé à 8Kms de l’objectif, utilisé aussi en Libye par les avions télécommandés étasuniens Predator/Reaper.

Les objectifs sont repérés non seulement par les avions radar Awacs, qui décollent de Trapani (côte sud-ouest de la Sicile), et par les Predator italiens qui décollent d’Amendola (Foggia, province des Pouilles), en survolant la Libye 24h/24. Ils sont aussi signalés -indiquent au New York Times les fonctionnaires OTAN- par les rebelles. Ceux-ci, tout en étant «  mal entraînés et mal organisés », sont en mesure, «  grâce des technologies fournies par des pays de l’OTAN », de transmettre d’importantes informations au «  team OTAN en Italie, qui choisit les objectifs à frapper ». De plus, rapportent les fonctionnaires, «  la Grande-Bretagne, la France et d’autres pays ont déployé des forces spéciales sur le terrain en Libye ». Officiellement pour entraîner et armer les rebelles, en réalité surtout pour des tâches opérationnelles.

On voit ainsi émerger le cadre réel. Si les rebelles sont arrivés à Tripoli, c’est dû non pas à leur capacité de combat, mais au fait que les chasseurs-bombardiers, les hélicoptères et les Predator de l’OTAN leur ouvrent la voie, en pratiquant la terre brûlée. Au sens littéral du terme, comme le montre le corps du soldat libyen carbonisé par le raid OTAN. En d’autres termes, on a créé à l’usage des media l’image d’une résistance avec une force capable de battre une armée professionnelle. Même si, évidemment des rebelles meurent dans les affrontements, ce ne sont pas eux qui sont en train de s’emparer de Tripoli. C’est l’OTAN qui, forte d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, est en train de démolir un Etat au motif de défendre les civils. De toute évidence, depuis qu’il y a un siècle les troupes italiennes débarquèrent à Tripoli, l’art de la guerre coloniale a fait de grands pas en avant.

Manlio Dinucci

Edition de mardi 23 août de il manifesto

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

COMMENTAIRES  

23/08/2011 15:16 par babelouest

Oui, l’art (sic) de la guerre a fait de grands "progrès", mais la capacité d’empathie des acteurs a fortement régressé, avec une professionnalisation de plus en plus aiguë, et un éloignement de plus en plus grand des presseurs de boutons de leur cible. L’infanterie, la "reine des batailles", arrive juste pour occuper le terrain et constater les dégâts, souvent "collatéraux".

Etape suivante, ce seront des robots qui feront ce travail d’occupation, et les insurgés démoralisés et exsangues verront arriver un petit char d’assaut miniature , qui leur intimera "Conduisez-moi à votre chef !", et sortira de ses entrailles un papier de reddition tout juste imprimé "Signez là ".

25/08/2011 12:04 par un chileno

Dans le programme "Dossier" de la chaine de télévision vénézuélienne Telesur cela fait plusieurs mois que le présentateur M. Walter Martinez insiste sur l’amateurisme dont font preuve les soi-disant rebelles libyens en prenant comme appui les images émanant des agences de presse dites "sérieuses" comme AFP, Reuters, etc.
Les angles de tir invraisemblables visant plus l’horizon qu’une cible terrestre, Le fait que lesdites cibles, l’ennemi supposé, on ne les voit jamais. Les positions de tir playgamesques adoptées par les prétendus rebelles lui font parfois conclure, et moi avec lui, qu’une telle "armée" ("l’armata brancaleone" comme il se plaît à le répéter) est trop peu organisée pour mener à bien à elle seule, sans l’aide militaire de l’otan, l’invasion de Tripoli.
Les commentaires de M. Martinez sont d’autant plus intéréssants qu’il est lui-même gradé et professeur dans une école
de la marine.

Jusqu’ici, les images de la "libération" de Tripoli nous montrent des groupes armés dans des rues vides, loin des débordements de liesse auxquels on pourrait s’attendre lors d’une telle situation. On attend la suite.
Ces images comparées à celles de la libération de Paris par exemple ...

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