Dettes publiques : Au-delà de la mise en scène…

De négociations en négociations, la crise grecque nous tient en haleine depuis de nombreuses semaines. Pourtant hier soir le parlement grec a validé l’accord qu’Alexis Tsipras aurait présenté aux partenaires européens et autres FMI. Accord 100% en faveur de l’industrie financière transnationale.

Pourtant le peuple avait voulu croire en Alexis Tsipras. Son initiative pour la tenue d’un référendum a créé de l’espoir au-delà des frontières grecques. On a voulu y croire. Mais non, Alexis Tsipras se rend et il a fait se rendre avec lui toutes les petites gens qui ont lié leur sort à sa capacité de négociateur. A sa capacité de tenir ses promesses électorales.

Mais Tsipras n’est pas la bonne personne. Nous l’avions déjà supposé à la lecture de son programme de fin juin. Aucune surprise donc. Portant le malaise grandit toujours plus dans le coeur des peuples. Et pas que des petits retraités. Les politiciens de tout bord semblent briller par leur impuissance. Le rôle tenu par la gauche malmenée aujourd’hui en Grèce mais hier en France et avant-hier ailleurs montre bien que la pseudo division droite-gauche a fait long feu et qu’aujourd’hui la réalité est ailleurs. Au-delà de la scène...

La réalité pure et dure est que les financiers privés et transnationaux ont pris le pouvoir politique. Ces financiers qu’hier il fallait soit-disant sauver de la faillite avec les maigres deniers publics et qui depuis ont fait exploser leurs indicateurs boursiers et leurs bonus. Ces financiers qui font ployer la Grèce, la France, l’Espagne et un bon nombre de pays sous les conséquences de leur sauvetage. Ces financiers qui sont partis poursuivre leurs malveillances ailleurs sur la planète et qui en ce moment-même font boire la très grosse tasse à l’Asie. Ces financiers insatiables qui en veulent toujours plus et qui ne sont limités par aucune règle morale ou éthique. Ces financiers qui confondent stratégie et gains, humanité et austérité, loyauté et trahison, justice et iniquité. Ce sont en réalité ces individus qui tirent les ficelles derrière les scènes médiatiques.

Ils ne s’exposent pas – encore – en direct. Ils utilisent des personnalités politiques qui peuvent être acceptées par l’inconscient collectif du peuple qu’ils honnissent.

Pourtant ce sont eux les boss. Leur dictature est déjà en place grâce à un circuit financier unique de très haute performance et qui passe au-dessus des Etats-Nations. La loi nationale est la leur. Aucun vote, référendum ou autre élection ne leur résistent. Il leur suffit de fermer le robinet et le pays est asphyxié.

On a vu hier à Chypre, puis aujourd’hui en Grèce, qu’ils ont le pouvoir de vie et de mort sur une économie nationale. Ils ont un pouvoir équivalent à celui d’une armée régulière. Ils ont le pouvoir de décréter un embargo. Rien de moins. Car aujourd’hui, il s’agit bien d’un embargo financier – et donc économique – que vivent les Grecs. Une honte absolue et innommable tant elle est méprisable.

Ces financiers sont les patrons de l’Allemagne endettée de plus de 2 170 000 000 000 d’euros. Certains ont même dit dans le cadre d’un reportage sur Arte le 28 juin 2012 qu’il fallait ajouter aux 2 000milliards de l’époque 5 000 pour se rapprocher de la réalité, soit 270% de son PIB de 2012 !!!

Cette fortune colossale, l’Allemagne la doit aux banques privées et centrales (qui sont aussi privatisées pour la plupart). Cette dette est partie dans des produits financiers que seuls les ordinateurs peuvent encore appréhender. Par conséquent l’Allemagne, tout comme la France, l’Italie, l’Espagne ou d’autres, ne s’appartient déjà plus. Quand elle négocie, elle est une intermédiaire entre l’industrie transnationale et les Grecs. Même la banque centrale grecque n’appartient plus au pays. C’est un hedge fund du groupe Carlyle qui en est le deuxième actionnaire. Or, c’est cette banque centrale grecque qui gère hors bilan pour 170 milliards d’avoirs grecs, dont les capitaux des malheureux retraités qui cherchent à grappiller quelques euros là où ils le peuvent.

L’embargo de la finance transnationale contre le peuple grec est un acte de guerre. Alors par pitié laissons tomber les mots « partenaires », « accords », « aide » etc.

Rien n’est plus faux.

Il faut parler de hold-up, d’humiliation, de crime contre l’humanité et, surtout et avant tout, de spoliation.

Il ne faut surtout pas s’y tromper. La dette publique telle que fabriquée actuellement repose sur 3 piliers contestables et contestés :

1. Tous les pays du monde ont officiellement renoncé à se faire financer par leur banque centrale. Un mur a été érigé entre les banques centrales et les gouvernements de sorte que les pays sont condamnés à aller chercher leur financement auprès du privé.

