L’intoxication des esprits est une réalité sociologique. Elle nous touche tout-e-s dans notre habitus, nos paradigmes, nos référentiels et nos jugements. Les idées reçues s’imposent puis se démodent dans une valse des moeurs au fil de l’histoire. Par exemple, j’avais déjà évoqué dans un précédent article que l’Écologisme s’était imposé comme idéologie dominante depuis la fin des années 1990, au détriment du tiers-mondisme parmi les élites occidentales, les artistes et les discussions du réveillon. Les idées dominantes ne sont pas forcément politiques. Elles concernent le social… ou le "sociétal" . Elles sont d’autant plus dangereuses lorsqu’elles deviennent politiques et classent des parts désignées de la population sur des critères ethniques, religieux, physiques, sociaux ou genrés. Les idées reçues facilitent la positon politique. Elles évitent la réflexion et l’objectivation. Additionnées, les idées reçues structurent des idéologies. Par exemple, si l’on postule que les pauvres sont responsables de leur situation et qu’ils auraient forcément pu s’en sortir, pourquoi légiférer pour améliorer leurs conditions de vies. Les idées dominantes sont les plus simples à diffuser et reposent sur les pires côtés de la nature humaine : la peur de l’autre, de l’étranger, de celui qui est différent, etc….
Pour prendre le pouvoir, l’ampleur de la tâche du Front de Gauche est colossale, mais réalisable et nécessaire. Ils nous faudra combattre cette intoxication des esprits pour convaincre et réaffirmer la pensée de Gauche en France. Voici 6 exemples d’intoxications nauséabondes des esprits :
1. La centralité du travail…
..nuit à l’équilibre social et psychologique. Une des victoires du capitalisme est de nous avoir transformés en force de travail avant d’être des humains. Nous devons désormais avoir honte d’aimer le repos, d’aimer les vacances, de souhaiter quitter tôt notre travail… La suspicion de la fainéantise règne. Elle culpabilise l’être humain au repos. Le chômeur est suspecté d’escroquerie, l’intermittent du spectacle est déconsidéré, le RSAiste un profiteur, l’instituteur un privilégié etc… Bien que le travail soit une source non négligeable d’épanouissement pour une partie privilégiée de la population, sa prédominance sur le temps libre et la culture ont des conséquences néfastes. Le climat de crise et de forte concurrence sur le marché du travail instaure une haute compétition entre les travailleurs, obligés d’accroître d’une part la qualité de leur production, puis la quantité de travail (lutte du temps de travail). Les envies de réussites socio-économiques et les difficultés économiques qui touchent les français ont placé le travail au coeur de tout le système social. Ronger par le stress, les rapports de forces, la concurrence, les individus en oublient d’être heureux, de respirer, d’être des amants, des intellectuels et des poètes.
2. L’individualisme et l’égoïsme social…
…sont devenus des fléaux pour notre société républicaine. Ils placent l’être humain au coeur de la société et l’émancipe de toute contrainte absolutiste mais le tiennent pour responsable de sa propre condition, de ses choix et de ses actes… Ainsi, le pauvre "s’il s’était battu" aurait forcément pu s’en sortir. Cette idéologie individualiste est non seulement, coupable de l’affaiblissement de l’État, de la destruction des services publics et de la sécurité sociale, mais elle démantèle par ailleurs notre lien social, distille une misère et une précarité intolérables que seule la solidarité peut combattre. Il faut en finir une fois pour toute avec cette méfiance honteuse vis-à -vis du pauvre et des victimes du libéralisme.
3. Le matérialisme et la production de masse…
…sont coupables de la destruction de notre planète. Ils mettent en péril la pérennité de notre espèce, de la nature et de notre qualité de vie. Ils suscitent par ailleurs l’exploitation des travailleurs par des capitalistes constamment à la recherche de coûts de production moins élevés. Les catastrophes environnementales se multiplient sur la planète, souillant les eaux, détruisant les forêts pour répondre aux besoins de la société de consommation. Face à l’urgence écologique, nous devons consommer de manière durable des produits à forte longévité et en finir avec obsolescence programmée (durée de vie courte d’un produit fixée dés l’origine par le producteur pour obliger les consommateurs à renouveler leurs biens matériels).
