RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Jusqu’où iront-ils pour sauver les paradis fiscaux ?

Dans une émission de «  là -bas si j’y suis » (http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2450), Daniel Mermet s’entretenait avec l’auteur d’un livre intitulé «  les 600 milliards qui manquent à la France », Antoine Peillon. Cet ouvrage décrit comment les riches de ce pays (qu’ils soient particuliers ou entreprises) sont encouragés (par les commerciaux des banques installées dans des paradis fiscaux) à pratiquer l’évasion fiscale qui leur permet de payer moins (ou pas) d’impôts. Ces sommes, qui auraient dues être taxées en France et investies sur le territoire, représentent en gros selon l’auteur quelques 600 milliards d’euros, ou de 30 à 40 milliards d’euros par an.

Ce scandale des paradis fiscaux, que nombreux dénoncent tout haut sans jamais rien y changer, pourrait permettre de penser qu’en récupérant ces sommes la situation financière de notre pays s’améliorerait considérablement (songez un peu 30 ou 40 milliards par an, tout ce qu’on peut faire avec !), et c’est avec une certaine naïveté toute humaine que certains imaginent déjà le PS (Parti SOCIALISTE) prendre le parti de faire cesser cette fraude immense plutôt que de s’acharner sur les fraudeurs du RSA (calculez un peu combien il faut de fraudeurs pour arriver à 30 milliards…)…

Mais c’est sans compter la deuxième partie de l’explication de cette gigantesque arnaque : car tout en sachant que les pauvres sont déjà exsangues et que les riches cachent leur argent dans des paradis fiscaux (ils savent très bien qui et combien, et où), nos gouvernants semblent tout de même préférer -contre toute logique économique- taxer les pauvres que de faire payer les riches… Et tout cela malgré que les pauvres sont bien plus nombreux que les riches, et que le système électoral fonctionne encore selon le principe «  un homme une voix ».

Comment peuvent-ils donc faire à la fois ce choix qu’on pourrait dire politiquement «  suicidaire » (faire payer peu beaucoup de pauvres plutôt que de faire payer beaucoup peu de riches) et se faire élire quand même par ce peuple dont ils ne servent pourtant pas les intérêts ?

C’est que les choses ne sont pas simples. Bien que conscients du fait que les riches qu’ils protègent sont effectivement responsables de la misère des pauvres qui les élisent, ils sont contraints pour se faire élire de rechercher le soutien des riches en promettant le leur aux pauvres… Car si le peuple a (encore) le pouvoir d’élire le chef de l’Etat, les riches possèdent celui de le lui conserver.

Aujourd’hui propriétaires d’empires commerciaux colossaux, les Français les plus riches du pays qui possèdent l’énergie, le transport, la santé, le commerce, le BTP, et surtout les médias sont en même temps les responsables de la majeure partie de l’évasion fiscale dont souffre le budget national. Mais sans leur soutien (y compris dans le financement des campagnes à ce qu’il semblerait…), un candidat hostile (pour de vrai) à leurs agissements ne saurait gouverner, si par malheur il arrivait au pouvoir.

Mais ce cas de figure n’a que très peu de chances de se produire (ce que nous constatons aujourd’hui en France avec nos deux présidents hier ennemis et aujourd’hui «  main dans la main »), car d’une part les riches trouveront toujours un candidat corruptible pour les défendre, et d’une autre le système électoral tel qu’il fonctionne empêche à peu près certainement un tel candidat d’accéder au deuxième tour (voir vote utile). Ainsi il devient pratiquement impossible au peuple de se révolter contre un gouvernement qu’il croit avoir élu démocratiquement (puisqu’on lui dit qu’il l’a choisi librement). Et de plus, le fait que le statut pénal du chef de l’Etat semble prévoir a priori dans la Constitution que les actes commis par lui durant sont mandat bénéficient d’une immunité totale est à souligner : c’est une anticipation de la corruption de ces derniers une fois élus. Avec comme corollaire l’impossibilité pour le peuple de se repentir de son choix autrement qu’en attendant 5 longues années supplémentaires de sacrifices…

