Videla : dictature et Coupe du monde de Football

Lors de la Coupe du monde de football de 1978 en Argentine, le pays hôte s’est qualifié par un 6 à 0 miraculeux face au Pérou. Cette victoire écrasante a toujours parue suspecte à beaucoup. Mais l’important est que, pendant que l’équipe trouvait le chemin des filets adverses, la dictature torturait et tuait sans répit.

En 1978, le Pérou subit la dictature militaire du général Francisco Morales Bermudez. Il est très vraisemblable que Videla et lui ont scellé un pacte de mort : l’équipe péruvienne prenait une déculotté (les Argentins devaient gagner par quatre buts d’écart pour se qualifier en demi-finale) et Videla s’occupait d’éliminer treize ressortissants péruviens opposés à la dictature.

Selon l’ancien sénateur péruvien Genaro Ledesma Izquieta, Buenos Aires s’était engagée, en échange de la victoire, à accueillir ces opposants puis à les faire disparaître au cours d’un "vol de la mort". C’était la première fois que le Pérou rejoignait les régimes qui collaboraient – au sein de l’opération Condor – avec les régimes qui éliminaient leurs opposants politiques (Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Brésil et Bolivie).

Capturés pour avoir participé à la grève générale qui parvint à mettre un terme à la dictature péruvienne en mai 1978, les treize opposants péruviens furent emmenés par la force en Argentine par avion militaire. À San Salvador de Jujuy, on les obligea à demander l’asile politique, ce qu’ils refusèrent. Ils furent transférés, toujours par la force, à Buenos Aires et jetés en prison. Le gouvernement de Videla finit par accepter de les libérer à condition que la France paye les frais occasionnés par cette libération !

La victoire footballistique miraculeuse survint après des pressions exercées contre les footballeurs péruviens, mais aussi après l’envoi au Pérou d’un chargement de 14 000 tonnes de grain argentin.

En 1986, lors de la Coupe du monde au Mexique, Maradona sera aidé par dieu lui-même qui lui accordera de pousser le ballon à la main (« la mano de Dios ») au fond des filets anglais. Ce qui était tout de même plus urbain que les menées des crapules galonnées.

Bernard Gensane

EN COMPLEMENT

France (oui) : L’ex-dictateur de l’Argentine, Videla, est mort en prison

Le Figaro retrace son parcours sanglant et son absence de remords.

TV5MONDE interviewe Alicia Bonet-Krueger, présidente du Collectif Argentin pour la Mémoire.

Celle-ci dit : "Notre travail continue, et les procès aussi. On ne peut pas baisser les bras parce qu’un ancien dictateur est mort. Videla était le responsable, mais il ne représentait rien de plus que les autres. Ils sont encore des centaines en prison et à comparaître devant la justice, même si déjà beaucoup sont morts. L’an dernier encore, quarante ans après les faits qui leur étaient reprochés, des militaires de la marine argentine ont été jugés pour les "vols de la mort" ; ils étaient tous présents et bien vivants."

Tandis que L’Express cite l’avocate des familles de disparus en France qui " souligne le travail remarquable de la justice argentine" et fait la différence avec le Chili voisin dont le dictateur Pinochet, remplacé depuis par des gouvernements "démocratiques", donc dont le territoire comporte le plus souvent des bases militaires US, est mort dans son lit et a eu des funérailles grandioses.

Courrier International est on ne peut plus bref sur le sujet, contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer.

Le Monde décrit Videla comme un "fervent catholique qui faisait figure de modéré avant de prendre la tête du putsch"...

Si la presse française cite parfois le Plan Condor, pour lequel Videla devait encore être jugé en Argentine, rend aussi hommage aux Mères de la place de Mai, les journaux mis en lien ne citent jamais l’actuelle présidente de l’Argentine, Cristina Fernandez de Kirchner, ni les Escadrons de la Mort (soit l’école française, selon le film de M. - M. ROBIN) , non plus que la terrible ESMA (Escuela Superior Mecánica de la Armada) qui pratiquait torture et mise à mort. Elle ne dit rien non plus d’un ancien disciple de Videla qui fut actif dans l’ESMA et qui était rémunéré par le gouvernement français élu en 2007 jusqu’au moment où l’Argentine de Cristina Fernandez de Kirchner en quête de ses "disparus" l’a fait rechercher par Interpol. Depuis ce moment, cet ancien "fâcheux" qui voulait ruiner à coups d’amendes Le Grand Soir ainsi que d’autres publications plutôt à gauche, semble avoir à son tour "disparu" ...

COMMENTAIRES  

19/05/2013 10:41 par chb

Ahhhh le foot et la politique.
Thème actuel, en Israël, puisque l’UEFA lui a confié la coupe de foot européenne des moins de 21 ans. Voir entre autres : Coupe européenne de foot en Israël : Le Monde Diplomatique en montre l’indécence
http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-05-15-Euro-Espoirs-Israel-Sarsak
Sur les valeurs, le jeûne de Sarsak, la sportivité envahissante du Qatar ...

