Washington n’a plus que peu d’influence sur la situation

« Compromis ou génocide ». L’accord du siècle de Poutine se déploie rapidement en Syrie

Depuis que Trump a annoncé le retrait des troupes US et qu’Erdogan a lancé son offensive contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, les événements s’enchaînent à une vitesse folle. Damas et les Kurdes ont passé un accord et l’armée syrienne se déploie le long des lignes de front. Le rôle de Moscou dans tout ça ?

La diplomatie russe s’active en coulisses et pourrait tirer les marrons du feu. (IGA)
« Poutine capitalise sur la retraite chaotique des États-Unis et la brutalité turque envers les Kurdes pour affirmer le leadership de la Russie« , a commenté l’expert Joshua Landis à partir d’une récente interview de Vladimir Poutine. « Il souligne comment la Russie s’est tenue aux côtés de son alliée assiégée, la Syrie, alors que les États-Unis ont abandonné leurs deux alliés, les Kurdes et les Turcs« , a ajouté Landis.

Poutine a déclaré dans l’interview : « La Syrie doit être libérée de toute présence militaire étrangère. Et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne doit être complètement rétablie« .

Compte tenu de la rapidité avec laquelle se déroulent les événements de ce week-end, avec des armées turques et syriennes s’engageant sur les lignes de front, le rôle de la Russie dans toute cette histoire reste la plus grande inconnue. Mais que savons-nous à ce stade ?

Il y a tout juste une semaine que Trump a dévoilé pour la première fois un retrait des troupes US du nord-est de la Syrie, donnant son feu vert à une invasion des forces turques. Depuis, les événements s’enchaînent à une vitesse fulgurante, avec en ligne de mire un possible affrontement majeur entre l’armée syrienne et les forces pro-turques d’une part, et un retrait complet et définitif des États-Unis hors de Syrie d’autre part.

Des convois de l’armée syrienne – comprenant notamment des chars et de l’artillerie – ont commencé à se déployer sur les champs de bataille du nord de la Syrie au moment où la retraite des troupes US était confirmée. Le média public syrien a affirmé que Damas était sur le point de « faire face à une agression turque » sur le territoire syrien. L’information est tombée juste après ce qui semble être un accord majeur conclu entre Damas et les principaux groupes kurdes syriens soutenus par les États-Unis.

Reuters a révélé dimanche que Damas et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes étaient en négociations directes avec une participation cruciale de la Russie. « La source proche du gouvernement syrien a déclaré que des réunions entre les FDS et Damas avaient eu lieu avant et après la dernière offensive turque« , selon la dépêche d’agence.

Dimanche, quelques heures avant l’annonce d’un premier accord et le déploiement de l’armée syrienne dans les villes du nord assiégées par la Turquie, le chef des FDS, Mazloum Abdi, déclarait dans une tribune libre parue dans Foreign Policy : « Nous savons que nous devrons faire des compromis douloureux avec Moscou et Assad si nous empruntons cette voie. Mais si nous devons choisir entre des compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons sûrement la vie. »

Abdi a noté que la trahison de Washington était double : non seulement le Pentagone s’était retiré au moment le plus crucial, mais il avait également ordonné à sa force de substitution kurde d’affaiblir ses propres défenses. Et ne parlons même pas du fait que Washington s’était longtemps activé à contrecarrer les négociations avec Damas.

« À la demande de Washington, nous avons accepté de retirer nos armes lourdes de la zone frontalière avec la Turquie, de détruire nos fortifications défensives et de retirer nos combattants les plus aguerris. La Turquie ne nous attaquerait jamais tant que le gouvernement américain resterait fidèle à sa parole« , écrit Mazloum Abdi, sous-entendant que Washington a jeté les Kurdes dans la gueule du loup au pire moment.

