Chili : Perspectives et attentes des élections présidentielles et législatives du 19 novembre 2017

Le septième scrutin pour élire un président de la République depuis le départ de Pinochet en 1991 aura lieu le dimanche 19 novembre 2017. 27 ans après la fin de la dictature, cette élection apparaît, dans l’interminable transition vers la démocratie, comme cruciale, surtout après le début de la mise en oeuvre des réformes engagées par l’administration sortante menée par M. Bachelet.

Huit candidats sont en lice. Deux d’entre eux se rangent clairement à droite, les six autres au centre et à gauche.

A droite l’ex-président Sebastián Piñera, crédité par tous les sondages de la première place à l’issue du premier tour, a réussi à rassembler sur sa candidature presque toutes les sensibilités de droite, dont l’UDI et la RN (*).

José Antonio Kast représente la droite dure, mais aussi celle qui condamne les affaires de Piñera. Les sondages estiment à un peu plus de 2 % les intentions de vote en sa faveur.

Au centre, la démocrate chrétienne Caroline Goic est créditée de moins de 4 %.

L’indépendant Alejandro Guillier, représentant de sept partis appartenant à l’actuelle coalition gouvernementale de centre gauche, est positionné en deuxième place selon les sondages.

Sénateur de la République, Alejandro Navarro représente le mouvement PAIS, également membre de la coalition de l’actuel gouvernement. Les sondages lui accordent moins de 1 % des intentions de vote.

Marco Enrique Ominami, candidat du Parti Progressiste (PRO) situé au centre gauche, est crédité d’environ 5 % des intentions de vote, loin des 20 % dont il a bénéficié en 2010.

Beatriz Sánchez, est présentée par le Front Elargi (Frente Amplio – FA), formé d’un ensemble de récents mouvements de gauche. Sa place variable dans les sondages semble avoir été le reflet d’un manque d’expérience politique de ce Front. Par exemple, une lutte acharnée pour les postes de candidats, ou des déclarations polémiques comme celle où Cuba et le Vénézuela sont assimilés à des dictatures ou, excusez-du peu, celle dans laquelle le gouvernement d’Allende est jugé totalitaire. Les récents sondages la placent définitivement en troisième position.

A l’extrême-gauche, Eduardo Artés, représentant de l’Union Patriotique qui regroupe une série de mouvements radicaux et marginaux, n’obtiendrait que moins de 1 % des votes.

Les différentes candidatures s’expliquent par rapport à l’action gouvernementale. En effet, les réformes conduites par la Nouvelle Majorité ont provoqué l’opposition systématique et unanime de la droite. Par contre, cette homogénéité n’existe nullement dans les secteurs progressistes de la société, même pas au sein de la coalition au pouvoir. En effet, les partis les plus à droite de cette coalition aimeraient conserver les pouvoirs dont ils ont hérité après 17 ans de dictature de Pinochet. Parmi eux, une fraction de la Démocratie chrétienne (DC) dont les dirigeants sont coincés, car leur souci d’occulter leur pêché originel -avoir appuyé le coup d’État en 1973- leur interdit une quelconque alliance avec la droite souillée par les crimes commis pendant la dictature. Ainsi se débat-elle entre le maintien dans la coalition gouvernementale de centre gauche tout en essayant de freiner par tous les moyens toute réforme menaçant le système néolibéral, déclenchant régulièrement des campagnes anticommunistes qui lui ont si bien réussi par le passé, s’assurant au passage le soutien de la presse monopoliste de droite.

Cette position ambigüe a eu pour conséquence l’émergence d’une candidature séparée des autres partis de la Nouvelle Majorité qui se sont regroupés derrière A. Guillier.

Aujourd’hui tout indique qu’on s’oriente vers un second tour qui verra s’affronter le candidat de la droite, Sebastián Piñera, au candidat du centre gauche Alejandro Guillier. La seule chance de l’emporter pour ce dernier est que tous les candidats de progrès s’unissent.

