Colette Braeckman est une journaliste belge spécialiste de l’actualité africaine et plus particulièrement de l’Afrique centrale. Ses analyses dans Le Soir, quotidien francophone de Bruxelles, font autorité.
Récemment, elle a publié un article intitulé « Du bon usage du terme génocide » qui souligne que, pour justifier leur intervention militaire en République centrafricaine, les dirigeants français n’avaient pas « lésiné sur le vocabulaire ».
Ainsi, François Hollande a parlé de « chaos, d’exactions extraordinairement graves » tandis que Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, assurait que le pays était « au bord du génocide ». La gravité de cette dernière expression (reprise par un diplomate américain) a contribué à ce que le Conseil de Sécurité autorise officiellement la France à lancer l’opération Sangaris qui avait déjà commencé à se déployer.
Pour Colette Braeckman, il est vrai que la Centrafrique est aujourd’hui en proie à des violences d’une extrême gravité prenant un caractère communautaire : d’un côté, les milices musulmanes de la Seleka (comptant de nombreux combattants étrangers) qui s’en prennent à des populations majoritairement chrétiennes ; de l’autre des groupes paysans d’autodéfense qui ripostent aux Seleka et s’en prennent, par extension, à des civils de confession musulmane.
Cependant ces massacres ne sont pas organisés systématiquement et ne visent pas à l’élimination d’un groupe humain, comme naguère les Juifs ou, voici vingt ans, les Tutsis du Rwanda. Le terme « génocide » que Laurent Fabius a cru bon utiliser paraît donc « excessif » même si, selon Colette Braeckman, la situation en Centrafrique justifie pleinement l’envoi d’une force militaire mandatée pour mettre fin aux tueries et au chaos.
On peut ajouter qu’à l’évidence le terme de « génocide » n’a été employé par Laurent Fabius que dans l’intention de provoquer une réaction émotionnelle et de convaincre l’opinion de l’urgence d’envoyer l’armée française sur place. Un opportunisme qui conduit, cependant, à une banalisation dangereuse du terme...
Jean-Pierre Dubois