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La Chine, puissance capitaliste . Pourra-t-elle se survivre ?

La Chine a pu devenir « l’atelier du monde » en faisant jouer ses « avantages comparatifs » sur le marché mondial : une immense main d’œuvre aux salaires de misère… et l’efficace dictature du parti dit « communiste » chinois ; mais après plus de vingt ans de privatisations par et pour la bureaucratie dominante, cette dernière s’est tellement enrichie que la colère s’accumule non seulement chez les travailleurs, mais aussi dans la bourgeoisie privée et les classes moyennes supérieures.

La Chine a connu ces dernières années des grèves répétées dans les entreprises industrielles, tandis que les campagnes sont parcourues d’explosions contre l’accaparement des terres. L’insécurité est présente partout : dans l’industrie, le bâtiment, le secteur minier. Ainsi, en 2012, plus de 1 300 personnes ont trouvé la mort dans des mines à la suite d’effondrements, d’explosions, ou d’inondations. Les scandales alimentaires se succèdent et la pollution est devenue un problème majeur de santé publique. Les responsables de catastrophes industrielles bloquent aussi la mise en œuvre de normes antipollution et sociales au nom de la compétitivité, et les accidents industriels suscitent de nombreuses protestations populaires.

Plus problématiques sont les bulles spéculatives, notamment dans l’immobilier, que facilitent les baisses de taux d’intérêt décidées par la banque centrale, dans un pays où par ailleurs le besoin de logements est immense. Beaucoup de bureaucrates s’enrichissent grâce à cette spéculation et sont peu enthousiastes à l’idée de la freiner. Par ailleurs, les ménages chinois qui se sont saignés aux quatre veines pour acheter un logement n’apprécient pas de voir les prix de l’immobilier s’effondrer lorsque le gouvernement prend des mesures pour freiner la flambée des prix. L’inflation des produits alimentaires est aussi un sujet sensible car il provoque le mécontentement des ménages les moins riches.

Notons aussi que la répression est malgré tout aujourd’hui moins effective que les années passées. Non seulement parce que les manifestants deviennent plus hardis, mais aussi et au-delà, parce que c’est le début d’un changement plus fondamental des perceptions, tant du côté du peuple que de la classe dominante. La peur recule, alors que la bureaucratie sent que sa légitimité s’érode graduellement, alors que le gouffre grandissant entre le parti et le peuple est avant tout le résultat de l’existence de ce « Parti-Etat » et de son capitalisme bureaucratique.

Sur le plan économique et social, la croissance forte réduit, sans les faire disparaître, les antagonismes qui naissent de l’accroissement des inégalités. Lorsque les revenus de la grande majorité augmentent grâce à la croissance, le fait que certains s’enrichissent plus que d’autres est moins intolérable que dans un contexte où une minorité s’enrichit tandis qu’une majorité s’appauvrit. Si les autorités ne parviennent pas à maintenir dans les deux décennies à venir une croissance suffisamment élevée, aux environs de 7 à 8 %, alors les inégalités et la corruption des élites deviendront encore plus inacceptables.

La Chine est déjà considérée comme « l’atelier du monde », mais elle est aussi devenue le premier acheteur d’un très grand nombre de matières premières, de produits intermédiaires, de biens de consommation durables et en particulier de produits de luxe. Les firmes multinationales se ruent pour produire en Chine mais aussi pour y vendre.

Jusqu’à quand la Chine parviendra-t-elle à maintenir une croissance élevée sans redistribution radicale des revenus pour rééquilibrer la croissance en faveur du marché domestique ? Jusqu’à quand le contrôle policier de la société empêchera-t-il le mécontentement de s’exprimer et de se fédérer ? Autant de questions cruciales dont les réponses sont incertaines. L’Etat n’est pas la solution aux contradictions profondes de la Chine : il est plutôt un problème en lui-même, sa corruption rampante s’impose de façon croissante comme un fardeau insupportable pour la société et provoquera un jour ou l’autre une implosion… mais pour l’instant, le principal est que les affaires continuent : bizness is bizness !

http://2ccr.unblog.fr/2013/09/21/la-chine-puissance-capitaliste/

Lire également : REVE AMERICAIN, PANIQUE ET RUEE VERS L’OR !

