Les événements politiques du moment ont une cohérence dans leurs continuités et dans leurs structurations sociétales. Cela demande une analyse qui va plus loin qu’un constat superficiel. Que ce soit dans les pays Européens, aux Etats-Unis ou en Amérique latine, l’extrême droite gagne des élections de premières importances et arrive même au pouvoir. Ainsi au Brésil, en Italie, aux EU, en passant par Israël, des électeurs de plus en plus nombreux ou motivés font élire des organisations et des hommes autoritaristes, à la pensée de droite réactionnaire. L’ampleur du phénomène met en évidence une tendance forte.
Dans de nombreux pays, les partis libéraux de droite ou venant de la gauche se font évincer au profit d’organisations d’ultra droite et même fascisantes. Cette réalité ressemble à un vieux remake historique post fasciste et nazi d’avant la deuxième guerre mondiale, de la République de Weimar, au très libéral gouvernement centriste en Italie post fasciste. Les crises économiques et morales font grossir un monstre, qui à bien des égards est la porte de sortie du capitalisme, palliatif à son incapacité à pérenniser son environnement économique et moral.
En effet, la montée du fascisme d’hier et d’aujourd’hui se fait dans le même contexte historique. Entre 1919 et 1922, l’Italie est en situation de grave crise économique et morale. La défaite de la première guerre mondiale a ruiné les finances de l’Etat. De plus, l’échec de la « campagne » guerre créé un choc psychologique important dans une frange de la population. Ceci se traduira chez certaines personnes par un besoin de trouver une explication à la situation et des coupables. L’aveuglement de ceux qui étaient partis en pensant, comme souvent, que la guerre n’allait pas durer, que la victoire serait éclaire et totale. Ils eurent besoin d’explications qui ne les culpabilisaient pas, qui n’étaient pas une remise en question de leurs engagements ni une remise en cause de leur choix, celui qui à conduit le pays au désastre. Ils trouvèrent des explications dans et par le mouvement fasciste.
L’Allemagne pré-Nazie est dans une situation économique désastreuse. Le pays ne compte pas moins de 6 millions de chômeurs et 8 millions de chômeurs partiels. Cmme en Italie post fasciste, l’humiliation de la défaite pèse lourdement sur le climat politique.
Dans les deux situations, la crise fait entrevoir une possibilité d’une révolution sociale ou plus simplement d’une révolte d’une partie importante de la population en prise à des difficultés quotidiennes et durables.
Les partis bourgeois traditionnels englués dans des solutions économiques qui ne parviennent pas à être une solution à la crise, font monter un mécontentement qui va être une aubaine pour l’extrême droite fasciste et nazie.
Les tenants de l’ordre vont s’appuyer sur la grande et la petite bourgeoisie, les banquiers, les industriels, dans leurs ascensions et leurs prises du pouvoir (cf le financement des nazis et des fascistes). La rhétorique des partisans de l’ordre va dans le sens des préoccupations de cette catégorie de la population, de la frange la plus réactionnaire et la plus pathologiquement inquiète par la situation des pays.
La rhétorique fasciste, d’extrême droite en général, est anxiogène, basée sur un sentiment de désagrégation réel ou fantasmé, sur la sublimation d’une violence réparatrice et émancipatrice. Mais bien sûr, il faut une justification. Celle-ci trouve son explication et sa justification dans des phénomènes de société bien souvent montés en épingle ou exagérés, quand ce n’est pas simplement inventés.
Le contexte apporte une crédibilité au propos qui dans d’autres situations ne trouvent que peu d’écoute attentive. De fait, l’extrême droite, en dehors des situations de démantèlement sociale, n’a qu’une présence minime dans toutes les strates de la population. Ce mouvement n’est qu’embryonnaire et peu ancré socialement.
L’histoire récente confirment cette réalité. A la sortie de la deuxième guerre mondiale, l‘extrême droite est discréditée, mais pas vaincue. Des groupuscules existent, changeant sur la forme plus que sur le fond pour séduire la population. La tentative de séduction restera des années sans résultat. Puis avec la montée du chômage, ces organisations trouveront une écoute et une adhésion bien plus importante. Il est intéressant de voir que la montée du chômage et la montée de l’extrémisme de droite sont deux courbes parallèles.
