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Enfin la tête du général libyen Younis ! (Article suivi de : Le District Attorney Vance aura-t-il le cran de poursuivre DSK ?)

C’est sûrement un des échecs stratégiques les plus marquants de l’histoire pour les experts militaires et ceux des services secrets. En mars, après la seconde résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU utilisée par l’OTAN pour lancer sa campagne de bombardements, ils avaient affirmé que Tripoli et Kadhafi tomberaient dans les deux ou trois semaines. Cela ne faisait aucun doute pour la droite comme pour la gauche, mais pas pour votre serviteur.

Et pourtant le Guide est toujours là et fait des discours à Tripoli à des assemblées, entouré du sixième de la population libyenne, pendant qu’à l’autre bout du pays il semble qu’une faction de Benghazi, celle de Mustapha Abdul Jalil, le chef de Conseil National de Transition rebelle vienne d’assassiner Abdel Fatah Younis, le commandant libyen des forces rebelles.

Il y a plusieurs versions de l’événement mais aucune d’entre elles n’accorde le moindre crédit à la timide suggestion initiale de Jalil selon laquelle les hommes de Kadhafi en seraient responsables. Une version dit que Younis a été arrêté parce qu’il avait ouvert des négociations secrètes avec Tripoli (ce qui est probablement vrai) puis emmené dans le désert pour y être exécuté avec les deux colonels de sa garde ; une autre qu’il a été torturé à mort à Benghazi. D’une manière ou d’une autre cela a rendu caduque la lettre que le sénateur John McCain a écrite à Jalil pour lui dire que les rapports de sérieuses violations des droits de l’homme par les rebelles affaiblissaient le soutien du Congrès pour l’attaque de l’OTAN.

On commence à recevoir des vidéos et des récits qui montrent le vrai comportement des rebelles et leur pratique de la torture et des exécutions de prisonniers et de personnes suspectées d’être loyales à Kadhafi sans parler de la remise en vigueur de l’obligation faite aux femmes de porter la burka et autres manifestations de fondamentalisme fanatique parmi les clients de l’OTAN.

Le jour même où la nouvelles du meurtre de Younis est arrivée, l’Angleterre a reconnu les rebelles comme le gouvernement légitime de la Libye et a donné son accord pour qu’il s’installe dans les locaux du gouvernement libyen à Londres. On dirait qu’il y a aussi une guerre civile à Londres car William Hague, le secrétaire aux affaires étrangères, a cessé de s’opposer catégoriquement à des négociations avec Tripoli. En guise de remerciements pour avoir ordonné à ses hommes de cribler Younis de balles, Jalil s’est empressé de réclamer les 25 milliards de dollars de fonds du gouvernement libyen que l’OTAN avait gelés qui, si on leur donne, ce dont je doute fort, finiront dans les comptes en banque privés des rebelles ainsi sans doute que dans les comptes privés de l’OTAN ; tout cela était prévu depuis le début et c’est pourquoi Benghazi a ouvert une "banque centrale libyenne".

C’est une des grandes humiliations de l’histoire de l’OTAN (et aussi pour être mesquin, un coup terrible porté à la réputation de perspicacité analytique et politique du meilleur agent de propagande des cercles progressistes en faveur des rebelles, le professeur Juan Cole, dont les blogs sur la Libye ont pris un tour de plus en plus dément au fil des événements). Incidemment ils continuent d’appeler Kadhafi à "se retirer". Sur le plan constitutionnel que l’OTAN se doit de prendre en considération, je pense qu’il l’a fait il y a quelque temps.

Alexander Cockburn.

* * *

DA Vance aura-t-il le courage de poursuivre Strauss-Kahn ?

Y avait-il au monde un homme à l’air plus guilleret que Dominique Strauss-Kahn il y a un mois et une femme plus pétulante qu’Anne Sinclair, la loyale épouse qui tenait son bras ?

