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France : le gouvernement soutient l’occupation américaine de Haïti dévasté par un tremblement de terre

Après le tremblement de terre du 12 janvier qui a dévasté Haïti, le gouvernement français prend des mesures pour faire cesser en Europe l’opposition politique à l’occupation militaire américaine de Haïti.

L’intervention américaine a bloqué les aides essentielles en nourriture et médicaments, y compris venant d’organisations telles Médecins sans frontière, tandis que Washington se concentrait à consolider son étau sur Haïti. Le bilan du tremblement de terre s’élève à plus de 200.000 morts, 250.000 blessés et des millions de sans-abris. Cette catastrophe a aussi renforcé les projets impérialistes de faire de Haïti une plateforme de travail bon marché d’esclaves salariés payés avec des salaires de misère dans l’industrie de l’habillement. (voir « Reconstruire Haïti » pour ses salaires de misère )

Le président français Nicolas Sarkozy qui a bâti sa politique étrangère autour du projet de réparer les relations franco-américaines après que son prédécesseur Jacques Chirac s’est opposé à la guerre en Irak aux Nations unies, s’est empressé de répudier le reproche à présent célèbre de son ministre de la Coopération et des territoires d’outre-mer, Alain Joyandet qui a dit concernant les opérations américaines en Haïti : « Il s’agit d’aider Haïti. Il ne s’agit pas de l’occuper. »

Les commentaires de Joyandet ont été repris par Guido Bertolaso, dirigeant de l’Agence pour la protection civile d’Italie. Bertolaso a ainsi qualifié l’opération américaine en Haïti de « démonstration de force » vraiment puissante, mais totalement coupée de la réalité. Il a ajouté que les Américains n’étaient pas en phase avec le territoire ni avec les organisations internationales et les groupes d’aide. Bertolaso a ajouté que confrontés à une situation de chaos, les États-Unis tendaient à faire l’amalgame entre intervention militaire et ce qui devrait être une opération d’urgence que l’on ne peut confier aux forces armées. Ce qui manque, a-t-il dit, c’est un leader, une capacité de coordination qui aille au-delà de la discipline militaire.

La position officielle française est venue dans un communiqué présidentiel qui affirmait : « Les autorités françaises sont [.] pleinement satisfaites de la coopération » avec Washington. Le communiqué ajoute qu’elles reconnaissent « le rôle essentiel qu’ils [les États-Unis] jouent sur le terrain en faveur de Haïti. »

Au même moment, le gouvernement français se prépare à renvoyer des immigrés haïtiens vers leur pays dévasté et occupé. Le 13 janvier, le ministre de l’Immigration Eric Besson a fait cesser les procédures d’expulsion contre les sans-papiers haïtiens, mais uniquement pendant 3 mois, soit moins que les 18 mois accordés par le gouvernement américain. Pour de nombreux immigrants, cela signifie un retour vers la famine et des maisons réduites à des gravats. Besson a rejeté les appels d’organisations de soutien pour que soient accordés des permis de séjour à tous les Haïtiens en France.

Des reportages indiquent que même ces annonces de concessions tout à fait inadéquates ne sont pas respectées. Le 22 janvier dans la préfecture du Val de Marne, à proximité de Paris, les expulsions se poursuivaient comme d’habitude. La préfecture a donné l’ordre d’expulser deux Haïtiens dont les passeports n’étaient pas en règle. Le bureau du Procureur a dit, « Les Haïtiens ont un mois pour quitter la France. »

Le gouvernement Sarkozy soutient pleinement le mensonge fondamental utilisé par les États-Unis pour justifier son occupation militaire de Haïti. La sécurité est le problème central en Haïti. Prenant la parole le 23 janvier lors des préparatifs de la conférence de Montréal sur Haïti, Sarkozy a essayé d’utiliser la catastrophe pour mettre sur pieds une force européenne de sécurité : « La sécurité, c’est aussi la capacité de réagir face à l’urgence.... » Il a ajouté, « C’est pourquoi la France préconise la création d’une force européenne de sécurité civile... qui pourrait être déployée très rapidement. »

Les affirmations de Sarkozy, du premier ministre François Fillon et de Besson d’une « vieille amitié » et de « liens historiques et culturels profonds » entre la France et son ancienne possession coloniale sont hypocrites et sinistres.

Bien que la France ait cédé aux Etats-Unis sa position de principale puissance impérialiste en Haïti au début du 20e siècle, elle a, d’un point de vue historique, joué un rôle crucial pour maintenir le pays dans la pauvreté. Napoléon, qui était venu au pouvoir sur la base de la suppression de l’influence des masses dans la vie politique, influence qui avait conduit à la reconnaissance par le gouvernement révolutionnaire français de l’indépendance de Haïti et à la libération de sa population d’esclaves en 1794, avait envoyé des troupes dans le but d’imposer à nouveau l’esclavage. Ces forces armées avaient été vaincues par les esclaves haïtiens conduits par Toussaint L’Ouverture et Jean-Jacques Dessalines.

Mais en 1825, avec 14 navires de guerre menaçant Port-au-Prince, la monarchie française restaurée de Charles X exigea de Haïti qu’elle rembourse 150 millions de francs, plus tard réduits à 90 millions, en échange de sa propre liberté. Cette indemnité fut un coup très dur pour Haïti qui ne réussit à la payer qu’en 1947.