http://2ccr.unblog.fr/2013/06/02/reve-americain-panique-et-ruee-vers-lor/

« L’on ne sait ce que l’on doit admirer le plus : la ruse des dirigeants ou l’idiotie des gouvernés ! »…TCHOUANG TSEU

COMMENTAIRES  

23/09/2013 16:46 par gérard

Pas facile de se faire une opinion bien tranchée dès qu’il s’agit de la Chine.
Il y a aussi cette analyse de Marc Vandepitte : « La situation sociale en Chine : Perspectives et défis »
http://www.mondialisation.ca/la-situation-sociale-en-chine-perspectives-et-defis/5349875
Je trouve la conclusion plus pertinente que celle de Robert Gil, mais ce n’est qu’un simple avis de profane (à suivre)

23/09/2013 19:33 par Gangai Gabrielle

je suis d’autant plus d’accord avec Gérard que l’article de Vandepitte dont il parle emprunte de nombreuses analyses et chiffres au " Financial Times", à "The Economist" ainsi qu’à Human Dévelopment Report 2013, c’est du costaud tout çà..très loin d’affirmations gratuites...

23/09/2013 23:26 par Lionel

Oui, l’article de Vandepite est vraisemblablement indémontable et les comparaisons sont pertinentes.
Je pense qu’il faut cependant parler de l’introduction forcée de l’industrialisation dans tous les secteurs qui a engendré les "150 millions de migrants internes".
À la fois afin d’avoir de la MO en grand nombre et aussi des déplacements de certaines de ces populations rurales, paysannes et réduites à la famine qui libèrent sous tous les régimes d’immenses surfaces de terres arables propices à l’agro-industrie !!!
La progression brutale des déserts parfois aussi en lien avec des déforestation sauvages, des pollutions industrielles ou des GOI ( Grands Ouvrages Inutiles ).
Toute cette chaîne d’événements est la conséquence d’un choix politique et les vérités rétablies n’enlèvent rien au caractère capitaliste productiviste et consumériste de l’idéologie des gouvernants chinois !
Je crois qu’il faut regarder la Lune ! ... Même si des ombres la déforment ...

24/09/2013 08:39 par CN46400

Les chiens aboient mais la caravane passe. Désormais plus de la moitié des prolos chinois (7 ou 800 millions de personnes) vivent nettement mieux que sous Mao, et l’autre moitié, celle de l’intérieur, n’a qu’une hate, celle de rejoindre le niveaux de vie atteint sur les côtes.

En vertu de quoi, moi qui ait deux bagnoles à la maison de 100m2, je me permettrais de donner des leçons à des chinois qui, comme mes ancêtres, sortent de la pauvreté avec leur force de travail en bandoulière.

Les chinois sont en train de vivre le chapitre 1 du Manifeste Communiste. Chez eux, comme chez nous désormais arrivera le temps du chapitre 2. J’espère juste que nous ne serons pas conduits à monter dans leur remorque pour atteindre ce temps-là.

24/09/2013 11:06 par Dwaabala

L’impérialisme pourra-t-il se survivre face à l’émergence d’économies et de puissances politiques qui lui échappent ?

25/09/2013 14:34 par Lionel

Je profite que l’article n’ait pas encore sombré sous le goutte-à-goutte pour remettre la question de l’accaparement des terres arables de par le monde et par l’ensemble des transnationales ou des Nations.
La Chine viendrait donc de se rendre "utilisatrice" de 3 millions d’ha en Ukraine.
Au regard de la question soigneusement évitée de savoir si oui ou non la Chine s’inclut dans le système capitaliste néolibéral et si oui ou non l’état écologique de ce pays est un désastre au point d’être contrainte d’aller cultiver chez les autres la subsistance de son peupe, se pose la question fondamentale de la prétendue légitimité de commercialiser les biens communs !
N’est-ce pas une attitude intégralement néo-coloniale ???
Alors j’entends déjà le concert des clameurs qui disent qu’ailleurs c’est pire, peut-être est-ce vrai mais qu’est-ce qui nous intéresse dans ce débat ?
Pour moi c’est savoir le plus objectivement possible si la Chine a été et reste un État socialiste, ma réponse est clairement non !
Le socialisme ne pourra en passer que par le renoncement à l’idéologie du productivisme et du salariat.

La Chine se serait rendue acheteuse de 3000 ha de terres en centre Bretagne en 2010, annonce que je n’ai jamais pu vérifier mais qui mérite qu’on s’y intéresse !