« Nous nous tenons maintenant sans défense pour faire face aux couteaux turcs« , a conclu le commandant en chef des SDF. « La Syrie a deux options : une guerre religieuse, sectaire, ethnique et sanglante si les États-Unis partent sans parvenir à une solution politique ; ou un avenir sûr et stable – mais seulement si les États-Unis utilisent leur pouvoir et leur influence pour parvenir à un accord avant de se retirer » explique Abdi. « Deux questions demeurent : comment pouvons-nous protéger au mieux notre peuple ? Et les États-Unis sont-ils toujours notre allié ? » Il semble bien qu’Abdi ait obtenu une réponse, alors que les FDS ont invité l’armée syrienne à se joindre à eux.

Compte tenu une fois de plus de la rapidité avec laquelle tout cela s’est déroulé, un certain nombre d’experts et d’analystes ont posé la question : assistons-nous au déploiement d’un « accord du siècle » négocié par Poutine ?

Nous avons expliqué la semaine dernière que de nombreux signes laissent penser que tel était le cas, notant que Moscou avait commencé à organiser des « pourparlers de réconciliation » entre la Syrie et la Turquie. Cela constituerait vraiment un développement sans précédent, quand on pense à la position sur laquelle Erdogan campait depuis longtemps, à savoir que la Turquie ne négocierait pas avec Damas tant qu’Assad serait au pouvoir. Les deux pays avaient coupé leurs relations diplomatiques en 2012.

Mais le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov a récemment confirmé cette information : « Moscou demandera l’ouverture de négociations entre Damas et Ankara« .

Le moment choisi par Poutine pour éventuellement conclure un tel accord tombe à pic pour plusieurs raisons :

Le retrait US de la zone frontalière signifie que Washington n’a plus que peu d’influence sur la situation (Trump a d’ailleurs déclaré qu’il souhaitait voir les puissances régionales régler le problème).
Les Kurdes assiégés de Syrie voient désormais dans Damas leur seule option de survie (et donc l’allié de la Syrie, la Russie).

La Turquie est maintenant en contradiction avec les principales puissances occidentales et régionales au sujet de cette Opération « Peace Spring ». La Turquie est également diabolisée par les médias internationaux. La voilà maintenant sous la loupe des droits humains et des crimes de guerre.
Les relations entre la Turquie et les États-Unis sont au plus bas pour de nombreuses raisons, en particulier depuis que la Turquie a passé un accord pour acheter de S-400 à la Russie et s’est vue éjecter du programme des F-35 des États-Unis. Le spectre de nouvelles sanctions US hante Ankara.

Washington ayant cédé la place du conducteur, tout ce qui précède signifie qu’il n’y a que Poutine qui peut « vérifier » les actions d’Erdogan.

Selon l’agence Reuters, Poutine est bien placé pour être la seule voix ayant des relations « positives » avec la Turquie et capable de « limiter » les ambitions d’Erdogan en Syrie : « Lors d’un appel téléphonique avec le président turc Tayyip Erdogan avant l’opération contre les combattants kurdes alliés aux États-Unis, le dirigeant russe Vladimir Poutine, allié du président syrien Bashar al-Assad, a déclaré qu’il espérait que l’incursion serait limitée dans le temps et dans l’espace« , ont indiqué des sources. « S’il [Poutine] réussit à résoudre ce problème, cela serait considéré comme une victoire politique majeure« , a commenté Andrey Kortunov, président du Conseil des affaires internationales de la Russie, cité dans le reportage. « Poutine pourrait soutenir que les Américains n’ont pas réussi à résoudre ce problème, mais que nous avons réussi. Cela impliquerait que notre approche du conflit est plus efficace que celle de nos opposants géopolitiques« , a-t-il ajouté.

Un ancien diplomate russe de haut rang a également confirmé à Reuters que « si la Turquie limite ses opérations à une zone de sécurité de 30 km à l’intérieur de la Syrie et mène une opération rapide, la Russie devrait probablement la tolérer ».