2. Un gouvernement doit ainsi aller chercher le financement de sa dette auprès d’un marché privé libre de lui fixer les conditions et les coûts. Aucun des gouvernants qui a admis ce point de vue ne l’aurait accepté pour ses affaires privées. On invoque la liberté des marchés pour justifier la chose. Or, rien n’est moins libre que les marchés financiers cartellisés, pour ne pas dire monopolistiques. Ils sont manipulés et même planifiés comme le plus zélé des régimes totalitaires.

3. Ce point est le pivot de la forfaiture qui n’a que trop duré. L’octroi du pouvoir de la création monétaire à l’industrie financière. Les banquiers fabriquent des quantités illimitées de monnaie créées à partir des dettes et donc aussi des dettes publiques. Le travail et le patrimoine des citoyens en sont la consistance et la caution.

Les dettes publiques européennes ont clairement permis de donner de la consistance à une monnaie bancaire illégitime qui ne repose que sur les actifs de l’emprunteur (débiteur). Elle est même illégale dans la mesure où cette monnaie scripturale n’est pas reconnue par la législation.

Il est aussi à souligner que l’argent des dettes publiques récupéré par les banques a servi à partir à la conquête de l’Asie (cf les chiffres phénoménaux des investissements directs à l’étranger sont disponibles dans les statistiques de CNUCED ; banques centrales, BM, FMI). Les dettes publiques ont permis l’expansion mondiale de l’industrie financière transnationale. Quand cette industrie exige la privatisation du patrimoine et des services publics dans le cadre d’une austérité, elle ne fait qu’accroître la pression sur l’économie réelle locale avec pour conséquence une augmentation des déficits publics. La croissance de la dette publique est alors garantie avec pour conséquence une croissance de l’assise de l’industrie financière transnationale.

Ces gigantesques dettes publiques sont l’assise qui a permis à certains acteurs de la finance transnationale de s’approprier le monde en le financiarisant.

En conclusion, la crise des peuples est le moteur de croissance de l’industrie financière transnationale. En réalité, une bonne partie des dettes publiques est en fait totalement illégitime et injustifiée. Le processus qui permet le siphonnage du peuple par la finance transnationale que parce que certaines élites ont trahi leur mission de représentants du peuple.

Les dettes publiques ne font qu’effondrer les Etats pour mieux instaurer un Etat transnational en mains exclusives des financiers privés. Qui veut pour ses enfants de cet avenir qui mène assurément à l’esclavage ? Quel est l’homme ou la femme d’Etat qui va aujourd’hui se lever et s’y opposer avec tous les risques que cela comporte ?

En tout cas pas Alexis Tsipras...

 https://lilianeheldkhawam.wordpress.com/2015/07/10/dettes-publiques-au-dela-de-la-mise-en-scene-par-liliane-held-khawam/

COMMENTAIRES  

15/07/2015 09:59 par Christophe

On a mis de grand espoir (peut-être trop) dans Alexis Tsipras, mais la Grêce reste un très petit pays, sans grand poids financier ou économique. De plus, ce pauvre Tsipras n’a trouvé de soutien nulle part, en aucun dirigeant européen. Peut-être ne faut-il pas le lapider trop vite.
Par contre, il est vrai que j’ai trouvé assez étonnant cet accord (cet abandon ?) après la victoire du non au référendum. J’aurais pensé que fort du soutien du peuple grec il aurait été jusqu’au bout (mais au bout de quoi ?).

Il y a en Europe, depuis quelques décennies, une véritable faillite politique qui se terminera mal pour tout le monde (l’histoire se répète sans cesse). J’ai entendu dire (ou lu), que les gens (les peuples) ont les hommes politiques qu’ils méritent. Je ne crois pas que nous avons mérité ceux que nous avons.

15/07/2015 10:03 par résistant

Enfin un article lucide sur la Grèce et l’Europe. Il était temps, j’avais la nausée de lire tous ces textes de fanboys.
Oui Tsipras et tous ses homologues (droite, gauche ou autre) en Europe sont des leurres, ils ne servent qu’à neutraliser les oppositions et les colères, au même titre que les leaders syndicalistes de tous bords.
Oui ce sont les banquiers qui ont tous les pouvoirs. Commenter telle ou telle action ou parole d’un politicien, quel qu’il soit, n’est que de la masturbation intellectuelle stérile. Les politiciens visibles, autorisés sur les médias mainstream ne sont que des marionnettes.
Si vous voyez quelqu’un régulièrement à la télé, qui que ce soit, quoi qu’il dise, ne le croyez pas : il fait partie du système ! C’est pourtant simple, non ?
Toute proposition qui n’est pas assortie d’une sortie claire et nette de l’UE et de l’euro n’est que du pipot.
Le plus ironique, dans cette histoire, c’est que les dirigeants des "oppositions" au système sont soit les plus naifs d’entre nous, soit les plus menteurs.
Arrêtez de vous raconter des contes de fées et ayez enfin le courage d’ouvrir les yeux, §%&* # !