L’essentiel pour les hommes politiques se résume donc non pas à tenir les promesses qu’ils font au peuple mais simplement de faire en sorte qu’il ne s’aperçoive pas tout de suite qu’on l’a trompé, pour ne pas qu’il se révolte. Pourquoi croyez-vous donc que, d’habitude si prompts à se jeter sur les moindres rumeurs de malversations financières, les ennemis de Nicolas Sarkozy aient été si discrets sur le soupçon (lourdement étayé pourtant) de financement illégal de sa campagne en 2007 ?

Personne dans ce petit monde corrompu n’a intérêt à ce que ces choses-là se sachent, car cela remettrait en cause non seulement les élections de 2007 et la légitimité de son président, mais aussi et sûrement toute la vie politique de droite comme de gauche depuis des décennies…

Mais on ne sait jamais. Les nouvelles technologies de l’information troublent aujourd’hui un peu le jeu monopolistique de leurs médias surpuissants, car elles permettent de transmettre l’information presque sans contrôle, et à une vitesse folle. Maintenant, et grâce à ce genre de révélations qui permettent de mieux comprendre les liens qui unissent la politique et l’argent, les gouvernants vont devoir tomber les masques et faire un choix, car autrement bientôt les Denis Robert et autres Antoine Peillon vont se multiplier jusqu’à faire s’effondrer leur forteresse qui se fissure déjà  : il leur faudra supprimer un jour soit les paradis fiscaux, soit… la démocratie !

Car la démocratie, même imparfaite, peut devenir un ennemi dangereux dont il faut se méfier, ou qu’il faudra peut-être éliminer. Imaginez un instant qu’on en arrive un jour à établir publiquement la corruption de nos élites à travers les paradis fiscaux, qu’on s’aperçoive que les chambres de compensation sont le lieu de blanchiment de tous les trafics et de tous les crimes, imaginez que les citoyens se rendent compte que s’ils ne réussissent pas à boucler leurs fins de mois ce n’est pas parce qu’ils sont les victimes de l’immigration ou des fraudeurs à la petite semaine mais parce que tout un système de corruption s’est développé de manière scandaleuse et injuste, sur des sommes colossales, avec la complicité des gouvernants élus par eux et sur le dos des plus faibles et des plus nombreux dont ils font partie. Imaginez un instant qu’on s’aperçoive qu’en France comme ailleurs ceux qui se plaignent d’être trop taxés sont en réalité ceux-là mêmes qui ne payent pas leurs impôts dans leur pays, et que non contents de retirer aux citoyens les fruits de leur labeur ils exigent en plus des peuples qu’ils remboursent une dette dont ils ne sont, en définitive, pas responsables…

Que ferait alors le peuple ? N’exigerait-il pas la fin des paradis fiscaux ?

Mais cela est impossible voyons, car la fin des paradis fiscaux ferait s’écrouler tout le système capitaliste dans son ensemble. Le monde entier sombrerait dans le chaos, il faudrait tout reprendre à zéro… Et si la société ne sait pas vivre sans l’argent, elle sait très bien comment se passer… de la démocratie !

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

URL de cet article 16642
  

Même Thème
Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?
Monique Pinçon-Charlot - Michel Pinçon - Étienne Lécroart
Un ouvrage documentaire jeunesse engagé de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, illustré par Étienne Lécroart Parce qu’il n’est jamais trop tôt pour questionner la société et ses inégalités, les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, passés maîtres dans l’art de décortiquer les mécanismes de la domination sociale, s’adressent pour la première fois aux enfants à partir de 10 ans. Avec clarté et pédagogie, ils leur expliquent les mécanismes et les enjeux du monde social dans lequel ils vont grandir et (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le comportement borné des hommes en face de la nature conditionne leur comportement borné entre eux.

Karl Marx

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.