Même CNN l’admet maintenant à contrecœur : « La Russie est déjà de loin la plus grande puissance étrangère opérant en Syrie. Et le président Vladimir Poutine s’est allié avec le président syrien Bachar al-Assad pour mettre tout le poids de l’armée russe derrière l’armée syrienne. À présent, une opération turque visant à « éliminer » les forces kurdes de la zone frontalière avec le nord-est de la Syrie pourrait donner à Poutine une chance d’étendre l’influence russe – au grand dam des faucons US. »

Il est probable que le résultat de l’escalade actuelle dans le nord-est de la Syrie déterminera également l’enjeu final pour Idlib, dont la situation reste préoccupante. Cet enjeu offre une nouvelle opportunité à Poutine et Erdogan de trouver un terrain d’entente.

Entretemps, Trita Parsi du Quincy Institute a sans doute le mieux résumé la situation : « Il semble qu’Assad se joint aux Kurdes contre Erdogan. Les chefs des experts de Washington, qui adorent réduire les conflits géopolitiques à des batailles entre gentils et méchants, vont exploser... »

Tyler DURDEN

 https://www.zerohedge.com/geopolitical/compromise-or-genocide-putins-deal-century-rapidly-unfolding-syria

COMMENTAIRES  

15/10/2019 16:01 par sergio

Premièrement : Reuters n’est pas ce qu’on pourrait qualifier d’agence de presse impartiale, les Kurdes sont considérés comme des supplétifs (mercenaires) des Étasuniens (que certains qualifient d’alliés), et ont été grassement payé par les Étasuniens selon Trump. Là encore le président étasunien, Trump, ne dit pas tout, puisqu’effectivement les Étasuniens ont entrainé et armé (jusqu’aux dents) les Kurdes syriens, mais en se payant sur la bête, c.-à-d., en volant le pétrole et le gaz de l’Etat syrien (dont les Kurdes syriens ne sont qu’une des composantes ethniques), à leur profit ainsi qu’à celui de l’entité sioniste…
Deuxièmement : On peut gloser à l’infini sur les évènements actuels au nord-est de la Syrie, mais il faut garder en mémoire que les Etats-Unis d’Amérique du nord ont subi un très grave revers lors de *l’attaque houtis du 14 septembre 2019, (par 18 drones et 7 missiles de croisière, d’une précision absolue sur les cibles sélectionnées avec perspicacité – celles qui occasionnerons le plus de dégâts importants), des sites pétroliers d’Aramco : (le géant pétrolier saoudien Aramco, est la plus grande plateforme pétrolière au monde) et les installations situées à Abqaiq – à 200 kilomètres au nord-est de Khurais – qui abrite la plus grande usine au monde de traitement de brut. Avec cette attaque une véritable révolution stratégique c’est opérée ce jour là, révolution qui bouleverse définitivement toutes les vieilles stratégies guerrières de l’empire étasunien et de ses alliés occidentaux, ainsi que leurs quincailleries hors de prix, etc. Ils en auront pour plusieurs années à s’en remettre !, (la sortie plus que stupide du locataire élyséen concernant les Houtis, en dit long sur son ignorance crasse du monde tel qu’il est, ce qui laisserait supposer qu’il est le parfait crétin de service…) Ils devront courir après les avancée technologiques de certains Etats, tels l’Iran, la Corée du nord (de son vrai nom : République Populaire Démocratique de Corée (RPDC), etc. pour essayer de combler leur retard en la matière. La Russie et la République populaire de Chine (communiste) sont bien entendu, hors toutes catégories, tant leur avance technologique (avance qui s’étend à bien d’autres domaines) est effrayante !
Les Etasuniens se replient apparemment (?) en Irak (d’où leur activisme, via l’entité sioniste, pour une révolution de couleur, (plus de 100 morts et 6000 blessés) et les bombardements de six sites importants de dépôts de munitions, détenus les Hachd al-Chaabi, et les assassinats ciblés de leurs dirigeants (il est plus que probable, que les drones sionistes auraient pris leurs envoles depuis des bases étasuniennes, avec la complicité actives de SDF-YPG) ; les deux raisons évoquées en plus de la campagne électorale en cours seraient les vraies raisons du replis étasunien.
*cette attaque a requis des années de préparation (renseignements, stratégies, etc.) et à l’heure actuelle, (à moins d’un accord de dernière minute), cette attaque n’est qu’un préambule à d’autres attaques beaucoup plus destructrices !