25/09/2013 16:30 par legrandsoir

Vous avez décidé de faire une fixation sur la Chine ?

Chine : population 1,3 milliards d’habitants (certains disent plus, mais que la Chine minimise le chiffre pour ne "pas effrayer les autres"). Le PIB par habitant de Chine la place (selon les organismes) vers la 100ème place mondiale. Les émission de Co2, idem. La consommations d’électricité par habitant, idem.
etc, etc.

Acheter 3000 ha pour la Chine équivaut à 1 ha pour le Luxembourg. Un luxembourgeois consomme 1000 fois plus qu’un chinois.

Si les battements d’aile d’un papillon dans l’Amazonie peut provoquer un cyclone, a fortiori celles de 1,3 milliards de papillons en Chine. Même en prenant des précautions. Socialisme ou pas.

Pour moi c’est savoir le plus objectivement possible si la Chine a été et reste un État socialiste, ma réponse est clairement non !

C’est bien de pouvoir l’affirmer aussi clairement alors la majorité des gens sont incapables de citer le nom du président ou les noms de plus de 2 ou 3 villes.

25/09/2013 17:01 par CN46400

Quand un acheteur acquiert 1 ou 3000 ou 10000 ha de terre, il y a un ou plusieurs vendeurs et un état qui enregistre l’opération.... Pourquoi, dans la mondialisation radieuse, ce qui est licite pour le gaulois Begbeider serait illicite pour un chinois ? Les néo-bourgeois ukrainiens ont choisi de vendre les bijoux de famille, c’est aux prolos ukrainiens d’apprécier et de réagir en conséquence !

25/09/2013 17:56 par Lionel

Pas de fixation sur la Chine, aucune stigmatisation mais une préoccupation très vive de la question de l’accaparement des terres - Y compris par la Chine à très grande échelle - dénié par une large frange de gauche.
Nous sommes d’accord que la question de la subsistance est cruciale et passe par la mise à disposition librement des terres vivrières aux paysans.
Bien exploitées, ces revenus agricoles suffisent largement à tous les peuples mais à la condition expresse que les populations paysannes n’aient pas été décimées pour / en raison de, l’avènement de l’agro-industrie totalement incapable de faire face aux questions alimentaires.
Dans ce cas de figure où sont en bonne place les étasunis, la Chine vient faire elle aussi son marché afin d’assurer l’alimentation des chinois.
C’est ce que je souligne qui me semble un problème du point de vue d’un pays se revendiquant socialiste, là ou les acheteurs sévissent les paysans disparaissent et c’est vrai en Ukraine comme en Bretagne, l’échelle ne change rien et c’est encore plus vrai parce que déjà daté, à Madagascar où c’est la Corée du Sud qui a dépossédé les paysans malgaches de plusieurs millions d’ha.
Les grandes universités us ont investi dans les terres kényanes ou mozambicaines.
Alors non, s’il vous plaît, pas de fausses accusations, si l’on considère cette question, il est hors de propos de surligner ou d’escamoter le rôle de la Chine et ce n’est en rien proportionnel à l’importance de la population, 3000ha en Bretagne disparaissent avec autant de dégâts que quelques millions en Afrique, le mal est le même pour les populations.
Comment un pays comme la Chine déplace ses paysans, laisse ses terres arables se détériorer ( l’agro-industrie est mortelle pour toutes les terres pas uniquement en France ! - et plutôt qu’apporter des solutions d’autonomisation alimentaire va s’approprier cette richesse sur d’autres continents ?
J’aimerais entendre quelques arguments, je ne vois pas où ce serait défendable !

26/09/2013 10:05 par gabrielle gangai

bonjour,
pour ceux qui s’intéressent à la Chine et apparemment ils sont nombreux.. je suggère 2 livres pour comprendre les choix politiques de ce pays continent, un ancien et un très récent.
D’abord, "Le Monde chinois" de notre immense sinologue Jacques Gernet, anciennement professeur au Collège de France, ce livre est paru en 1972 mais vous pouvez, comme moi, le trouver en occasion, ensuite "La voie chinoise" de Michel Aglietta économiste français ancien élève de l’école polytechnique et de l’ENSAE paru récemment aux éditions Odile Jacob.
Je me suis toujours méfiée de jugements en noir et blanc et donneurs de leçons, typiquement français d’ailleurs, donc y compris des miens...

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