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Entretien exclusif avec René González, le premier libéré des Cinq Cubains ! (Cubanismo.net)

Pour la première fois depuis 15 ans, une décision humaine est prise dans l’affaire des Cuban Five. René González peut rester librement à Cuba, maintenant que le juge l’a exempté des trois ans de réintégration obligatoire aux États-Unis. ICS a eu la primeur du premier entretien après l’annonce de cette nouvelle.

Les Cuban Five sont cinq agents cubains qui se sont infiltrés dans les réseaux terroristes à Miami pour prévenir des actions terroristes contre leur patrie. Le 12 septembre 1998, ils ont toutefois été arrêtés.

Après un procès politique au cours duquel le jury a été intimidé, les prévenus et leurs avocats n’avaient pas accès aux dossiers et les témoignages à décharge des cinq n’étaient pas retenus, ils ont été condamnés 4 fois à perpétuité et à 77 ans de prison au total ! Les deux accusations principales, qui n’ont d’ailleurs jamais été prouvées, étaient « intention d’espionnage » et « intention d’assassinat » (uniquement contre Gerardo Hernández). Sous la pression de l’opinion publique internationale, trois des cinq ont obtenu en 2009 une réduction de peine. Les Cinq peuvent notamment compter sur le soutien d’Amnesty International, de dix Prix Nobel et de centaines de politiciens et de personnalités du monde culturel et syndical.

René González était le premier des Cinq a été libéré le 7 octobre 2011, après avoir purgé sa peine. Le fait qu’il possède également la nationalité américaine était toutefois utilisé comme prétexte pour l’obliger à résider encore trois ans aux États-Unis dans le cadre d’un programme de réintégration sociale. Cela voulait dire que René restait séparé trois années de plus de sa famille. Son épouse, Olga Salanueva, n’a en effet jamais obtenu de visa pour entrer aux États-Unis.

Le 12 avril 2013, René a reçu l’autorisation du juge de se rendre à Cuba pour y assister aux funérailles de son père, décédé le 1er avril. Pendant sa résidence à Cuba, son avocat a réintroduit une demande pour autoriser René à rester à Cuba, en échange de son renoncement à la nationalité américaine. Le 3 mai, le juge de Miami a donné son consentement.

Pour le moment, les autres Cubains, Fernando González, Antonio Guerrero, Ramon Labañino et Gerardo Hernández restent enfermés aux États-Unis. L’affaire de Gerardo est la plus pénible. Il a reçu 2 fois la perpétuité plus 15 ans de prison. Son épouse Adriana Pérez n’obtient pas non plus de visa pour rendre visite à son mari aux États-Unis.

Erwin Carpentier d’Initiativa Cuba Socialista était à Cuba à l’occasion du 1er mai. Il était le premier journaliste étranger à pouvoir interviewer René.

Comment avez-vous été libéré finalement ? Aviez-vous déjà des indications ?

J’ai pris connaissance de la décision du juge hier, le vendredi 3 mai. Nous avions de l’espoir, certes. La procédure par laquelle nous tentions de mettre fin à ma liberté supervisée afin de pouvoir rentrer définitivement à Cuba, avait déjà démarré il y a quelque temps. En juillet de l’année passée j’avais introduit ma demande de pouvoir rentrer à la Havane. En échange, j’ai proposé de régler tous les documents auprès de la représentation des États-Unis de la Havane pour renoncer à ma nationalité américaine.

La loi des États-Unis stipule qu’il faut se trouver en dehors des États-Unis pour pouvoir renoncer à cette nationalité. Nous présumons qu’ils n’ont pas réagi à cette époque, parce qu’ils n’avaient pas de garantie – hormis ma parole- que je renoncerais effectivement à ma nationalité américaine s’ils m’autorisaient à rentrer à la Havane. Maintenant j’ai reçu l’autorisation de venir à la Havane à l’occasion du décès de mon père. J’ai profité du fait que j’étais déjà ici pour réintroduire une motion au tribunal, proposant de renoncer à ma nationalité à la représentation des États-Unis à la Havane.
Apparemment, ils n’avaient pas d’arguments contre. Si vous faites l’analyse coûts-avantages, c’est en effet plus avantageux pour eux. Moi je ne dois plus aller aux États-Unis et eux ils n’ont plus de soucis à mon égard. Nous avions donc de l’espoir. La semaine passée, le 29 avril, mon avocat a posé la question au juge. Les autorités américaines n’ont pas émis d’objections et sur cette base, le juge a adopté une décision positive le 3 mai.