Les accusations de viol qui avaient ruiné le projet de chef du FMI de devenir président de la république française étaient en lambeaux, anéanties par un article brutal du New York Times (de Jim Dwyer, William Rashbaum and John Eligon), dans lequel deux officiels anonymes des services d’ordre qui s’exprimaient soi-disant séparément, si l’on en juge par les trois sous-titres, ont dit que la victime présumée était une menteuse avérée et que les écoutes téléphoniques avaient révélé qu’elle avait dit à un ami, un dealer de drogues emprisonné, qu’elle espérait obtenir de gros dédommagements. Les fuites ont été soigneusement orchestrées pour arriver au Times le 30 juin, être publiées le Ier juillet bien que la nouvelle ait commencé à circuler le jeudi soir. Cela signifie que l’Opération Destruction de Diallo a dominé l’information pendant tout le week-end avec seulement un commentaire sans grande force de l’avocat de Diallo, Ken Thompson, le mardi 5 juillet suivant.

Puis tout de suite, un autre article est paru dans le New York Post affirmant, sur la base d’une autre source anonyme, que Diallo était une prostituée professionnelle.

Des informations émanant du bureau du procureur général Cyrus Vance Jr prédisaient que les accusations contre DSK étaient en passe d’être abandonnées ou réduites à une simple incartade. De France est arrivée la nouvelle que DSK pourrait renouveler sa candidature à la présidence française dès que le dossier de New York serait classé.

Mais maintenant, un mois plus tard, on peut dire que DSK est dans une situation pire encore si possible que celle où il était quand il a été arrêté à New York et emmené dans l’île de Rikers sous l’inculpation de viol.

D’abord l’écrivaine française Tristane Banon a réitéré ses accusations selon lesquelles il y a huit ans DSK avait fermé à clé la porte et avait sauté sur elle au cours d’un interview, qu’elle avait échappé de justesse à un effrayante attaque physique et qu’il était comme "un chimpanzé en rut".

Un vif assaut de comparaisons a rapidement suivi quand on a rapporté que la mère de Tristane, Anne Mansouret, aurait dit à la police française, qu’en 2000 elle avait eu un rapport sexuel consenti mais "indubitablement violent" avec DSK dans un bureau de l’OCDE au cours duquel il s’était comporté comme un sale ivrogne, ne se souciant que de satisfaire ses besoins dont le plus important était le besoin de "dominer".

C’était un crochet du droit dans le style de Wendi Deng* dans la figure des avocats de DSK qui avaient affirmé que l’ancien directeur du FMI était peut-être incapable de garder son pantalon fermé mais qu’il n’était pas violent.

L’impression générale selon laquelle DSK mériterait de figurer dans la prochaine édition de Psychopathia Sexualis de Krafft-Ebing a été renforcée par de nouveaux récits selon lesquels Diallo aurait été la troisième personne avec qui il aurait eu un rapport -ses avocats disent que le rapport sexuel avec Diallo était "consenti"- dans les heures précédent son départ du Sofitel.

Et maintenant Diallo a donné des interviews à Newsweek et ABC, que le responsable expérimenté de l’agence Newsweek de Paris a qualifié de "convaincant", sur ce qui était lui arrivé dans la suite de DSK : elle aurait été attaquée par un homme nu aux cheveux blancs sortant de sa douche, il l’aurait forcée à se mettre à genoux et aurait introduit son pénis dans sa bouche, puis éjaculé sur son uniforme et elle aurait alors craché le sperme sur le tapis où il a été recueilli par la police mêlé à sa salive quand cette dernière a relevé les traces d’ADN.

J’ai toujours pensé que les avocats de Diallo ne lui rendaient pas service en la cachant. Diallo est une femme d’origine africaine de 32 ans, solide et d’aspect agréable dont la forte poitrine a probablement attiré l’attention de DSK. Si elle était apparue en public dès le début, il aurait été plus difficile de la salir dans le New York Times.

