Jeudi, les milices de l’opposition alignées sur l’Armée syrienne libre (ASL) soutenue par les Etats-Unis se sont associées aux forces liées à Al Qaïda et à des groupes criminels pour publier une déclaration qui rejette le pouvoir politique de la Coalition nationale syrienne (CNS). Ils ont juré d’unir leurs forces pour faire tomber le régime du président syrien Bashar el-Assad et imposer un pouvoir islamiste.
Leur déclaration commune affirme, “Aucun des groupes formés à l’étranger sans être retournés au pays ne nous représente.”
Au sujet des forces militaires qui constituent leur coalition, ils ont expliqué, “Ces forces croient qu’elles sont représentées de la manière la plus légitime par ceux qui ont vécu les mêmes expériences et partagé le même sacrifice de leur honnête fils. Par conséquent, la Coalition nationale et son gouvernement de transition dirigé par Ahmed Tomeh ne les représentent pas et elle ne sera pas reconnue.”
Ils ont appelé “Toutes les forces militaires et civiles à s’unir dans un cadre islamique clair s’appuyant sur la Charia, qui devrait être l’unique source du droit.”
Treize milices ont signé ce document. Le premier signataire était le Front Al Nusra, l’une des deux principales milices alliées à Al Qaïda en Syrie, officiellement considérée comme une organisation terroriste par Washington. Plusieurs milices importantes qui étaient précédemment loyales envers le Conseil militaire suprême de l’ASL ont également signé, parmi lesquelles Liwa al-Tawhid (Brigade du monothéisme), Liwa al-Islam (Brigade de l’Islam), et la brigade des Faucons du Levant (Suqour al-Sham).
Les milices qui ont signé la déclaration de mardi sont actives sur une bonne partie de la Syrie, mais sont particulièrement puissantes au nord de la Syrie. Les forces d’Al Qaïda se sont emparées d’une grande partie de la frontière entre la Syrie et la Turquie. Les armes de l’OTAN et du Golfe persique passent par la Turquie pour arriver aux milices de l’opposition syrienne, où les forces d’Al Qaïda ont imposé un régime de terreur avec les escadrons de la mort financés en grande partie par des impôts extraordinaires qui ne sont qu’un pillage de la population.
Le chef de Liwa al-Tawhid, Abdulaziz Salameh a lu la déclaration dans une vidéo affichée sur Internet. Un porte-parole de cette organisation a déclaré au Wall Street journal que les signataires formeraient une nouvelle structure de commandement politique et publieraient une série de déclarations dans les jours à venir.
La Brigade de la Tempête du Nord, un groupe de contrebandiers et de kidnappeurs installés dans la ville d’Aazaz au Nord-Ouest de la Syrie, et qui avait rencontré le sénateur américain John McCain au cours de sa visite surprise en Syrie en mai dernier, a également adhéré à cette déclaration.
Cette déclaration commune des milices liées à l’ASL et de celles qui sont liées à Al Qaïda intervient au moment où toute l’opposition syrienne est de plus en plus en colère contre la décision du gouvernement Obama de retarder une guerre directe des Etats-unis contre Assad. Le chef du CNS, Ahmad Jarba a rencontré hier le ministre américain des Affaires étrangères, John Kerry, et insisté pour que les Etats-unis exigent un changement de régime en Syrie et lancent une action militaire.
Un responsable du ministère des Affaires étrangères américain a déclaré que les politiciens de l’opposition “ont clairement exprimé leur déception qu’il n’y ait pas eu de frappe militaire. [ils voulaient] également une réaffirmation de notre position sur la légitimité de Bashar el-Assad ou son manque de légitimité, et le ministre Kerry a tiré des deux canons.”
L’alignement des forces de l’ASL sur Al Qaïda souligne la criminalité et la fraude de la guerre indirecte que les Etats-unis mènent en Syrie. Les affirmations de Washington et de ses alliés sur le fait qu’en soutenant l’ASL ils soutiennent une opposition “modérée” ou laïque contre ceux qui sont alignés sur Al Qaïda étaient des mensonges. Ces mensonges ont servi à attirer le peuple Américain dans une guerre impopulaire dont l’objectif à court terme était d’installer une dictature pro-américaine en Syrie, avec l’objectif plus large d’isoler le principal allié de la Syrie dans la région, l’Iran, et de préparer une guerre contre lui.