Comment ressentez-vous la liberté après tant d’années d’emprisonnement et d’injustice ?

C’est une petite victoire. Il ne faut pas pour autant être triomphaliste. Car la réalité est telle que j’ai purgé ma peine jusqu’au dernier jour, et même un peu plus. Et nous ne devons surtout pas oublier que les quatre ‘frères’ sont toujours en prison. Il n’y a certainement pas encore eu assez de pression pour changer la position du gouvernement US vis-à-vis des Cinq Cubains. Ce serait une erreur de penser que nous avons atteint notre objectif.

Il est évident que je me sens en même temps très heureux, parce que pour moi, c’est vraiment terminé maintenant. Je suis parti de Cuba il y a 23 ans. Ma famille a passé des moments très durs. Nous avions à peine vécu un an ensemble aux États-Unis. Ensuite il y a eu l’arrestation et la prison. C’est mon cas personnel mais il y a quatre camarades qui subissent toujours cette injustice.

En même temps, j’estime qu’il y a une porte qui s’est ouverte, les choses sont en train de bouger. Nous devons continuer à augmenter la pression et les efforts pour la libération des Cinq. Nous devons surtout nous axer sur la société nord-américaine. Tout ce que nous faisons doit être axé là-dessus. Nous devons ouvrir les yeux de chaque politicien, chaque journaliste et chaque citoyen pour qu’ils sortent de leur ignorance par rapport à l’affaire des Cinq Cubains.

Si rien de fondamental ne se passe, l’injustice est toujours là et Gerardo mourra en prison. Nous devons continuer jusqu’à ce que la situation de Gerardo soit résolue. Il a reçu une peine extrêmement lourde, tout à fait injustement.

Olguita, René et leur petit fils Ignacio René

Que signifie votre liberté pour la lutte pour libérer les quatre autres des Cinq Cubains ?

Il est encore un peu trop tôt pour déterminer le rôle que je pourrai jouer à partir de maintenant. J’espère que mes quatre frères voient une lueur d’espoir dans ma libération. A partir de maintenant, nous sommes quatre au lieu de cinq. En fait, je suis convaincu que ma libération ne leur donne pas seulement de l’espoir, mais qu’ils se réjouissent vraiment de mon bonheur.

Mais je ne sais pas encore exactement quel rôle je pourrai jouer à partir de maintenant dans la lutte pour leur libération. Tout est encore à développer. J’espère que le fait que je suis à Cuba, est un facteur motivant pour intensifier la lutte. Cela me réjouit et j’espère que je pourrai y contribuer beaucoup, de sorte que mes quatre frères puissent eux aussi rentrer à Cuba.

Avez-vous un message pour le mouvement de solidarité en Belgique ? Nous voudrions évidemment vous inviter à ’Che Presente’, la fête de solidarité avec Cuba, qui aura lieu à nouveau à ManiFiesta, le samedi 21 septembre. Je vous invite donc officiellement à Che Presente !

Les Cinq Cubains ont toujours été présents à Che Presente, même en étant en prison ! Vous nous avez toujours tenu au courant dans vos lettres. Notre affaire n’y a jamais été oubliée. Je veux en premier lieu vous remercier, au nom de tous les cinq. Nous avons toujours reçu beaucoup d’amour de votre part. Nos familles ont, elles aussi, toujours pu compter sur votre soutien inconditionnel. Personnellement, j’aimerai vraiment pouvoir être présent à Che Presente. En ce moment, je n’ai aucune idée si c’est réaliste. Je dois encore attendre le résultat de la décision du juge. Mais je voudrais vraiment participer à votre journée de solidarité et y représenter les Cinq Cubains. Merci d’avance de cette invitation !

