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L’Allemagne et la Deutsche Bank dans l’oeil du cyclone

Ce n’est pas en scrutant les opérations bancaires et boursières journalières de la Deutsche Bank que vous découvrirez le motif de sa faillite appréhendée. En effet, cet examen critique des opérations de la banque allemande laisse entendre que la banque aurait pu agir autrement d’où la conclusion de la présentatrice de l’émission à l’effet que les gouvernements devraient légiférer pour contrôler les banques et les empêcher de spéculer et de mener des opérations boursières trop risquées comme celles des « subprimes » en 2007. Mais si une banque se voyait soudainement empêcher de prêter l’argent de ses épargnants, elle ferait faillite immédiatement plutôt que dans cinq ans.

Reprenons point par point le raisonnement qui nous est présenté dans cette vidéo du webmagazine Le Fil d’Actualité afin d’en démontrer l’inanité.

« La Deutsche Bank possède un capital de 17 000 milliards de dollars en placement (prêts), pourtant elle enregistre une perte de 7 milliards de dollars cette année, au motif que la Banque Centrale Européenne, imposant un taux directeur à zéro pour cent, rend le prêt d’argent peu payant, forçant ainsi la Deutsche Bank à des placements boursiers mieux rémunérés, mais aussi plus risqués. Pire, le gouvernement des États-Unis poursuit la banque allemande pour un montant de 15 milliards de dollars pour son implication dans l’arnaque des « subprimes » en 2007-2008 aux É.-U. Du capital à prêter, la Deutsche Bank en a à satiété puisque l’Allemagne a un excédent commercial de plusieurs milliards de dollars chaque année (272 milliards de dollars en 2015) ». L’analyste poursuit sa fumisterie en disant qu’il y a trop d’épargne en Allemagne et pas assez d’emprunts ce qui est en partie démentit par les chiffres publiés par le FMI qui démontre que l’endettement atteint des niveaux record dans tous les pays de l’hémisphère nord, y compris en Allemagne (2). Donc, oui en effet trop d’épargne mais trop d’emprunt également. Ce qui manque aux investisseurs Allemands ce sont des occasions d’affaires dans lesquelles investir leur capital bancal. Il n’y a nulle part où cette banque puisse prêter cet argent sans risquer de le plomber – car le problème ce n’est pas la « financiarisation ou la monétarisation » de l’économie « irréelle » (sic) comme l’écrivent les économistes, le problème c’est l’étranglement de l’économie capitaliste. Le problème ce sont les marchés anémiés, sans solvabilités, que les « vautours » financiers s’arrachent faute de proies à dépecer. Le capital est disponible à profusion, mais il ne parvient plus à se valoriser – à s’investir « profitablement », ce que les économistes marxistes appellent « l’accumulation capitalistique » – d’où les banquiers – ces argentiers de métiers – sont contraints de lui imposer une circulation forcée à travers le circuit financier qui ne peut que se dégrader au point d’imploser.

Car contrairement à ce que prétendent les économistes gauchistes, la circulation financière du monétaire ne crée que valeurs boursières imaginaires, via une circulation parasitaire qui accapare une part croissante de la plus-value aux dépens du secteur productif de l’économie (industriel – construction – primaire – transport). Mais attention, ce phénomène n’est pas apparu au stade ultime impérialiste du mode de production capitaliste. Cette pratique existait dès l’origine de ce mode de production, en phase impérialiste elle s’est exacerbée jusqu’à faire imploser le système.

Pourquoi l’Allemagne est-elle dans l’œil du cyclone ?

L’Allemagne est dans l’œil du cyclone parce que l’économie allemande est prospère et la plus moderne, la plus robotisée, du monde entier. L’économie allemande est celle qui a atteint la plus forte composition organique en capital (Capital fixe/Capital variable, ou, si vous préférez, les immobilisations allemandes divisées par la rémunération des prolétaires allemands). Dans un circuit économique, la valeur marchande produite (valeur ajoutée = Va) par rapport au capital investi donne un indice du niveau de productivité de l’économie. La formule va comme suit : (Va/ (Cc = Immobilisation) + (Cv = rémunération)). De ce point de vue l’économie allemande est très performante, car c’est une économie fortement mécanisée et robotisée, ayant donc une forte productivité. En conséquence, c’est aussi l’économie qui connait la plus forte baisse de son taux moyen de profit. La loi de la baisse tendancielle du taux de profit se lit comme suit : « Lorsque la composition organique du capital augmente plus rapidement que le taux de plus-value, le taux de profit baisse » (Karl Marx).