4. Cette stigmatisation intolérable des immigrés…
…doit cesser ! En temps de crise, le pessimisme anthropologique et l’individualisme sont plus porteurs. Les africains ne viennent pas piller notre pays. Les français doivent avoir conscience de la responsabilité de la France et de l’Occident dans la colonisation, les massacres d’abord puis les siècles d’exploitation de l’Afrique noire. Ces derniers ont permis à aux empires occidentaux de bâtir leur propre hégémonie sur le plan économique et commercial par l’appropriation de leurs matières premières, puis sur le plan militaire en mobilisant les troupes africaines lors des conflits armés. Expulser aussi froidement des individus venus chercher de quoi vivre en Europe est une honte. Ils cherchent à fuir une misère que nous essaierions nous-mêmes de fuir à leur place. De plus, d’un point de vue économique et comptable (même si raisonner comptablement sur ce sujet est odieux) l’immigration est très avantageuse pour la France. Les expulsions et les stigmatisations relèvent purement de l’idéologie et de la haine de l’étranger. Il faut commencer par livrer une bataille sans merci aux idées nauséabondes d’extrême droite qui ont littéralement envahi celles de la droite ! De toutes façons, comme partout en Europe, si nous ne nous battons pas sur le terrain des idées, nous finirons par avoir une extrême droite de pouvoir, installée dans une coalition.
5. Le pseudo-rationalisme économique…
…enferme les États dans le cercle vicieux de l’austérité et sert d’excuse au non partage des richesses ! Il constitue un frein majeur à la pensée alternative du Front de Gauche. Non tous les économistes ne sont pas néolibéraux ! "Comment on finance ? Qui va payer ? Les riches vont partir !" etc.. Tant de clichés se sont imposés grâce aux néolibéraux dont les paradigmes ont écrasé tous les autres à partir des années 1980. Tous les économistes ne sont pas partisans de la rigueur ! Ils ne sont pas tous monétaristes. La science économique n’impose pas l’austérité. Plusieurs écoles coexistent parmi lesquelles, les économistes atterrés jouent un rôle majeur de contrepoids dans l’analyse économique. Ils élaborent de véritables propositions alternatives et réalisent un travail admirable de déconstruction des idées reçues. Avec la crise de 2008, les défenseurs du protectionnisme et de l’étatisme économique ont commencé à reprendre une place importante dans la lutte idéologique qui frappe aussi le monde de l’économie politique.
6. L’anticommunisme primaire et le traumatisme à l’égard de l’échec des régimes communistes…
…ont éradiqué des programmes l’idée d’égalité ! L’égalité fait peur. Par une (r)évolution idéologique imprégnée d’individualisme et de matérialisme à outrance, l’égalité est même devenue injuste ! Elle ne prendrait pas en compte le mérite et la disparité des efforts au sein du processus de production… De par ses réalisations historiques, l’égalité est soupçonnée de provoquer l’immobilisme et d’empêcher le progrès social. En pratique, l’égalité a cédé sa place au concept d’équité. Ce traumatisme à l’égard des échec communistes, et de leur bilan humains désastreux a rendu excessive cette méfiance vis-à -vis de l’égalité. C’est pour cette raison que les luttes contre les inégalités ne sont plus le leitmotiv des partis socialistes Européens. Elles sont acceptées. Cette méfiance instaure un manque d’objectivité réel parmi les élites intellectuelles et les classes médiatico-politiques occidentales. Selon elles, même les socialistes démocratiquement élus en Amérique du Sud (Chavez, Correa, Morales etc..) deviennent des dictateurs sanguinaires dés lors qu’ils proposent un schéma de politique économique alternative. C’est absurde, mais réel. Il convient de réaffirmer les valeurs d’égalitarisme en France. Il faut rappeler que le but de toute politique publique et de l’éducation républicaine est de corriger l’absence d’égalité des chances à la naissance, et tout au long de la vie des être humains.
Michael KURTIS