Pendant la conférence de solidarité à Berlin de l’année passée, le mouvement européen de solidarité avec Cuba a décidé d’organiser une Commission d’Enquête internationale sur l’affaire des Cinq Cubains. Cette Commission d’Enquête aura lieu à Londres. Nous souhaitons inviter des personnages de renommée internationale, comme par exemple Desmond Tutu ou Mary Robinson. Actuellement, nous pouvons déjà compter sur le soutien de personnalités comme Angela Davis, Noam Chomsky et l’ancien président du parlement cubain, Ricardo Alarcon. Nous espérons bien sûr que vous y serez présent, ainsi que Fernando, qui devrait être libéré en février 2014.

Vous pouvez compter sur ma disponibilité. Non seulement pour participer mais aussi pour convaincre des personnalités à siéger dans cette commission ou à appuyer cet événement !

L’épouse de René, Olga Salanueva, nous a rejoints entre-temps.

Olga, comment vous sentez-vous, maintenant que René est enfin revenu, après toutes ces années de souffrance mais aussi de lutte pour sa libération. Quel message voulez-vous nous donner ?

Je dois dire que je ne réalise pas encore tout à fait. Le fait qu’il soit ici, pas seulement de visite, mais pour toujours… Nous sommes tellement heureux. Mais ce sentiment de bonheur ne peut pas être total, tant qu’ils ne sont pas tous libérés (elle pleure). La libération de René est une bonne nouvelle pour notre famille, mais il faudra encore lutter beaucoup pour le bonheur de notre grande ‘famille cubaine’ et pour celui des familles des quatre autres des Cinq Cubains.

Ce qui est clair maintenant, c’est que c’est possible. Pendant toutes ces années de lutte pour leur libération, nous avons préparé le chemin. Il y a eu des moments où nous doutions de la possibilité de la libération de René. La peine de René n’a pas été allégée ou suspendue. Il l’a purgée entièrement. Pour pouvoir rester ici, ils l’ont obligé à renoncer à sa nationalité américaine, un droit qu’il avait reçu parce qu’il était né aux États-Unis. Mais bon, à côté de Nord-Américain, René se sent avant tout Cubain.
Il est très important que René soit de retour à Cuba. Surtout pour notre famille, après une absence tellement longue. René a quitté Cuba en 1990, il y a presque 23 ans. Il nous a manqué pendant de longues périodes, en raison de sa mission cruciale. Aujourd’hui, son retour est d’une importance immense pour intensifier la lutte pour la libération des quatre autres. Le fait qu’ils ont levé l’obligation de rester en liberté supervisée à Miami, est également un soulagement pour Antonio.

Pour lui aussi, le jugement mentionne une liberté supervisée, dans son cas de cinq ans. Le retour de René donne de l’espoir à sa mère Mirtha, sa sœur Maruchi et le reste de sa famille. Car Mirtha a déjà 81 ans et le temps progresse. Si Antonio est libéré en 2017 et qu’il doit encore rester 5 ans aux États-Unis, il sera très difficile pour elle de pouvoir l’attendre.

Nous allons évidemment poursuivre le combat, de sorte qu’il ne faut pas attendre 2017 pour la libération d’Antonio, alors que les autres resteront en prison. Fernando sera libéré en février 2014. Nous relevons le défi de libérer les trois autres en même temps. Ainsi, ce chemin douloureux et injuste sera finalement derrière nous. Nous avons toujours continué à lutter, avec beaucoup d’espoir et de dignité. Mais cela dure trop longtemps. Nous avons tous trop souffert.

Nous profitons maintenant pleinement de notre bonheur. Nous avions pensé que notre petit-fils Ignacio René aurait deux ans au moment de la libération de René. Heureusement, ce n’est pas le cas et nous sommes tous réunis et heureux. Une bonne raison pour faire la fête, non ?

Merci René et Olguita de cette interview. Nos amis en Belgique et tout le mouvement de solidarité avec Cuba sont très heureux maintenant que René est libéré. Vous pouvez compter sur nous pour continuer le combat et nous continuerons jusqu’à la libération des cinq Cubains.

Erwin Carpentier

trad. : Hilde Meesters

Publié le 7 mai 2013 par Cubanismo

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