Ainsi, des calculs récents montrent qu’en Allemagne la productivité du travail salarié plafonne alors que le taux de plus-value (Valeur ajoutée = Va) diminue pour l’ensemble de l’économie tout comme aux États-Unis (3). Pire, quand le taux de plus-value diminue ceci signifie que le capital ne parvient plus à se reproduire en quantité suffisante pour se régénérer et pour croitre et c’est là un indice de la déchéance du mode de production capitaliste. C’est ce processus que l’on appelle le stade impérialiste du mode de production capitaliste et il survient d’abord dans les économies les plus en pointe, les plus performantes, les plus mécanisées. La phase ou les contradictions inhérentes à ce mode de production, pleinement développées, en paralyse l’expansion et en provoque l’attrition. Rien à voir avec l’apparition du « capital financier », la pseudo « financiarisation ou monétarisation » de l’économie, ni avec la « monopolisation et la socialisation de la production », ni avec la prétendue « exportation de capitaux en lieu et place des marchandises » (sic) qui sont simplement des symptômes, des conséquences de la décadence du système et non sa substance.

Examinons une citation de Lénine tirée de son livre L’impérialisme stade suprême du capitalisme. Lénine écrit « Traduit en clair, cela veut dire que le développement du capitalisme en est arrivé à un point où la production marchande, bien que continuant de « régner » et d’être considérée comme la base de toute l’économie se trouve en fait ébranlée, et où le gros des bénéfices va aux « génies » des machinations financières. À la base de ces machinations et de ces tripotages, il y a la socialisation de la production ; mais l’immense progrès de l’humanité, qui s’est haussée jusqu’à cette socialisation, profite... aux spéculateurs ».

Lénine adopte ici une position réformiste, au même titre que les analystes du Fil de l’actualité qui prétendent que machinations et tripotages de la part des spéculateurs financiers sont les causes de la crise systémique du capitalisme en phase impérialiste, une phase différente du « capitalisme classique » disait Lénine (4).

Appliquons ces principes à la faillite imminente de la Deutsche Bank. En plaçant leur capital financier, dans des prêts risqués – sulfureux, les banquiers allemands n’ont pas tripoté – ils n’ont fait que leur devoir – ce qu’ont fait les banquiers du monde entier ; car bien peu d’occasions d’affaires rentables s’offraient à leur sagacité affamée. S’ils ne l’avaient pas fait, leur banque aurait périclité. Les banquiers et les spéculateurs boursiers ont été forcés par les lois du système économique et financier à ces opérations risquées puisque tout autre chemin de valorisation du capital (financier, monétaire, ou autres appellations) leur était fermé. À la prochaine occasion, ils devront récidiver. Aucun système de contrôle gouvernemental – aucune règlementation étatique capitaliste – ne pourra jamais empêcher le capital de tenter de se frayer un chemin au sein de la superstructure financière dans une veine tentative de fructifier, objet ultime de son existence.

Pour conclure

L’explication ultime de la crise de la Deutsche Bank ainsi que des crises qui secouent le système financier capitaliste réside dans le procès de production (l’infrastructure sur laquelle repose la superstructure) jamais dans les rapports de production, jamais dans la responsabilité de tel ou tel agent économique fonctionnaire du capital. Les malversations des banquiers allemands ne fournissent pas le motif de la faillite de la Deutsche Bank, elles sont simplement la réaction de survie que ces banquiers ont imaginée pour sauver leur institution tout comme les autres banquiers de la Cité et de Wall Street l’ont fait et le feront. La solution à la crise systémique du capitalisme n’est pas de règlementer ou de tenter de contrôler l’activité des banquiers, c’est de détruire le système bancaire capitaliste et l’ensemble du mode de production capitaliste ainsi que l’État capitaliste – son État-major – qui ne pourra jamais sous aucune condition être redressée n’en déplaise aux réformistes et aux opportunistes.

À l’échelle internationale, les déboires de la Deutsche Bank démontrent que l’Allemagne se retrouve à nouveau aujourd’hui à la croisée des chemins au sein de l’économie européenne et mondiale. Son développement économique la place en opposition à l’expansion du capital américain, du capital chinois, du capital russe en Europe centrale. Les alliances impérialistes se redessinent. D’un côté la Russie resserre ses liens avec la Chine, le Royaume-Uni aussi. La France resserre ses liens avec l’Amérique tandis que l’Allemagne, isolée, tente de rassembler les pays de sa sphère d’influence européenne.

La classe prolétarienne n’a rien à faire dans ces galères impérialistes mortifères qui courent à la guerre et elle doit bien comprendre ces dispositions géopolitiques – refusée de prendre partie dans ces conflits inter-impérialistes et conservée ses énergies pour le marathon final.

»» http://www.les7duquebec.com/7-au-front/lallemagne-et-la-deutsche-bank-...
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