Le corps de Marines américains qui régnait sur Haïti de 1915 à 1934 ne remit pas en cause cet arrangement et le rôle de la France, à des moments clés de l’histoire de Haïti, a consisté à apporter son soutien aux Etats-Unis. Le soutien français aux dictatures en Haïti, appuyées par les Etats-Unis est symbolisé par la décision de « Baby Doc » Duvalier de s’enfuir en France après qu’il eut perdu le pouvoir en 1986. Des troupes françaises contribuèrent à l’occupation de Haïti après le coup de 2004, soutenu par les États-Unis, contre le président élu Jean-Bertrand Aristide.

Actuellement, le gouvernement français ne fait aucune critique du blocus des eaux haïtiennes par la marine et les garde-côtes américains, opération appelée « Vigilant Sentry » (sentinelle vigilante), visant à intercepter et renvoyer au pays tout Haïtien cherchant à s’échapper. Il n’a pas non plus protesté contre le fait que les États-Unis ont mis en place un camp de détention dans sa base navale de Guantà namo Bay à Cuba et qui peut accueillir plus de 1 000 Haïtiens qui tenteraient d’échapper au blocus.

De fait, tout porte à croire que la bourgeoisie française s’en réjouit. Comme le suggère le traitement des sans-papiers haïtiens ou d’autres nationalités avant le séisme, il ne fait aucun doute que les autorités françaises sont soulagées de voir que le blocus empêchera la fuite d’une marée de réfugiés de Haïti vers les départements et collectivités français d’outre-mer, dont la Guadeloupe et la Martinique qui sont à proximité.

Les conditions sociales sur ces îles sont déjà très tendues. L’année dernière, il y avait eu une grève générale de 44 jours en Guadeloupe. Le quotidien Le Monde avait alors écrit que la grève générale en Guadeloupe « suscite les plus vives inquiétudes au sommet de l’Etat. » Il expliquait : « le gouvernement redoute que les mesures en faveur du pouvoir d’achat qui seraient consenties dans les îles servent, en métropole, de référence aux syndicats. »

La communauté haïtienne des départements et collectivités français d’outre-mer est très opprimée. Un rapport de 2006 publié par l’association Migrants d’outre-mer en lien avec le Collectif Haïti de France dit que sur les 1,5 millions de Haïtiens vivant à l’étranger, on en trouve 100.000 sur le territoire français : 40.000 en France métropolitaine, 30.000 en Guyane et 20.000 en Guadeloupe.

Parmi les Haïtiens vivant en Guadeloupe, 5000 sont des sans-papiers. Sur l’île, « Les expulsions sont massives : on dénombre en moyenne 2000 par an. Lorsqu’une personne en situation irrégulière est arrêtée, elle reçoit une"obligation à quitter le territoire français" (OQTF) dans un délai d’un mois. » Cette OQTF peut être contestée auprès du Tribunal administratif. Ce recours est suspensif en métropole mais pas en Guadeloupe.

En règle générale, les Haïtiens de Guadeloupe ont des salaires très bas et subissent des discriminations. Le rapport fait remarquer : « Certaines écoles demandent les papiers d’identités des parents pour inscrire les enfants, ce qui fait extrêmement peur aux parents en situation irrégulière. »

Le rapport révèle qu’un accord est négocié entre la France et Haïti visant à permettre à l’Etat français d’expulser plus facilement des Haïtiens vivant en France et dans ses départements et collectivités d’outre-mer. De tels accords ont aussi été conclus avec d’anciennes colonies françaises en Afrique.

En 2006, le GARR ( Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés ) a publié des chiffres accablants sur le traitement infligé de janvier à novembre 2005 aux demandeurs d’asile politique haïtiens en France et dans les départements d’outre-mer (DOM.) Sur 4 718 demandes dans les DOM seuls 2,3 pour cent ont été accordés. « La plupart des Haïtiens arrivent par bateau. Ils passent par l’île de la Dominique, située à 80 kilomètres au sud des côtes guadeloupéennes. » En 2004, pour atteindre la Guadeloupe au départ de Haïti, un migrant devait payer à un trafiquant 2000 à 3000 dollars, plus 300 à 400 dollars de plus à l’arrivée. A n’en pas douter, le tremblement de terre a dû faire grimper en flèche ces coûts.

Dans son étude « L’immigration clandestine en Guadeloupe : le cas des Haïtiens » l’universitaire Louis-Auguste Joint fait remarquer l’oppression des immigrants haïtiens qui sont souvent considérés comme les boucs émissaires des problèmes sociaux. En 2004, à l’époque du coup d’Etat appuyé par les USA et la France contre le président haïtien élu Jean-Bertrand Aristide, coup d’Etat dont il estime le bilan à 10 .000 morts, seuls 10 des 2005 demandeurs d’asile avaient obtenu le droit d’asile.

En Guadeloupe, l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) remet aux demandeurs d’asile un récepissé durant la période d’attente du verdict. La décision est prise à Paris. Les travailleurs ont une autorisation de séjour mais n’ont pas l’autorisation légale de travailler jusqu’à ce que le verdict soit rendu. C’est ainsi qu’ils sont la proie de patrons qui les exploitent, les faisant travailler 18 heures par jour pour 20 ou 30 euros dans des plantations de canne à sucre ou de bananes.

Antoine Lerougetel

Source http://www.wsws.org/francais/News/2010/fev2010/hait-f05.shtml

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