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l’OTAN est devenue antirusse après avoir été antisoviétique car, communiste ou pas, la Russie est un obstacle.

La cocotte qui tue.

Ici Beyrouth ! Nous sommes le samedi 8 mars 2014 à 14 heures et, depuis pas mal de temps, des femmes et des hommes convergent en direction du Musée National, lieu de départ de la manifestation de protestation des femmes Libanaises contre la violence ordinaire qui les tue et les minore ainsi que pour la mise en place d’une loi qui leur donnera enfin les mêmes droits qu’aux hommes.

Pendant ce temps, je découvre que rien n’a changé en France. François Hollande a le même ministre des affaires étrangères que Nicolas Sarkozy, Bernard-Henri Lévy, une gueule magnifique d’entarté chronique, mais surtout un fanatique pour qui celui qui ne pense pas comme lui est un révisionnisme ou un antisémite, en tout cas « une personne qui glisse sur une pente dangereuse », sa formule préférée. Alors, c’est l’éternel retour d’un cauchemar : je le vois à la télévision, blotti à l’arrière d’une voiture, un peu rabougri, tendance vieux beau, qui accompagne le boxeur autoproclamé « voie nouvelle de l’Ukraine » en direction de l’Elysée où un Président élu démocratiquement reçoit ce Vitali Klitschko triple champion du monde poids lourds choisi par les USA et l’Europe sans doute au bout d’une révolution que certains appellent plus prosaïquement un coup d’Etat : rien ne change, le choix des mots est tout simplement une guerre de communiqués. Ainsi, les médias fixés sur la Crimée, notre Président désirant, met en pratique son vrai projet politique, pas celui de la campagne, mais celui qui met en œuvre la diminution du coup du travail, en rémunérant encore plus le capital ; c’est tout simplement le glissement progressif vers la rupture de l’équilibre social. Ça ressemble à une soumission à la ligne éditoriale de l’OTAN dont un des supporters les plus distingués déclarent à qui veut bien l’entendre : La raison pour laquelle je m’oppose au salaire minimum est qu’il détruit des emplois, chose que, je pense, est indiscutable. (Alan Greenspan , ancien président de la Réserve fédérale).

A Beyrouth, si la Syrie voisine fait entendre sa guerre, la manifestation qui se met en place produit un autre son, celui des femmes qui protestent contre la violence domestique, véritable guerre intérieure où tombent chaque jours de plus en plus de mères, d’épouses et de filles. La mobilisation dénonce aussi l’atermoiement des forces gouvernementales autour d’un projet de loi sur « la violence contre la femme ». Une loi pour qu’un avocat général au service de la famille puisse prendre la décision d’éloigner la victime de l’auteur des violences ; une loi pour favoriser la création d’une force de sécurité intérieure affectée spécialement à la gestion de cette violence, car la femme qui va porter plainte à la gendarmerie est souvent perçue comme une suspecte. Jusqu’ici, le mari peut même porter plainte contre la femme qui fuit le foyer : une vraie vie en enfer ! En ce jour, l’urgence est de vaincre les dernières oppositions, et c’est pour cela que les protestataires réclament haut et fort l’urgence d’une confrontation publique et directe avec les autorités religieuses et les députés qui les soutiennent, car l’enjeu n’est plus de parler de démocratie mais de la vivre.

Mais que signifie aujourd’hui vivre la démocratie ? Est-ce comme l’autre soir sur France 2, chez Frédéric Taddeï, où aussi bien Roger-Pol Droit que Alain Duhamel, avec un aplomb et un sérieux confondants, tenaient une ligne de front impossible pour dire, un peu à la manière des proches de Nicolas Sarkozy, qu’un excès de transparence portait atteinte à la démocratie. Les écoutes de conversations de l’ancien chef de l’Etat étaient sur la sellette et il faut reconnaître que si les propos nauséeux rapportés ont été vraiment tenus, c’est bien ceux qui les ont prononcés qui mettent la démocratie en danger, ceux qui précisément ont en charge le respect des valeurs qui font notre République et qui s’en moquent ouvertement. Je ne suis nullement l’ennemi du secret dans le domaine des négociations en cours ou dans le jeu de la vie privée, mais si le jardin secret cultive des fleurs empoisonnées, il est indispensable de le savoir et de les arracher ou bien de les exhiber pour en finir avec le respect à ceux qui ne le méritent pas. Oui, la vérité est une quête du philosophe, mais c’est aussi le métier du journaliste, une vérité qui ne se négocie pas, qu’elle soit désespérante ou mortelle. Et la menace d’un avocat brouillon ne pourra rien y changer. Oui, Monsieurdubarreau, lorsque face à la facile évidence, quelqu’un choisit la vérité qui fait mal, c’est un acte démocratique. Alors, j’ai peur que le modèle démocratique promu par le turbo-capitalisme ne soit plus que le masque d’une certaine décomposition de la Démocratie, de l’idée même de partage qui la fonde, ce à quoi aspirent les femmes de Beyrouth.

