Un jour seulement après que le New York Times a publié à la Une un rapport prétendant montrer l’implication des Forces spéciales russes dans les manifestations en Ukraine orientale, son reportage intitulé « Des photos établissent un lien entre des hommes masqués en Ukraine orientale et la Russie, » a été démasqué comme étant une pure invention.
Le Times a imprimé des images à basse résolution de combattants, portant soi-disant des insignes russes alors qu’ils se trouvaient en Géorgie, puis, plus tard, en tant que manifestants dans l’Est de l’Ukraine, tout en affirmant qu’il s’agissait des mêmes hommes, et prouvant ainsi l’existence d’une intervention armée russe en Ukraine. Ceci était fondé sur une escroquerie grossière qui a tout d’abord été signalée par un commentateur sur un lien affiché sur Reddit. Les photos publiées dans le Times sont des versions sous-échantillonnées d’images à plus haute résolution qui circulent en ligne, et qui montrent que les hommes figurant sur les différentes images n’étaient en fait pas les mêmes.
Il est très vite devenu évident que les affirmations du Times prétendant prouver que des soldats russes dirigeaient les manifestations en Ukraine orientale contre le régime pro-occidental de Kiev n’avaient aucun sens.
La BBC a comparé les images à haute résolution de deux hommes barbus que le Times prétend faussement être un seul et même combattant. La BBC conclut, « Sur les photos de 2014, la barbe grisonnante de l’homme semble être noire tandis qu’il y a six ans en Géorgie, l’homme plus mince, que l’on voit, a une barbe rousse. »
Elle a aussi fait remarquer que les insignes des Forces spéciales russes figurant sur les uniformes de ces hommes et repérés par le Times comme preuve qu’il s’agit bien de soldats russes, « peuvent s’acheter sur Internet pour moins de 5 dollars. »
A la question de savoir si ces images « prouvent quoi que ce soit, » la BBC conclut : « On ne peut pas affirmer avec certitude qu’on a vraiment affaire à des Forces spéciales russes, comme le soutiennent les Ukrainiens. »
Pour publier ces fausses accusations, le Times a collaboré étroitement avec le gouvernement américain qui avait reçu ces photos du régime pro-américain non élu de Kiev et les avaient « confirmées » avant de faire suivre. Cependant, lors d’un point presse la porte-parole du Département d’Etat américain, Jen Psaki, que le New York Times cite dans son article, a indiqué que le gouvernement était conscient que ces photos ne constituaient pas une preuve de ce qui était affirmé.
Lorsqu’on lui a demandé avec insistance si elle était sûre que les photos montraient des individus liés à la Russie, Psaki a répondu : « Ce que nous voyons sur ces photos qui ont, encore une fois, circulé dans les médias internationaux, sur Twitter et qui sont accessibles au public, c’est qu’il y a des individus qui visiblement semblent avoir un lien avec la Russie. Nous l’avons dit publiquement maintes et maintes fois. Je vous laisse tirer vos propres conclusions quant à savoir s’il s’agit d’individus qui ressemblent ou non à ceux photographiés lors d’autres événements. »
Lors du point presse, un journaliste avait contesté que l’on puisse appeler ceci une « preuve » et demandé, « Pensez-vous que c’est une preuve qui serait valable au tribunal ? »
Psaki a répondu, « Je ne pense pas que ce soit légal, nous ne faisons pas ici un procès devant le tribunal. Nous montrons simplement que c’est une preuve photographique qui indique le lien dont nous parlons, depuis des semaines maintenant. »
Le journaliste a demandé, « Vous pensez que c’est la preuve d’un lien, ou que c’est juste..., ou bien est-ce que présumez simplement que c’est un signe de plus de ce lien ? »
Psaki a répondu, « C’est un signe de plus. »
En fait, le Times a cherché à induire en erreur ses lecteurs, en présentant sans discernement des photos manipulées fournies par ses contacts au Département d’Etat.
