RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Dépassement et effondrement du système mondial ?

On n’a jamais parlé autant qu’aujourd’hui, dans tous les pays et forums, de développement-croissance. C’est une obsession qui nous accompagne depuis au moins trois siècles. Maintenant que s’est produit l’effondrement économique, l’idée est revenue avec une vigueur renouvelée -parce que la logique du système ne permet pas d’abandonner cette idée-matrice sans s’autodétruire. Malheur aux économies qui ne parviennent pas à restaurer leurs niveaux de développement-croissance !
Elles vont succomber, et cela sera éventuellement accompagné d’une tragédie écologique et humanitaire.

Mais nous devons le dire bien clairement : reprendre cette idée est un piège dans lequel tombe la majorité, y compris Benoît XVI dans sa récente encyclique Caritas in veritate consacrée au développement. Cela peut se vérifier presque de manière unanime dans les discours des représentants des 192 peuples présents à la réunion de l’ONU, fin juin. La grande exception, qui a suscité l’étonnement, a été le discours d’ouverture et de clôture du président de l’Assemblée Générale Miguel d’Escoto, qui a pensé plus avant à la logique d’un autre paradigme de relation Terre-Vie-Humanité, subordonnant le développement au service de ces réalités centrales. Pour le reste, on n’entendait pas autre chose : il faut reprendre le développement-croissance, sinon la crise va s’éterniser.

Pourquoi dis-je que c’est un piège ? Parce que pour atteindre les taux minimaux prévus de développement-croissance de 2% par an, nous aurions besoin d’ici peu de deux Terres égales à celle que nous avons. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’ex-président français Jacques Chirac qui l’a exprimé lorsque le GIEC [1] a publié, le 2 février 2007 à Paris, le rapport sur le réchauffement global. Entre autres Edgard Wilson, le célèbre biologiste, et James Lovelock, l’auteur de la théorie de la Terre Gaï [2] le répètent fréquemment. La Terre est en train de donner des signaux évidents de stress généralisé. Il y a des limites qui ne peuvent être dépassées.

Le Secrétaire de l’ONU Ban-Ki-Moon a récemment signalé aux peuples que nous avions seulement environ dix ans pour sauver la civilisation humaine d’une catastrophe écologique planétaire. Dans un récent numéro de la revue Nature, un prestigieux groupe de scientifiques a publié un rapport sur « Les limites de la planète » (planetary boundaries) dans lequel ils affirment que nous sommes arrivés, dans plusieurs écosystèmes de la Terre, au point de non-retour (tipping point) en ce qui concerne la désertification, la fonte des calottes polaires et de l’Himalaya, et l’acidité croissante des océans. Il convient de citer ici, à mon avis, l’étude la mieux fondée des auteurs du légendaire The Limits to Growth (trad.fr. Halte à la croissance ? Rapport sur les limites de la croissance, Fayard, 1973) du Club de Rome en 1972 : D. Meadows et J. Randers. Le titre de leur livre de 1992 donne un signal d’alarme : Beyond the Limits. Confronting Global Collapse, Envisioning a Sustainable Future (non traduit en français).

La thèse de ces auteurs est que l’accélération excessive du développement-croissance des dernières décennies, de la consommation et du gaspillage, nous ont fait connaître les limites écologiques de la Terre. Il n’y a pas de technique ni de modèle économique qui garantisse la durabilité du projet actuel. L’économiste Ignacy Sachs, un ami du Brésil, un des seuls qui proposent un éco-socio-développement, commente : « On ne peut exclure l’idée que, par excès d’application de rationalité partielle, nous terminions dans une ligne d’irrationalité globale suicidaire » (« Forum », juin 2009 p.19). J’ai déjà affirmé dans cet espace que la culture du capital a une tendance suicidaire. Il préfère mourir que changer, entraînant d’autres avec lui.

Les énonciateurs de la vision systémique appellent ce phénomène dépassement et effondrement. C’est-à -dire que nous dépassons les limites et que nous nous dirigeons vers un effondrement.

Serais-je pessimiste ? Je réponds avec José Saramago : « Je ne suis pas pessimiste, c’est la réalité qui est désastreuse ». Effectivement : ou nous quittons le bateau du développement insoutenable en direction de ce que la Charte de la Terre appelle « un mode de vie durable » -ce que les Andins appellent « le bien vivre »-, ou nous allons devoir accepter le risque d’être écartés de cette planète.

Mais comme l’univers est fait de virtualités non encore tentées, espérons qu’en apparaitra une qui nous sauve tous.

Leonardo Boff

Traduit par Thierry Pignolet. Édité par Fausto Giudice

Source : Extrapolação e colapso do sistema mundial ?

Article original publié le 17/7/2009

Sur l’auteur

Thierry Pignolet et Fausto Giudice sont membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traduction est libre de reproduction, à condition d’en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur, le traducteur, le réviseur et la source.

URL de cet article sur Tlaxcala

[1GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (en anglais : IPCC, Intergovernmental Panel on Climate Change)

[2L’hypothèse Gaïa, appelée également hypothèse biogéochimique, est une hypothèse scientifique avancée par l’écologiste anglais James Lovelock en 1970 selon laquelle l’ensemble des êtres vivants sur Terre serait comme un vaste organisme (appelé Gaïa du nom du Titan de la mythologie grecque personnifiant la Terre) réalisant l’autorégulation de ses composants pour favoriser la vie (wikipedia).


URL de cet article 9088
  

Boycott d’Israel. Pourquoi ? Comment ?
Nous avons le plaisir de vous proposer cette nouvelle brochure, conçue pour répondre aux questions que l’on peut se poser sur les moyens de mettre fin à l’impunité d’Israël, est à votre disposition. Elle aborde l’ensemble des problèmes qui se posent aux militants, aux sympathisants, et à l’ensemble du public, car les enjeux de la question palestinienne vont bien au-delà de ce que les médias dominants appellent le "conflit israélo-palestinien". Dans le cadre de la campagne internationale BDS (Boycott (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Avec une bonne dose de peur et de violence, et beaucoup d’argent pour les projets, je pense que nous arriverons à convaincre ces gens que nous sommes là pour les aider."

Un commandant a expliqué la logique derrière les mesures extrêmement répressives
(prises par les forces d’occupation pour faire régner l’ordre en Irak)
[New York Times, Dec. 7, 2003]

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
L’UNESCO et le «  symposium international sur la liberté d’expression » : entre instrumentalisation et nouvelle croisade (il fallait le voir pour le croire)
Le 26 janvier 2011, la presse Cubaine a annoncé l’homologation du premier vaccin thérapeutique au monde contre les stades avancés du cancer du poumon. Vous n’en avez pas entendu parler. Soit la presse cubaine ment, soit notre presse, jouissant de sa liberté d’expression légendaire, a décidé de ne pas vous en parler. (1) Le même jour, à l’initiative de la délégation suédoise à l’UNESCO, s’est tenu au siège de l’organisation à Paris un colloque international intitulé « Symposium international sur la liberté (...)
19 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.