Le 7 juillet le NYT a reconnu que le laps de temps enregistré par la clé électronique de Diallo était incompatible avec la théorie selon laquelle elle serait bizarrement allée nettoyer une suite voisine. En fait entre 10H30 et 11H30 la femme de chambre a utilisé sa carte pour entrer trois fois dans la suite voisine 2820.

A 12H06 elle a utilisé sa carte pour rentrer dans la suite 2806 de Strauss-Kahn.

A 12H26 elle a utilisé sa carte pour rentrer à nouveau dans la chambre 2820, puis dans la même minute elle l’a utilisé pour rentrer à nouveau dans la suite 2806.

A 12H28 Strauss-Kahn était parti après avoir payé sa note.

Mais voici comment Kenneth Thompson, l’avocat de la femme de chambre, décrit ce qui s’est passé, dans le Blog de Droit cité et commenté par le Wall Street Journal :

La femme de chambre a nettoyé la suite 2820 pendant une heure et demi. Elle a dû entrer et sortir plusieurs fois pour aller à la lingerie, ce qui explique les trois utilisations de la carte pour cette chambre.

Les suite des VIP sont vastes et cela prend du temps de les nettoyer. Ces suites doivent "étinceler", dit Thompson dans le Blog de Droit.

Elle a terminé son travail et pendant qu’elle attendait que le superviser vienne inspecter la chambre, elle a vu la personne responsable du service des chambres sortir de la 2806.

Elle lui a demandé si la chambre était vide et il lui a dit qu’elle l’était. Elle est alors entrée dans la suite ce qui explique l’heure de 12H06 enregistrée sur la carte. L’attaque aurait eu lieu à ce moment-là .

Elle est sortie de la chambre et est restée dans le couloir parce qu’elle ne savait pas quoi faire, selon Thomson.

Pendant qu’elle attendait son superviseur (qui n’était toujours pas là ) Strauss-Kahn se serait habillé rapidement et elle l’aurait vu quitter la chambre et entrer dans l’ascenseur selon Thomson.

Apparemment désorientée, elle est retournée une minute dans la suite 2820, est ressortie, est retournée à la suite 2806 a mis sa carte dans la porte et l’a ouverte.

Son superviseur est arrivé peu après et l’a trouvée dans le couloir, prés de l’ascenseur selon Thomson. Ils sont retournés dans la suite 2806 ensemble et la plaignante aurait dit au superviseur : "Les clients peuvent-ils faire tout ce qu’ils veulent dans cet hôtel ?"

Les accusations du New York Post de Murdoch selon lesquelles elle serait une prostituée paraissent tendancieuses, provenir de l’équipe qui défend DSK et ne reposer sur aucune base sérieuse.

Le District Attorney (DA) Vance se trouve maintenant dans une position délicate. Lui qui doit son poste à des gros capitalistes libéraux a accusé le violeur présumé DSK avec précipitation en imposant des conditions drastiques de mise en liberté provisoire. Puis quand il s’est rendu compte que Diallo avait quelque peu menti aux officiels de l’immigration pour augmenter ses chances d’obtenir un statut légal aux USA, il est arrivé une de ces deux choses suivantes :

Soit Vance a paniqué et c’est lui qui a donné le feu vert aux fuites du New York Times, soit des ennemis dans son propre bureau ou dans la police new-yorkaise ("officiels des services d’ordre" est un terme assez vague pour convenir à beaucoup de monde) -peut-être dénichés par l’équipe étasunienne de DSK qui comprend des ex-officiers de la CIA de la firme de relations publiques TD International que DSK emploie- ont décidé de lui couper l’herbe sous le pied en faisant fuiter une histoire hautement préjudiciable à Diallo dans le Times.