Dans la capitale libanaise, la manifestation commence par un spectacle sur les marches du Musée National témoin du passé d’un peuple profondément enraciné dans l’Histoire de la pensée méditerranéenne. C’est un couple de marionnettes géantes, le mari en noir et la femme en blanc, une séparation nette et franche entre le bourreau et l’innocence, une séparation dogmatique certes, mais que la réalité confirme, car, juste avant, une mère en pleurs, la photo de sa fille et de ses petits enfants dans les mains, raconte devant les caméras le calvaire d’une femme tuée par son mari à coups de cocotte-minute ; c’est tout simplement insoutenable. La scène est poignante, car les larmes ne troublent pas une voix profonde, sortie des tripes, râpeuse, qui exprime toute la douleur du corps et de l’âme, mais aussi qui réclame justice et la fin de cette tragédie, de ces crimes à répétition qui ressemblent à un massacre massif, toléré, en tout cas intériorisé comme un destin, un héritage de la tradition religieuse ou pas, ce qui complique encore les choses. Etre dans ce cortège réclame du courage et toutes celles qui sont là n’en manquent pas. Des jeunes, des moins jeunes, des femmes âgées, dignes et silencieuses avec ou sans foulard sur la tête, mais fières d’être là pour protester et manifester leur souffrance et leur détermination de ne plus se taire. Elles font vivre, par les conversations, les témoignages, les mots d’ordre, un versant dynamique et nourricier de la démocratie, celle de la rue puisque, jusque là, aucune autre voie ne leur est autorisée.

A Paris, François Hollande continue de menacer la Russie, la fable de la grenouille tient encore la route. Il aime bien occuper le devant de la scène, sans comprendre ou en le sachant, ce qui est encore plus grave, qu’il est le complice d’une guerre d’un jusqu’auboutisme singulier des USA pour réduire une puissance qui gêne encore son désir d’hégémonie. Qui peut fermer les yeux et ignorer que, depuis la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis encerclent au plus près la Russie, avec de plus en plus de nouvelles bases, y compris en Ukraine, qui mettent la Russie à portée de missiles ?

Et vous voudriez que Poutine se laisse faire ? C’est désormais clair comme de l’eau de roche, l’OTAN est devenue antirusse après avoir été antisoviétique car, communiste ou pas, la Russie est un obstacle. Alors, tous les coups sont permis : le 2 Mars, le secrétaire d’Etat US John Kerry a condamné « l’acte incroyable d’agression » de la Russie en Ukraine (Crimée) et menacé de sanctions économiques, car « Au 21ème siècle, on ne se comporte pas comme au 19ème siècle en envahissant un autre pays sous un prétexte inventé de toutes pièces. » ; il avait sans doute oublié que l’Irak, c’était à la fois et successivement au 20ème et au 21ème siècle et qu’un certain sénateur John Kerry avait voté en la faveur de son invasion. La encore La Fontaine nous apprend que la loi du plus fort est celle de l’hypocrisie et du mensonge tout en réduisant au silence le plus « faible ». En tout cas, Monsieur le Président François Hollande, vous irez la faire la guerre avec vos tirailleurs atlantistes préférés, Laurent Fabius et Pierre Moscovici. Ou alors, s’il vous plaît, écoutez un peu Hubert Védrine et la prudence qu’il suggère dans une affaire où s’agitent des attitudes bien légères.

A Beyrouth, le cortège est de plus en plus dense et s’étire à l’infini du dédale qui caractérise Beyrouth, les télévisions sont nombreuses, les riverains ou autres promeneurs encouragent les manifestantes en reprenant les slogans et les chansons, dans un écho harmonieux : c’est un chant de lutte et d’amour, qui embrase la ville, car toutes ces femmes et ces quelques hommes ne disent qu’une chose, vivre, rien que vivre : encore « des fanatiques illuminés » qui osent réclamer des jours heureux. La dignité est le centre de gravité de ce cortège où les plus âgées ne sont pas les plus à la peine, leurs youyou percent la ville et mon corps se couvre du frisson des profondeurs. Lésées, battues, violées, minorées, mais quel est donc ce monde qui se baigne dans la fange de l’oubli de l’être. Elles gonflent des ballons blancs sur lesquels se dessine une goutte de sang accompagné d’une simple phrase « notre sang est le même », une petite fille demande à sa mère si elle a le même sang que son père, la mère sourit et lui dit tout simplement que OUI.

Le même jour en France, au journal de 20 heures de la 2, la célébration de la journée de la femme bat son plein et le service public a choisi une femme qui a réussi. Partie de presque rien, coiffeuse, elle est désormais à la tête de plusieurs dizaines de salons. Une véritable meneuse de femmes, elle, qui parle avec une fermeté arrogante à des apprentis ou des ouvrières de son entreprise. C’est une battante célibataire qui veut désormais fonder une famille et avoir des dizaines d’enfants, sans doute. Une réussite au bout des ciseaux que salue un spécialiste du marketing, rien que ça ! Et oui, encore un spécialiste qui sait de quoi ça parle, de la réussite industrielle ou commerciale, mais pas des femmes, en tout cas pas vraiment des conditions de vie faites aux femmes dans le monde.

A Beyrouth, les manifestantes ont mis du temps à se séparer, à s’arracher à cette assemblée de femmes qui les a rechargées. Heureuses et déterminées, elles ont fini par se disperser en chantant, dans la lumière chaude d’un crépuscule incertain. La rumeur de la ville a repris le dessus où les klaxons ont repris leurs appels sauvages. Dans ma chambre d’hôtel, à la fin du journal de la 2, j’ai la nausée, car le journaliste homme, content de lui, a vraiment l’impression d’avoir parlé de la femme, alors même que ce choix était une esquive, un masque de la décomposition du vivant comme il ne veut pas la voir ou peut-être comme ceux qui l’emploient ne souhaitent pas qu’on en parle. Qu’on se le dise ! pour le service public, ce soir- là, une femme, digne d’être une femme dont on parle, ne peut être qu’« un » chef d’entreprise : une conception du monde qui est une autre forme de violence et pas la moindre.

Anatole Bernard (pour Le Grand Soir).

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