Pour l’instant, Guiller est assuré du report des voix des candidats Navarro et Enrique-Ominami. Le silence de Sánchez concernant le deuxième tour donne lieu à d’âpres polémiques au sein même du FA. Récemment les déclarations de certains de ses responsables laissent supposer qu’un pourcentage de ses électeurs feront barrage à la droite. Comme Sánchez, la candidate de la DC Goic ne s’est pas encore exprimée sur son attitude au second tour. Mais nombreux sont ceux qui supposent qu’elle donnera comme consigne de vote un soutien au candidat de centre gauche. Il semblerait que Kast ne donnera aucune consigne de vote, alors qu’Artés prônerait l’abstention.

Quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, un nouveau cycle politique devrait voir le jour au Chili.

D’abord, il faut tenir compte d’un élément qu’on a peut-être tendance à négliger : les élections législatives, qui auront lieu ce même 19 novembre seront les premières à scrutin majoritaire corrigé et non plus à l’ancien scrutin binominal qui favorisait largement les grandes coalitions, à commencer par celles de la droite. Donc, dans tous les cas, le Parlement n’aura pas, loin de là, une majorité de droite.

Ensuite, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, il y aura un nouvelle distribution des cartes politiques.

Si Piñera l’emporte, il essayera de démolir les réformes amorcées par Bachelet, se mettant à dos et la rue et le parlement-et on assistera à une cohabitation et à la recomposition de certaines alliances favorisant l’apparition d’un nouveau paysage politique.

Si Guillier gagne, l’œuvre de démocratisation de la vie politique chilienne sera approfondie, en particulier par le remplacement de la Constitution de Pinochet, créant ainsi une nouvelle dynamique de changement.

J.C. Cartagena - Nadine Briatte

Notes :
(*) UDI : Union Démocrate Indépendante
RN : rénovation Nationale

COMMENTAIRES  

05/11/2017 05:58 par alain harrison

Bonjour.

Il semble y avoir des comparatifs avec ce qui c’est passé en France ?
La droite, ex-droite, le centre gauche, une gauche et une ex-gauche et démocratie chrétienne.
On ne voit jamais un parti nommé démocratie protestante, c’est sans doute le parti conservateur, dénomination qui semble ne pas existé en Amérique latine.

En tout cas, cette élection promet du m’importe quoi a priori : Beatriz Sánchez, est présentée par le Front Elargi (Frente Amplio – FA), en troisième position ???

Les Chiliens sont divisés, sans doute comme partout semble-t-il !
C’est cette division des peuples, probablement le facteur vraiment fondamental qui permet la survie du néo-libéralisme.

Même au Vénézuéla, et ça ce comprend, toute la guerre économique et l’embargo intérieur sélectif (papier de toilette et ci. par le monopole des distributeurs privés, pallié par le gouvernement) pour semer la colère...... Heureusement la Constituante.
Mais pour un temps, car la volonté fasciste libérale prend une voie diversifiée : une droite fasciste qui fait semblant d’ adhérer aux règles, et une branche qui continuera le jeu de la destabilisation. Il faut s’attendre à de nouveaux jeux de la part de la droite fasciste au Vénézuéla, en apparence divisée. Elle aura appris de ses erreurs ?!

Maintenant, comment se déroule la Constituante ?
La Constituante Citoyenne-Travailleur ?
Il faut demeurer vigilent.
Comment dire.
Renaître avec toutes les forces du mouvement populaire
Katherine Castrillo
« « Y-a-t-il des accords communs pour cette construction parmi les hauts dirigeants du chavisme ? Si tel est le cas nous devons faire nôtres les paroles du président Maduro : rien ne s’est arrêté, rien ne s’arrêtera. Mais ces accords semblent assez récents et ils deviennent particulièrement urgents à l’heure de redéfinir les priorités de la révolution qui passent par la reconnaissance et le transfert de compétences au gouvernement populaire. Nous devons nous demander si comme mouvement populaire nous avons dépassé le stade de la légitimation interne, pour passer à la construction effective de la commune. » »
https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/12/12/renaitre-avec-toutes-les-forces-du-mouvement-populaire/

Voilà la question centrale qui doit être au centre de la Constituante

« « « la reconnaissance et le transfert de compétences au gouvernement populaire. Nous devons nous demander si comme mouvement populaire nous avons dépassé le stade de la légitimation interne, pour passer à la construction effective de la commune. » » »

Bien, le combat sur la corruption actualisé par l’ ANC semble prendre son aire d’allé. Espérons que les différentes tâches initié par la Constituante gagneront en participation à travers le Peuple, et que la question fondamentale, l’objectif ultime qu’est la participation réelle du peuple au pouvoir ne sera pas dilué en cours de route.

