« Tant que, dans chaque nation, une classe restreinte d’hommes possèdera les grands moyens de production et d’échange [...] tant que cela sera, toujours cette guerre politique, économique et sociale des classes entre elles, des individus entre eux, dans chaque nation, suscitera les guerres armées entre les peuples. C’est de la division profonde des classes et des intérêts dans chaque pays que sortent les conflits entre les nations. [...] Toujours votre société violente et chaotique [...] porte en elle la guerre comme la nuée dormante porte l’orage ».
Le 23 janvier 1903, à la Chambre, il avertit :
« Dans les Balkans, les grandes puissances jouent avec les délires nationalistes et les rivalités ethniques ou religieuses les plus barbares. L’Allemagne ne supporte plus notre soif de revanche et le chauvinisme de nos nationalistes. L’allié russe risque de nous entraîner plus loin que nous le voudrions... ».
Le Pré-Saint-Gervais, 25 mai 1913 : Discours de Jaurès contre la loi rétablissant le service militaire à 3 ans.
La presse bourgeoise se déchaîne contre lui, l’accuse de collusion avec l’Allemagne. On l’appelle « Herr Jaurès ». A la Chambre, il est hué par les députés de la droite et de l’extrême-droite.
L’écrivain Charles Péguy écrit : « Dès la déclaration de la guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès. Nous ne laisserons pas derrière nous ces traîtres pour nous poignarder dans le dos ».
Paul Déroulède titre un de ses articles dans le journal L’Action française : « TUER JAURES ». Quant à Léon Daudet, le 23 juillet 1914, une semaine avant l’assassinat de Jaurès, il écrit : « Nous ne voudrions déterminer personne à l’assassinat politique, mais que Jean Jaurès soit pris de tremblements ! ».
Le 28 juin 1914, c’est l’attentat de Sarajevo puis l’ultimatum autrichien à la Serbie. La Russie et l’Autriche mobilisent. Le 31 juillet, l’Allemagne présente un ultimatum à la France lui enjoignant de ne pas se solidariser avec la Russie. L’inexorable affrontement des impérialismes européens est en marche.
En fin de journée, Jaurès se rend au siège de L’Humanité pour préparer un article de mobilisation anti-guerre pour l’édition du 1er août. Auparavant, il sort dîner au café du Croissant, rue Montmartre, avec ses collaborateurs. Le groupe est assis, le dos à la fenêtre ouverte et séparé de la rue par un simple rideau. Une main s’avance, un scintillement, deux éclairs, deux claquements [1].
Jaurès ne plaidera plus contre la guerre. Il est tué d’une balle dans la tête.
LA BOUCHERIE EUROPEENNE COMMENCE LE LENDEMAIN. [2]
La mort de Jaurès facilite le ralliement de la grande majorité des socialistes à l’Union sacrée. Le mot d’ordre de grève générale que les socialistes européens devaient opposer au déclenchement d’une guerre ne sera jamais appliqué.
Jean-Pierre Dubois (Le Petit Blanquiste).
URL de cet article : http://lepetitblanquiste.hautetfort.com/archive/2011/07/31/97eme-anniversaire-de-l-assassinat-de-jean-jaures.html
[1] Raoul Villain, l’assassin de Jaurès, est un nationaliste proche de L’Action française. Arrêté, il déclare avoir agi en solitaire pour « supprimer un ennemi de son pays ». Cette thèse de l’acte isolé est reprise telle quelle dans l’acte d’accusation dressé le 22 octobre 1915.
Après cinquante-six mois de détention préventive, Villain est acquitté par la cour d’assises de la Seine, le 29 mars 1919. La veuve de Jaurès doit même payer les frais du procès. Anatole France proteste : « Travailleurs ! Un verdict monstrueux proclame que l’assassinat de Jean Jaurès n’est pas un crime... ».
Raoul Villain s’exile alors à Santa Eulalia sur l’île d’Ibiza dans les Baléares. Peu après le début de la guerre d’Espagne, le 17 septembre 1936, les Républicains l’exécutent pour espionnage au profit de l’armée franquiste.
[2] Boucherie européenne pour laquelle seront sacrifiés par milliers les peuples des colonies d’Afrique.
15:04 Publié dans Mémoire-Histoire