Les pays qui ne sont pas touchés par cette situation sont le Portugal et l’Espagne, deux pays qui dans l’histoire récente ont été gouvernés par l’extrême droite. Ces mouvements sont un repoussoir. L’Irlande est aussi épargnée par le phénomène, mais pas de régression économique dans ce pay. La crise de 2008 est vite passée et il n’y a pas vraiment de partis se réclamant de cette idéologie.
Dans les autres pays la situation est différente de la Grèce. En Pologne les partisans de l’ordre réactionnaire tiennent des discours antisystèmes, anticommunistes, anticorruptions... Des corrompus fustigent des corrompus et surtout prônent un changement radical, révolutionnaire.
Le contexte est à prendre particulièrement en compte. Dans une situation sociétale favorable à la population dans son ensemble, l’idée d’une révolution ne prend pas, les êtres humains qui sont en situation de stabilité financière et sociale n’aspirent pas à de grands bouleversements. Dans le système capitaliste, cette situation n’est jamais pérenne et les crises succèdent aux crises.
Dans les situations de crise deux phénomènes se produisent. Premièrement, la montée du mécontentement social de tendance communiste, d’ultra gauche, de socialisme radical, voir le spartakisme, le POUM, la CNT..., et un mécontentement sociétal (identitaire) d’extrême droite, fasciste, réactionnaire et rétrograde (le fascisme, le nazisme).
C’est deux entités politique, aux antipodes l’une de l’autre, sont bien sûr en concurrence : communisme et le fascisme. La raison la plus évidente est que ces deux idéologies ne trouvent pas leurs fondements dans la même analyse, les fascistes ou plus généralement l’extrême droite voit la source des problèmes d’une société, extérieurement à elle-même, là ou les socialistes au sens large du termes, (communistes, anarchistes et autres), voient dans ces dysfonctionnements sociétal, économique et autre, le fondement même des dysfonctionnements de la société.
L’objectif de ces deux groupes est en total opposition et cet antagonisme est révélateur de ce qu’est le fascisme. Il est une réaction de survie du capitalisme. En effet, cet organisme qui est à l’état embryonnaire en situation d’avant crise du système, prolifère, grossit et mue une fois la situation adéquate en place. Il recherche toujours en dehors de l’environnement de la société quels sont ceux qui sont à l’origine d’un événement. Par exemple : « les immigrés prennent le travail des Français », pas les patrons qui utilisent une main-d’œuvre en difficulté pour moins payer le fruit de leur travail. La corruption n’est pas le produit d’une incitation et donc d’une conjoncture, mais d’une décadence individuelle. On pourrait continuer longtemps, mais systématiquement le fascisme dénonce des comportements individuels, qu’il considère comme déviant.
En cela, il s’oppose à l’idée que l’environnement crée des situations, donc le fascisme est un faux mouvement révolutionnaire, mais un réel mouvement conservateur, qui cherche en dehors de l’économie et donc de la conjoncture les raisons des crises économiques.
En cela, il est dangereux car il ne peut être une solution aux problèmes liés à une crise n’en connaissant pas les causes ou en les ignorant volontairement.
On le voit au Brésil, ou l’extrême droite est allée jusqu’à inventer de fausses situations de corruption pour éliminer le socialisme, l’extrême droite est le barrage que dressent les pouvoirs de l’argent, contre les possibilités de toute réaction sociale.
De l’Amérique latine, aux Etats Unis, à Europe, à l’Afrique et bien d’autres encore, à chaque fois, que la situation économique peut créer une réaction antisystème, ou révolutionnaire, les tenants des intérêts du capital, s’appuient sur le fascisme pour éviter une révolution.
On est bien dans une configuration de réaction de préservation du capitalisme et de ses obligés, une offensive réactionnaire contre une possibilité de révolution sociale.
Olivier CORDEIL