Si c’est le DA qui a laissé fuiter l’histoire, alors on peut se demander pourquoi, si le coup de fil entre Diallo et son ami ivoirien incarcéré contenait des informations compromettantes, ces informations ne sont pas reprises dans la lettre que le District Attorney a écrite aux procureurs dans laquelle il mentionnait des faits qui entamaient la crédibilité de Diallo. Si le District Attorney savait que l’information concernant le coup de fil à la prison qui était dans toute la presse pendant le week-end était fausse et préjudiciable à son affaire, pourquoi n’a-t-il pas convoqué d’urgence une conférence de presse pour la réfuter ? Pareillement pour l’histoire de la prostitution : pourquoi le DA n’a-t-il pas fait une conférence de presse pour la réfuter ? Comme il n’a rien dit, on peut penser qu’il participait de plein gré à la campagne de diffamation contre son propre témoin.

Thompson pourrait avoir donné les relevés bancaires et les feuilles d’impôts de Diallo à la défense qui les a ensuite remis au District Attorney sans dire qu’ils venaient de Thomson. En fait l’IRS (Internal revenue Service) et la banque ne peuvent fournir ces documents sans autorisation légale et comme la victime n’a pas été arrêtée par le District Attorney, comment aurait-il pu se procurer ces documents sans pouvoir signifier un subpoena (injonction judiciaire) ?

Il y a des signes que le Times s’est senti un peu embarrassé d’avoir servi de cadre aux attaques du 30 juin contre Diallo car son article de la semaine dernière donne des détails sur le compte-rendu fallacieux de la conversation téléphonique de Diallo en Fulani avec son ami en prison qui avait pour but de discréditer Diallo et de la réduire au silence en la faisant passer pour une menteuse et un maître chanteur. Incidemment Ce que Pam Martens a écrit sur notre site CounterPunch le 17 juin est maintenant confirmé. Par l’intermédiaire du NYT, Thomson, l’avocat de Diallo, a rencontré les avocats de DSK pendant que l’accusation montait son dossier comme Alan Dershowitz l’avait suggéré. Le Times dit que Thomson et la défense de DSK ont accepté d’échanger des informations ou de discuter. Cela n’augure pas bien de la poursuite au pénal. Pourquoi Thomson échangerait-il quoi que ce soit alors qu’il n’a même pas déposé une plainte au pénal et n’a pas d’ordre de découverte (discovery order) signé d’un juge ?

Après trois semaines de campagne diffamatoire dans la presse en juillet, la seule chose que Diallo pouvait faire était de s’expliquer publiquement et pour le moment cette stratégie s’est révélée dévastatrice pour DSK. Maintenant tout dépend de Vance. S’il laisse DSK s’en tirer avec une accusation mineure ou pas d’accusation du tout il perdra la considération non seulement des gros capitalistes qui ont payé sa campagne électorale de DA mais aussi des quartiers populaires de New York qui sont importants pour sa future carrière politique que ce soit au poste de DA ou à un plus haut poste.

D’un autre côté, s’il accuse DSK de tentative de viol il ira au procès avec un témoin dont la crédibilité est entamée même si on peut comprendre les raisons pour lesquelles elle a menti.

Anne Sinclair, la richissime épouse de DSK, a comparé l’épreuve de son mari avec l’affaire Dreyfus -DKS est juif- ce qui est ridicule. Est-ce qu’une affaire qui a agité la France pendant des années peut être comparée à celle de DSK ? Y a-t-il ici des arrières pensées antisémites ? La réponse est non.

L’affaire Diallo-DSK est encore vivante. La prochaine audience est dans trois semaines, le 23 août. Nous verrons alors si Vance a les épaules solides.

Alexander Cockburn, Counterpunch, 30, 31 juillet 2011

Pour lire le reste du journal de Counterpunch et consulter l’original : http://www.counterpunch.org/cockburn07292011.html

Traduction : Dominique Muselet pour LGS.

Note :

Pour en savoir plus sur wendi Deng : http://www.rtl.be/info/monde/international/810875/scandale-des-ecoutes...

URL de cet article 14285
  

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