RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
10 

Ivan Rioufol, Toulouse et les paras « d’origine musulmane » - (VARIAE)

On se demandait. On se demandait qui allait briser le couvercle qui résistait jusqu’alors, tant bien que mal, sur le chaudron de la bêtise humaine bouillonnant depuis lundi et les meurtres de Montauban puis Toulouse. La réponse est désormais connue : Ivan Rioufol, cet homme qui tient table ouverte dans les colonnes du plus grand site d’information français mais se réclame, dans son billet du jour, de la « majorité silencieuse ». Le ton est donné.

Parlons donc de son billet du jour. Il triomphe, l’ami Rioufol : l’identité djihadiste du forcené toulousain vient enfin donner raison - selon lui - à ceux qui - comme lui - criaient au choc des civilisations en préparation. Bon prétexte pour un feu d’artifice lexical faisant soudain ressembler Le Figaro à un mélange entre Le Nouveau Détective et une publication néoconservatrice : les moralistes qui « ont couvé un monstre », « barbare », « guerre contre l’Occident », « germes d’une guerre civile », « morale de pacotille », « idéologie totalitaire », « esprits fanatisés », « les masques tombent enfin », « suintant la haine ». La bave (à moins que ce ne soit la salive) aux lèvres, le procureur fait pleuvoir les coups sur tous ses ennemis, de SOS Racisme à François Bayrou, qui ont commis le crime odieux « d’accuser […] Marine Le Pen ». Scandale !

Tout le papier rioufolesque est frappé du sceau de la rhétorique pernicieuse, procédant par exagérations grandguignolesques, rapprochements abusifs et sophismes dits « de la pente glissante ». Ou comme disent les enfants : « marabout, bout de ficelle, selle de cheval ». Ainsi, d’un acte terroriste isolé Rioufol déduit les prémisses d’une « guerre civile ». Dans l’antiracisme il voit la volonté de ne pas critiquer les Musulmans, donc les Musulmans extrémistes, donc ceux qui passent à l’acte - bref, indignez-vous des polémiques sur le halal à la cantine, et vous cautionnerez par avance un attentat à la bombe. Cette logique, mue par des ressorts proches de la paranoïa (on constitue un tableau d’ensemble à partir de quelques éléments épars, et tordus dans le sens qui vous arrange) et empêchant par avance tout débat, permet à l’éditocrate éructant de placer dans la même phrase les mots « Bayrou » et « idéologie totalitaire », ce qui constitue un tour de force journalistique qu’il faut, tout de même, saluer au passage. C’est toujours cette « logique » délirante qui rend possible un point Godwin d’anthologie, Rioufol parvenant à introduire au bout de dix lignes le concept de « nazislamiste » et à rappeler l’alliance entre un grand mufti et Hitler - au cas où on le soupçonnerait, lui, d’accointances avec le second. Chapeau l’artiste ! Merci de ne pas lui signaler, pour ne pas le peiner, qu’avec le même type de raisonnement, on pourrait l’accuser de complicité avec Anders Breivik.

Mais rien ne résume mieux cette pratique de l’amalgame boutefeu que la toute première phrase de son éditorial. « L’assassin des trois enfants juifs, d’un jeune rabbin et de trois parachutistes d’origine musulmane (rajout : dont un de religion catholique) ayant combattu en Afghanistan », peut-on lire. Où l’on découvre un nouveau pays, la « Musulmanie », dont les habitants finissent parfois par rejoindre l’armée française, et même que de temps en temps, ils adoptent la religion catholique. Couleur de peau, nationalité, ethnie, religion, tout se mélange dans l’esprit de Rioufol, obsédé par la grande croisade à venir. On attend maintenant avec angoisse son analyse sur « l’origine » (d’appellation contrôlée ?) des policiers blessés du RAID, et sur « les Français innocents » [© Raymond Barre] qui auraient pu être tués nonobstant leur intervention.

Dans les moments que nous traversons, il y a deux attitudes possibles. La première : réaffirmer les valeurs de la République laïque, universaliste et émancipatrice, appeler ceux qui la défendent à faire front ensemble, dans le respect de son unité, contre ceux qui veulent la détruire. La seconde : attiser les feux de la haine, jouer sur les peurs, jeter à la vindicte populaire des noms, des communautés, pour pousser dans la sens du conflit que l’on appelle de ses voeux. Et empêcher tout débat sérieux et approfondi sur les problèmes de l’intégration ou des quartiers. J’ai relu attentivement le billet de Rioufol : dans cette longue litanie de coupables et de traitres désignés, le mot République, à la différence de « France » ou « d’identité nationale », n’apparaît pas une seule fois. Au moins, le message est clair, et les antirépublicains (et autres communautaristes) pas seulement là où on le croit.

(Source)

URL de cet article 16174
  

Même Thème
Roms de France, Roms en France - Jean-Pierre Dacheux, Bernard Delemotte
Population méconnue, la plus nombreuse des minorités culturelles, présente en Europe depuis des siècles, les Roms comptent plus de dix millions de personnes. Ils ont subi partout l’exclusion et les persécutions : l’esclavage en Roumanie du XIVe au XIXe siècle, l’extermination dans les camps nazis… Peuple à l’identité multiple, son unité se trouve dans son histoire, sa langue et son appartenance à une "nation sans territoire" . La loi Besson de juillet 2000 a reconnu les responsabilités de (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Un socialiste est plus que jamais un charlatan social qui veut, à l’aide d’un tas de panacées et avec toutes sortes de rapiéçages, supprimer les misères sociales, sans faire le moindre tort au capital et au profit.

Friedrich Engels

Appel de Paris pour Julian Assange
Julian Assange est un journaliste australien en prison. En prison pour avoir rempli sa mission de journaliste. Julian Assange a fondé WikiLeaks en 2006 pour permettre à des lanceurs d’alerte de faire fuiter des documents d’intérêt public. C’est ainsi qu’en 2010, grâce à la lanceuse d’alerte Chelsea Manning, WikiLeaks a fait œuvre de journalisme, notamment en fournissant des preuves de crimes de guerre commis par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. Les médias du monde entier ont utilisé ces (...)
17 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.