19/05/2013 11:17 par Bernard Gensane

Twit de Mélenchon :

Embouteillage chez Satan : après Thatcher, voilà #Videla. Faites bouillir l’huile !

19/05/2013 11:19 par V. Dedaj

Je me souviens à l’époque d’une réponse de Platini, interrogé à ce sujet, qui était (de mémoire) : "Comment savoir ? On entend une chose et son contraire. Certains disent qu’on va jouer à 300 mètres d’un centre de torture, d’autres disent que c’est 800 mètres. Alors, comment savoir ?". Sans pitié, ce Platini.

19/05/2013 12:01 par Bernard Gensane

Si c’est à 800 mètres,t’es tout de même moins gêné par les cris.

Ici, un article sur l’ESMA :

http://blogs.rue89.com/california-dreamin/2010/04/27/argentine-a-lesma-le-visiteur-face-a-la-mecanique-de-lhorreur-149146

19/05/2013 13:58 par Dwaabala

Videla, le dictateur, et son régime étaient criminels.
Ce qui ne devrait pourtant pas permettre d’associer sans nuance (ce n’est pas le cas ici, mais très largement ailleurs) la dictature au crime.

19/05/2013 20:36 par Jacques Richaud

Il croyait donc à l’enfer … Bonne nouvelle !

’Le Monde’ décrit Videla comme un "fervent catholique qui faisait figure de modéré avant de prendre la tête du putsch"...

Il croyait donc à l’enfer ? … Bonne nouvelle ! Qu’il y séjourne pour l’éternité !
Un Pape, argentin lui aussi, ’priera pour son âme’ en même temps que pour la sienne…Ils auront tant de choses à se dire lorsqu’ils se retrouveront…

Il est des jours… où l’on regrette… de ne pas y croire aussi…
On se dit que pour des Franco, Pinochet ou Videla , la mort... c’est trop simple, seulement une fuite…

Alors… Hommage aux hommes et femmes en résistance d’Amérique latine...
Et, juste pour le plaisir et un soupir d’humanité :
Violeta Parra - Décimas : La suerte mía fatal...
http://www.youtube.com/watch?v=d0BsDXOA2r4&feature=related
Et :
VIOLETA PARRA - Gracias a la vida ( Thanks to life) ORIGINAL version
http://www.youtube.com/watch?v=UW3IgDs-NnA

20/05/2013 17:15 par Feufollet

Mangeurs d’osties. Je vous hais
Si vous êtes destinés au paradis
Je choisirai l’enfer pour ne pas vous y rencontrer
Mais je ne choisirai pas
Même si la justice divine me pardonnerais peut-être
De n’avoir jamais tué un militant pour la justice profane

20/05/2013 19:15 par olivier

Il est bon de souligner l’importance du phénomène footballistique en Argentine. Ayant vécu 2 ans en Espagne je pensais avoir vu le summum du fanatisme sportif, quand j’ai débarqué en Argentine j’ai compris que j’étais loin du compte. Tout le monde dans ce pays s’intéresse au foot, par gout ou par nécessité, ceux qui ne s’y intéressent pas finissent par s’y intéresser afin d’éviter de sortir aux heures de matchs pour ne pas se retrouver bloqués dans les embouteillages en ville à cause des foules de supporters. Qu’on le veuille ou non, on sait quelle équipe joue ce jour parce que l’on en voit défiler les maillots. L’une des premières questions que l’on se voit poser lorsque l’on rencontre de nouvelles têtes c’est "de que cuadro sos ?" (de quelle équipe es-tu ?). Culturellement c’est quelque chose qui dépasse en importance, et de loin, n’importe quelle obédience religieuse. On soulignera aussi l’initiative de l’actuel gouvernement qui a créé le programme "football pour tous" qui propose la retransmission de tous les matchs nationaux (de première et seconde division) gratuitement sur les chaines publiques.
A la lumière de cet engouement et en y ajoutant que le problème de corruption soulevé par l’emblématique cas qui avait mené au "que se vayan todos" en 2001 est très très loin d’avoir été réglé, voire même abordé, il est aisé d’entrevoir toutes les tentations de manipulations de masse offertes.

16/10/2013 12:56 par Rivera

Il est sûr que la dictature voulait distraire la population avec le mondial, cependant l’issue du match n’était ni miraculeuse ni truquée. J’ai souvent entendu cette histoire et pour cette raison j’ai regardé le match au complet sur internet. Si c’était un match truqué ce qu’il y a de très étonnant c’est que lors de la première mi-temps le Pérou a eu deux chances de marquer très claires, dont un ballon qui a touché le poteau du but argentin. Cela est impossible à truquer. Et surtout comment expliquer qu’une équipe supposément censée perdre par arrangement, attaque son adversaire de la sorte. De plus la même année et peu avant le mondial l’ équipe d’Argentine avait battu le Pérou 3 à 1 à Lima au Pérou pour la coupe Castilla.

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