RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Gênes 2001 : dix ans après, la mémoire indignée

Cela fait dix ans maintenant qu’a eu lieu le sommet du G8 à Gênes, en juillet 2001, où s’écrivit une des pages les plus significatives de l’histoire du mouvement altermondialiste. Les protestations de Gênes ont représenté un moment culminant dans la phase de croissance linéaire de ce mouvement depuis la Rencontre ministérielle de l’OMC de novembre 1999 à Seattle, qui avait ouvert un nouveau cycle international de mobilisations. Gênes se déroula peu de temps après la tenue du premier Forum Social Mondial de Porto Alegre, en janvier 2001, sous le slogan désormais célèbre d’"Un autre monde est possible" et dont la pertinence est encore plus évidente aujourd’hui, en pleine crise globale.

Le 10e anniversaire des journées de Gênes arrive au moment où l’Union européenne traverse de fortes turbulences et où les vents qui ont électrisé le monde arabe depuis la fin de 2010 soufflent avec de plus en plus d’intensité sur le Vieux continent. Les mobilisations soutenues en Grèce et l’irruption du mouvement des indignéEs dans l’Etat espagnol, sans oublier la victoire dans le référendum sur l’eau en Italie même, sont parmi les symptômes les plus significatifs de la montée d’une nouvelle période de luttes, où l’objectif est d’internationaliser et d’" européaniser" les résistances émergentes.

Il y a 10 ans, les événements dans cette ville italienne avaient capté l’imaginaire de millions de personnes et de multiples mouvements et luttes sociales dans toute la planète, qui se sont identifiés avec le message de critique radicale de la globalisation capitaliste d’une protestation vécue comme étant la leur.

Le caractère massif de cette dernière, sa radicalité et le niveau de confrontation élevé entre les manifestantEs et le pouvoir ont caractérisé la dynamique de journées décisives, où le temps historique semblait s’accélérer de manière très intense, au rythme des tentatives des activistes de "libérer" la ville, d’entrer dans la "zone rouge" interdite et de déstabiliser le sommet officiel. "Nous sommes des millions, vous n’êtes que 8" , tel était le sentiment général de ceux et celles qui sont arrivés dans cette ville portuaire historique, déterminés à faire plier les maîtres du monde.

L’assassinat par balles du jeune Carlo Giuliani au cours de la journée d’action directe du 20 juillet et l’assaut de la police contre l’Ecole Diaz furent les épisodes les plus douloureux de mobilisations marquées par une répression féroce. Organisée comme un lieu de repos et de réunion pour une partie des manifestants étrangers, l’Ecole Diaz est devenue dans la nuit du 21 juillet la scène d’une vendetta policière qui laissa derrière elle 63 blessés et des dizaines d’arrestations, provoquant un scandale politique et médiatique ainsi qu’un long procès.

Gênes marqua le début d’une période de fortes protestations sociales contre le gouvernement Berlusconi. C’est une véritable "génération Genova" qui naquit en Italie à cette occasion. Ensemble avec le mouvement altermondialiste, des syndicats majoritaires, et en particulier la CGIL, ont joué un rôle important dans ces luttes - après leur absence remarquée lors des premières journées du contre-sommet du G8 - en organisant plusieurs grèves générales et des mobilisations, mais en n’abandonnant pas pour autant leur orientation de syndicalisme de concertation.

En partie comme résultat de ce long processus, en avril 2006, les forces du centre-gauche sont arrivées au pouvoir, après une victoire électorale à l’arrachée face à la droite menée par Berlusconi. Mais les deux années de gouvernement Prodi ont laissé derrière elles un triste bilan en politique économique, sociale et étrangère, provoquant la désillusion, la démoralisation et la démobilisation sociale... qui ont pavé le chemin pour le retour au pouvoir triomphal d’Il Cavaliere en avril 2008. Ce dernier fête aujourd’hui, en pleine décadence et dans une atmosphère de fin de règne, la boucherie provoquée par les carabinieri il y a dix ans.

Peu après les événements de Gênes, les attentats du 11 septembre à New York ont signifié à leur tour le début d’une nouvelle période internationale marquée par la "guerre globale contre le terrorisme" . La protestation contre la guerre allait prendre force au sein de la critique de la globalisation, ouvrant la voie au développement d’un mouvement anti-guerre massif dont le point culminant fut la journée internationale de mobilisations du 15 février 2003, à la veille de l’invasion de l’Irak. A partir de là , le mouvement altermondialiste entra dans une nouvelle phase, marquée par la perte de centralité de ses mobilisations, de sa capacité d’articulations et par une plus grande dispersion des luttes sociales, dans un contexte très défensif dans l’ensemble de l’Union européenne. Cela a duré jusqu’à l’éclatement de la "grande crise" de 2008, qui détermine la situation internationale depuis trois ans et face à laquelle on assiste aujourd’hui à une remontée des luttes sociales.

Dix ans après le sommet de Gênes, le cycle ouvert par le mouvement altermondialiste s’est terminé, mais un autre s’ouvre devant nous. Ce n’est donc pas un anniversaire nostalgique d’un mouvement qui fut, mais qui n’est plus. C’est un anniversaire dont la mémoire indignée de ces journées mythiques nous permet de remémorer le passé pour regarder l’avenir. Où le souvenir de l’assaut contre la "zone rouge" se mélange avec ceux très récents des occupations des places, des assemblées de quartiers et du blocage du parlement Catalan. Et où la mémoire de Carlo Giuliani ne fait qu’augmenter la rage et l’indignation de ceux qui, avec encore plus de raisons qu’il y a dix ans, continuent à affirmer qu’un "autre monde est possible" et que "nous ne sommes pas des marchandises dans les mains des politiciens et des banquiers" .

Josep Maria Antentas, Esther Vivas

Josep Maria Antentas est professeur de sociologie à l’Universitat Autónoma de Barcelona (UAB). Esther Vivas participe au Centre d’études sur les mouvements sociaux (CEMS) de l’Universitat Pompeu Fabra (UPF). Tous deux ont participé au sommet de Gênes en 2001 et participent actuellement au mouvement des indignéEs dans l’Etat espagnol.

** Traduction française par Ataulfo Riera pour le site http://www.lcr-lagauche.be

+ info : http://esthervivas.wordpress.com/francais

URL de cet article 14294
  

« Marine Le Pen amène le pire » (*)
Maxime VIVAS, Frédéric VIVAS
(*) Anagramme imparfaite cueillie sur Internet. Ce livre (publié par les éditions Golias) est une compilation de documents révélateurs de l’analogie entre le FN d’hier et celui d’aujourd’hui. Y sont démontrées la difficulté pour Marine Le Pen, malgré les habiletés tribuniciennes, à se dépouiller des oripeaux paternels les plus exécrables, la distorsion entre le discours du FN ripoliné et son programme, entre son programme et ses objectifs. Sont mis en relief le fiasco du FN dans les villes qu’il a (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le prix à payer pour être présenté par les média comme un candidat "responsable et sérieux" est généralement d’être en accord avec la distribution actuelle de la richesse et du pouvoir.

Michael Lerner

La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.