Au moment de transmettre les images au Times, Washington savait pertinemment qu’elles ne prouvaient absolument rien, et qu’elles n’étaient rien de plus qu’un nouvel objet de propagande à l’appui de ses accusations, à ce jour infondées, d’une implication russe en Ukraine. Le gouvernement Obama comptait sur le Times pour publier les photos et jeter de l’huile sur le feu de la campagne médiatique visant à dénoncer la Russie, sans prendre la peine de vérifier si le matériel était exact ou s’il prouvait quoi que ce soit.
Il y a une décennie, la journaliste du Times Judith Miller avait été le relais pour la diffusion de mensonges selon lesquels l’Irak disposait d’armes de destruction massive (ADM), ce qui avait déclenché une énorme campagne médiatique qui avait préparé le terrain pour l’invasion américaine de l’Irak.
Aujourd’hui, les mensonges que le Times nous sert comme des informations pourraient provoquer une guerre avec la Russie qui est une puissance nucléaire. En fabriquant les preuves d’une implication de la Russie en Ukraine orientale, le Times est en train de fournir des munitions politiques aux appels, en Ukraine et au sein des puissances impérialistes occidentales, en faveur d’une répression militaire contre les manifestations en Ukraine orientale, région qui abrite une importante population russe. Ceci pourrait entraîner une intervention militaire en Ukraine orientale de la part de Moscou afin de mettre fin à la répression et un affrontement entre la Russie et l’Ukraine qui impliquerait les puissances occidentales.
Les inventions du Times ont aussi servi à occulter le fait que ce conflit est né de la décision prise par Washington et ses alliés européens de renverser, en février dernier, lors d’un coup d’Etat mené par les fascistes le précédent régime ukrainien qui était aligné sur la Russie. Le régime pro-occidental non élu de Kiev se heurte à présent à une opposition populaire considérable dans les régions pro-russes de l’Est de l’Ukraine. C’est cette politique agressive des puissances occidentales qui alimente cette confrontation explosive en Ukraine orientale.
Les employés du Times impliqués dans cet article, comme Judith Miller avant eux, reflètent l’intégration croissante des médias au sein de l’Etat.
Henry Kissinger, secrétaire d’Etat sous le président Richard Nixon, était intervenu personnellement il y a quatre ans pour tenter d’obtenir un visa pour la Chine pour Andrew Higgins, principal auteur de l’article du Times. Higgins n’a plus le droit d’entrer en Chine depuis 1991. En effet après un reportage sur le massacre de la place Tian’anmen, on avait retrouvé dans sa mallette des documents officiels chinois et il avait été expulsé du pays.
Dans la crise actuelle, le reportage de Higgins sur l’Ukraine vise surtout à minimiser les dangers que posent les forces fascistes que Washington et ses alliés européens ont mis en place à Kiev et à diaboliser la Russie. Un article tout particulièrement infect publié le 8 avril et intitulé « Pour les Juifs ukrainiens, le plus gros problème c’est Poutine, pas les pogromes, » attaque l’idée que ces groupes fascistes représenteraient un quelconque danger pour la population juive en Ukraine.
Les milices de Secteur droit et du parti fasciste Svoboda occupent des postes clé au sein du régime non élu de Kiev et glorifient des forces fascistes de l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, telle l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) de Stepan Bandera, qui s’était allié aux nazis durant l’holocauste ukrainien. Et pourtant, selon Higgins, de telles organisations seraient bien moins dangereuses pour le peuple ukrainien que le gouvernement russe.
« Même Secteur droit, une coalition d’organisations ultranationalistes et dans certains cas néo-nazies, a fait un effort pour se distancer de l’antisémitisme, » écrit Higgins. « Fin février, son dirigeant Dmytro Yarosh, a promis durant une réunion avec l’ambassadeur d’Israël à Kiev de combattre toutes les formes de racisme. »
La tentative de Higgins de dissimuler le caractère droitier du régime de Kiev est conforme aux dénonciations actuelles de la Russie, fabriquées de toutes pièces par le Times et soutenant de façon éhontée l’intervention de l’impérialisme occidental en Ukraine.
Alex Lantier