Les diverses organisations créées par Washington pour servir de façade à cette politique, des coalitions d’islamistes syriens et de politiciens de l’opposition installés en Turquie et en France, comme le CNS et des coalitions informelles de déserteurs de l’armée syrienne comme la direction centrale de l’ASL, n’étaient que des coquilles vides. Elles n’avaient pratiquement aucun soutien populaire et aucune influence réelle sur les éléments islamistes d’extrême-droite que les Etats-unis et leurs alliés de l’OTAN et du Golfe persique ont armés en Syrie.
Ce genre de fiction politique est complétement démenti par les revers subis par les forces d’Al Qaïda sur le terrain et les hésitations du gouverneemnt Obama à partir en guerre contre la Syrie. Maintenant que le CNS a échoué à arranger une intervention militaire américaine pour sauver de la défaite les forces de l’opposition , ces forces font savoir qu’elles pourraient abandonner le CNS, faire éclater l’ASL, et former une alliance explicite avec Al Qaïda.
Le professeur Joshua Landis de l’Université d’Oklahoma a écrit sur son blogSyria Comment que leur déclaration “représente la rebellion d’une grande partie du “courant principal de l’ASL” contre sa prétendue direction politique, et aligne ouvertement ces forces sur des forces islamistes plus dures.”
Le journal britannique Independent écrit que cette déclaration pourrait être un “coup fatal” pour le CNS établi à Istanbul, citant Charles Lister de l’agence de consultants militaires IHS Janes’s : “Les principaux acteurs islamistes d’envergure moyenne, Liwa al-Tawihd, Liwa al Islam, et Suqour l-Sham, ont finalement dit clairement où ils placent leur loyauté, avec des implications énormes pour l’opposition modérée.”
Lister a ajouté que la déclaration “vide effectivement les rangs de l’aile armée de l’ASL, à savoir le conseil militaire suprême.Il est probable que la coalition islamiste modérée a cessé d’exister en tant que structure organisationnelle unique.”
L’aile dite “modérée” est, en fait, une coalition politique instable de diverses forces anti-ouvrières. Elle comprend des activistes des classes moyennes en faveur de la “démocratie” et des agents islamistes qui comptaient recruter des couches plus arriérées de la population rurale sunnite en Syrie pour mener une guerre sectaire soutenue par les impérialistes contre les minorités religieuses comme les chrétiens et les alaouites.
Un entretien avec des étudiants favorables à l’opposition en Syrie du Nord, conduit par le journaliste italien Gabriele Del Grande pour Al Monitor, donne une image de la manière dont les couches de la classe moyenne dans l’opposition ont réagi à l’intensification de la guerre. Del Grande décrit ceux qu’il a interviewés comme “des étudiants des classes moyennes.”
Ils ont dit “Avant on chantait, “Un, un, un, le peuple syrien ne fait qu’un.” Maintenant, le chant le plus populaire dit : “Alaouites, on arrive ! Nous venons vous massacrer ! Nous allons vous égorger.”
Ils ont ajouté : “Plus de la moitié des combattants de l’ASL croient qu’ils mènent une guerre contre les alaouites, et plus généralement contre les chiites, suite aux alliance de Bashar avec l’Iran et le Hezbollah. Ce sont simplement des jeunes gens des classes les plus pauvres. Ils n’ont aucune éducation, et les armes leur ont monté à la tête. Ils sont devenus cruels. Tuer est devenu une routine.”
Les milices islamistes au Nord de la Syrie ne se battent pas seulement contre le régime d’Assad, mais se battent de plus en plus entre elles pour le contrôle du butin pris à la population. Plusieurs milices qui ont soutenu la déclaration de mardi, dont la Bridage de la Tempête du Nord, seraient en train de se battre contre une autre milice liée à Al Qaïda, l’Etat islamique en Irak et au Levant.
Les responsables américains se servent de cette lutte au sein de l’opposition pour présenter les forces liées à Al Qaïda qu’ils soutiennent, comme des modérés qui seraient opposés à l’islamisme d’extrême-droite.
Un responsable du ministère des Affaires étrangères a déclaré sur la chaîneChannel News Asia, “En ce moment, il y a un vrai règlement de comptes qui se déroule le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie qui oppose des extrémistes d’Al Qaïda et des forces loyales à Selim Idriss [commandant de l’ASL]… Ce sont les combats les plus durs que nous ayons jamais vu entre les éléments de l’armée syrienne libre d’Idriss et l’Etat islamique en Irak et au Levant.”
Alex Lantier