Les partis de gauche et les mouvements sociaux d’Amérique Latine appuient un peuple qui écrit sa constitution à la barbe de l’Empire.
21 juillet 2017

Mais la critique, la vraie, celle qui ne procède pas de projections idéologiques, appartient d’abord à ceux qui agissent sur place pour transformer leur réalité, à ceux qui peuvent critiquer un processus en connaissance de cause. En voici un bon exemple : le programme de ces militants de base et de peau foncée.

L’ECONOMIQUE :
Pour une économie au service de la vie et des gens !
Rédaction d’un chapitre dans la Constitution consacré à l’économie communale, qui considère les axes suivants :
Le modèle économique socialiste se base sur une économie en fonction de l’attention et de la reproduction de la vie sur la planète, soumise aux intérêts communs du peuple travailleur.

LE POLITIQUE
Le pouvoir populaire, base de la nouvelle société !
Les niveaux d’organisation des gens se sont énormément élevés pendant les 18 dernières années (par exemple, les 46 813 conseils communaux et les 1 743 communes enregistrées, selon les données du MPP pour les communes 2017) et maintenant qu’il existe des formes concrètes d’organisation, participation et protagonisme direct du peuple, il est juste d’élever et de renforcer le Pouvoir Populaire organisé dans ses plus diverses expressions.

LE SOCIAL :
Amplifier et approfondir les droits sociaux conquis à travers des politiques de soins comme le système Missions et Grandes Missions, et leur garantie en cogestion avec le pouvoir populaire.
Élargir le principe de souveraineté comme un axe transversal dans un cadre territorial, politique, économique, culturel, et alimentaire, qui garantisse le contrôle populaire sur la majorité des instances sociales.

https://venezuelainfos.wordpress.com/2017/07/21/les-partis-de-gauche-et-les-mouvements-sociaux-damerique-latine-appuient-un-peuple-qui-ecrit-sa-constitution-a-la-barbe-de-lempire/

Pour moi ces deux articles marquent la critique des erreurs, et la Constituante Travailleur Citoyenne (Maître d’ Oeuvre).
Ils sont comme un rappel de la voie recherché, ou du moins que la gauche internationale devrait mettre en avant : le pouvoir par le Peuple pour le Peuple. Mais qu’est-ce que le peuple ? C’est le stade de l’histoire.... Non , ça devrait être le stade, dans l’histoire humaine, pour stabiliser l’humanité dans la paix. Des peuples, des pays stables, cette situation devrait permettre aux peuples de régler les problèmes internes à chacun, et de remodeler les rapports entre eux sur des bases saines (échange, etc....).

Et la constituante est l’occasion d’y arriver.
C’est de cela dont il faut parler, le potentiel immense de la Constituante, élaborer son fonctionnement pour la participation du plus grand nombre, l’élaboration de son contenu....., en faire la promotion de manière cohérente.

10/11/2017 19:40 par Hector Espinola

Je pense que le facteur décisif à la future élection présidentielle chilienne, sera la participation de 60% des électeurs qui ne participent pas aux processus.

Contre le candidat de centre-gauche M. Guillier -qu’a le soutien du PS, PR, et Pc Chilien et Gauche Citoyenne- pèse la lourde impression d’être la continuité de la concertation et ses politiques néo-libérales. La Gauche représenté par M. Eduardo Artes (Union Patriotique), n’a pas beaucoup des possibilités d’obtenir un grand nombre de votants, mais leur candidat a le mérite d’expliquer, que le chemin est long et, que son plan de refonder le Chili, a besoin de la participation des secteur révolutionnaires et populaires, et celles et ceux que ne se sont pas corrompus par les chants des sirènes du gan capital, en conséquence il faut aller au-delà des élections.

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