15/07/2015 11:13 par marc

il y a suffisamment d’éléments sérieux en jeu pour ne pas divaguer

le parlement grec a voté "hier"..... quand ????? quoi ???
notre ennemi c’est la finance, j’ai déjà entendu quelque-part,

15/07/2015 13:14 par Pierre M. Boriliens

Bonjour,

On semble toujours redécouvrir la lune ! Voilà un texte écrit il y a environ 150 ans :

« Le système du crédit public, c’est-à-dire des dettes publiques, dont Venise et Gênes avaient, au moyen âge, posé les premiers jalons, envahit l’Europe définitivement pendant l’époque manufacturière. Le régime colonial, avec son commerce maritime et ses guerres commerciales, lui servant de serre chaude, il s’installa d’abord en Hollande. La dette publique, en d’autres termes l’aliénation de l’État, qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain, marque de son empreinte l’ère capitaliste. La seule partie de la soi-disant richesse nationale qui entre réellement dans la possession collective des peuples modernes, c’est leur dette publique. Il n’y a donc pas à s’étonner de la doctrine moderne que plus un peuple s’endette, plus il s’enrichit. Le crédit public, voilà le credo du capital. Aussi le manque de foi en la dette publique vient-il, dès l’incubation de celle-ci, prendre la place du péché contre le Saint-Esprit, jadis le seul impardonnables.

La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle doue l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée. Les créditeurs publics, à vrai dire, ne donnent rien, car leur principal, métamorphosé en effets publics d’un transfert facile, continue à fonctionner entre leurs mains comme autant de numéraire. Mais, à part la classe de rentiers oisifs ainsi créée, à part la fortune improvisée des financiers intermédiaires entre le gouvernement et la nation - de même que celle des traitants, marchands, manufacturiers particuliers, auxquels une bonne partie de tout emprunt rend le service d’un capital tombé du ciel - la dette publique a donné le branle aux sociétés par actions, au commerce de toute sorte de papiers négociables, aux opérations aléatoires, à l’agiotage, en somme, aux jeux de bourse et à la bancocratie moderne. »

Karl MARX : Le Capital - Livre premier
Le développement de la production capitaliste
VIII° section : L’accumulation primitive
Chapitre XXXI : Genèse du capitaliste industriel

Et la "mondialisation" et ses effets sont décrits en toutes lettres dans le Manifeste du Parti Communiste...

15/07/2015 15:04 par marc

la majorité des membres de la commission centrale de Syriza (109) se déclarent contre l’accord obtenu par un coup d’état de l’’Europe.

http://kinisienergoipolites.blogspot.fr/2015/07/106.htm

15/07/2015 15:40 par depassage

Merci Pierre M. Boriliens. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les gens se laissent dorloter par les mensonges et les promesses vides, surtout ceux qui assument une fonction de clerc et qui se croient intellectuels, alors qu’ils ne sont que des intello-écuelles. On ne peut pas le leur en vouloir, le ventre l’exige, mais on peut leur en vouloir leur étonnement lorsque la brise calme et douce qui les rassure se transforme en siroco. On s’est bien moqué de la dictature du prolétariat, alors qu’il n’était qu’un concept qui répondait à un autre plus horrible. Mais il n’était bien compris n’est par ses partisans, ni par ses contradicteurs. D’ailleurs, il est peu probable qu’il soit compris un jour, à moins que l’homme dépasse sa nature de mystificateur invétéré et d’aliénateur (détourneur) de la réalité.

15/07/2015 19:17 par Feufollet

Ceux qui se donnent les moyens de s’informer
Pressentent bien l’ampleur du hold-up de la finance sur les peuples
Dès lors, comme moi, beaucoup espérait que la Grèce de Syriza
Mettrait le feu aux poudres contre cette infamie
Il n’a, Ils n’ont, pas osé prendre ce risque. Pourquoi ? ?
Le saura-t-on un jour ? Était-ce à ce point suicidaire ?
Ont-ils, sous la menace, renoncer au risque d’une pire catastrophe sociale ?
Ont-ils sauvé leurs peaux au propre et au figuré ?
La réponse pourrait bien rester un moment dans les oubliettes de l’histoire
Quand je pense qu’on est passé à côté du feu d’artifice
J’enrage contre le désengagement citoyen européen
Un euros par jour pendant cinq ans pour dix millions d’européens
Aurait été notre coût pour ce feu d’artifice
Mais l’artificier Tsipras ne disposait pas de notre garantie financière
Faut payer. Même une révolution ça se paie.
Un peuple ça mange dans tous les cas.

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