Il est inutile de vous rappeler que les Iraniens ont fait très fort ces derniers temps en ce qui concerne leur défense aérienne, la création et la fabrication d’une "palette" étonnante de drones militaires de toutes catégories (certains capturés grâce à leur avance technologique en ce qui concerne la « guerre électronique »), voici ce qu’en dit l’un des spécialistes occidentaux en la matière :

« …La frappe d’Abqaiq est également une démonstration éclatante de la capacité de l’Iran à surprendre les États-Unis de manière stratégique, bouleversant ainsi ses plans politico-militaires. L’Iran a passé les deux dernières décennies à se préparer à une éventuelle confrontation avec ce pays. Le résultat est une nouvelle génération de drones et de missiles de croisière qui donne à l’Iran la capacité de contrer beaucoup plus efficacement tout effort étasunien visant à détruire ses ressources militaires, tout en lui permettant de cibler les bases étasuniennes à travers le Moyen-Orient. Les États-Unis ont, selon toute apparence, été pris par surprise lorsque l’Iran a abattu un drone de surveillance en haute altitude… Le système de défense aérienne de l’Iran a été continuellement mis à niveau, à commencer par le système russe S-300 qu’il a reçu en 2016. L’Iran a également dévoilé en 2019 son système de défense aérienne Bavar-373, qu’il considère comme plus proche du système russe S-400 convoité par l’Inde et la Turquie, que du système S-300. Ensuite, l’Iran a développé une flotte de drones militaires, ce qui a poussé un analyste à qualifier l’Iran de ‘superpuissance des drones’. Ses réalisations en matière de drones incluent, semble-t-il, le « drone furtif » Shahed-171 doté de missiles à guidage de précision, et le Shahed-129, qu’il a fabriqué à partir de l’engin étasunien Sentinel RQ-170 et du Prédateur MQ-1 ».

15/10/2019 21:21 par juan

pour répondre à l’auteur l’affaire est assez simple : retrait de toute les armées étrangères , factions étrangères ..du sol Syriens
il restera l"armée syrienne , les factions Syriennes , celle de la Russie qui a un accord avec la république de Syrie , les armées kurdes
Dans ces conditions un accord de fin de guerre serait envisageable , sans la Russie c’est évident la Syrie serait devenue une nouvelle Libye

16/10/2019 14:22 par Vagabond

En suivant ces événements meurtriers grâce aux informations qui nous parviennent et dont la source n’est pas absolument vérifiable, du moins à mon niveau, j’ai cru que c’était un coup de bluff pour permettre l’entente à 3 : Russie-Turquie-Syrie (dans l’ordre de l’impact de chaque pays proportionnel à sa puissance de frappe et son appartenance à l’Otan), pour neutraliser la menace kurde. Ils ont tout de même servi de carte à jouer aux USA et ont participé ou du moins profité de la tentative de dislocation de la Syrie. Les régimes en place ne vont pas oublier de sitôt cette trahison. Le modèle live irakien (dont le soulèvement populaire meurtrier est totalement occulté pendant que l’on s’extasie sur celui des algériens ou qu’on manifeste pour le Rojava).
Un coup de bluff avec autant d’innocents tués ?! Les chefs de guerre de toutes les factions en sont bien capables.
Les civils paieront toujours dans leur chair les ententes entre ces connards d’assasins.

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