A l’occasion du 75ème anniversaire de la charte des Nations Unies, cette conférence touche une question hautement brulante : Les Nations Unis ont-elles respecté leurs propres valeurs ?
Parmi les objectifs fondamentaux des Nations Unies figuraient le maintien de la paix et de la sécurité internationale, le rejet de l’utilisation de la force et des menaces comme moyen de pression, le règlement pacifique des différends et le développement de relations amicales entre les nations, fondé sur le respect de l’autodétermination des peuples et la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ces principes ont-ils été violés par des pays membres ? Par exemple, en participant à des « sanctions », embargos, et mesures extraterritoriales et des sanctions unilatérales, à des blocus illégaux contre des peuples innocents ? Rappelons qu’en ce moment, il y a 32 peuples qui souffrent de « sanctions », embargos ou blocus illégaux.
A travers différentes approches, les oratrices et orateurs se sont exprimés à tour de rôle et ont pu échanger entre eux et avec le public. Provenant de la Syrie, de Cuba, de la France et de la Suisse, ils se sont rencontrés pour comparer leurs différentes expériences et se ont abordé ces questions depuis plusieurs angles de vue. Ils viennent de pays qui souffrent des interventions impérialistes ou de pays qui font partie des agresseurs. Néanmoins, leur verdict était clair : Les blocus illégaux et immoraux des États-Unis contre les peuples constituent un génocide et un crime contre l’humanité et doivent être arrêté immédiatement, il faut respecter la souveraineté des peuples et le droit international ainsi que procéder à la démocratisation réelle et effective des Nations Unies.
Nous avons été accueilli par Prof. Michèle Grochiez qui s’est battue pour avoir un lieu de conférence après avoir été refoulée en dernière minute par l’Université de Berne.
Au nom de l’Association Suisse-Cuba et de ALBA Suiza, Dr. Natalie Benelli nous a adressée quelques mots d’introduction pour situer le thème et rappeler que les sanctions et blocus économiques, financiers et commerciaux imposés par les gouvernements des États-Unis et leurs alliés en Europe, en Amérique et en Australie tuent des centaines de milliers d’enfants, de femmes et d’hommes dans des pays comme l’Iran, l’Iraq, la République populaire démocratique de Corée, la Syrie, le Venezuela. Pour donner quelques exemples : 500 000 enfants sont morts en Irak dans les années 1990 comme conséquence du blocus – « un prix qui en valait la peine » selon Madeleine Albright, alors ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU. 40 000 personnes sont mortes au Venezuela entre 2017 et 2018 à cause des sanctions. En Iran, pays sous pression maximale, les sanctions ont empêché le gouvernement de prendre des mesures médicales, économiques et sociales nécessaires pour protéger assez rapidement sa population du Coronavirus. Outre les blocus, d’autres formes de « guerres silencieuses », ignorées par les médias mainstream, telles que le financement de guerres par procuration et de troupes paramilitaires ainsi que les interventions militaires provoquent des milliers de morts.
En représentant Alba Suiza et l’Association Suisse-Cuba, Benelli a mis le doigt sur deux entreprises en Suisse, IMT Medical AG et Acutronic Medical Systems AG, achetées il y a deux ans par l’entreprise étasunienne Vyaire Medical Inc., qui ont reçu l’instruction de cesser leurs relations avec Cuba et ont refusé de fournir des ventilateurs à Cuba, destinés au traitement de patients Covid-19, ou le refus d’une société de logistique de transporter à Cuba des dons d’équipement médical – notamment des masques respiratoires et des tests, sans oublier de dénoncer l’application extraterritoriale du secteur bancaire suisse du régime de sanctions.
Suivront un synopsis puis un résumé subjectif de ces 6 heures d’interventions et d’échanges avec Alfred de Zayas, Ayssar Midani, Gabriel Galice, François Asselineau, Abel Prieto
De Zayas suggère une résolution condamnant les EU au niveau juridique, en citant l’Art. 96 de la charte des Nations Unies et portant la question à la Cour Internationale de Justice afin d’obtenir une opinion consultative comme celle concernant l’Apartheid. La Cour Pénale Internationale devrait examiner les crimes des Etats-Unis selon l’article 7 (crimes contre l’humanité) du Statut de Rome.
Prieto nous rappelle les valeurs sur lesquelles les Nations Unis ont été fondées il y a 75 ans et dans quelle mesure elles ont été trahies. Il nous met aussi en garde contre un nouveau fascisme émergent qui s’épand dans toutes les régions de la planète. En même temps, il nous rassure qu’il y a et qu’il y a toujours eu des foyers de résistance et nous rappelle l’importance de garder ses valeurs et de semer des idées et de la conscience.
Midani insiste sur le fait qu’il s’agit d’une guerre d’agression contre la Syrie et non pas d’une « guerre civile » ou d’« une révolution » et que la propagande impérialiste propage des attaques faites par des terroristes mercenaires de l’OTAN et qu’on attribue au président syrien. A la fin de son intervention elle lance un appel à tous les peuples et les pays qui s’opposent à l’hégémonisme USA OTAN à former un front mondial contre le terrorisme et hégémonisme, à s’allier à la Russie et à la Chine pour la création d’un monde nouveau basé sur le respect réciproque et la coopération dans le cadre de relations gagnant /gagnant ainsi que le respect de la charte de l’ONU.
Galice parle d’infowar et de Psyops : des guerres qui tuent sans armes et il devient aussi très vite évident que les médias jouent un très grand rôle dans ces guerres. Pour ce journaliste, l’ info en Suisse contre Russie, la Chine, l’Iran (...) est de la propagande, et non pas de l’info.
Le professeur Alfred de Zayas déplore qu’on a corrompu le langage de la Charte, et même le langage des droits humains, instrumentalisé le Droit International afin de poursuivre une guerre non-conventionnelle contre les Etats perçus comme dissidents du modèle néolibéral, transformé les droits humains en armes de déstabilisation des Etats en lieu d’outils de la mise en œuvre de la dignité humaine, qu’on critique Cuba, le Nicaragua, la Syrie et le Venezuela au lieu de condamner les crimes au Brésil, au Chili, en Colombie, Honduras, Israël, Turquie, Arabie saoudite (il a oublié de mentionner les EU), il parle d’un Droit international à la carte et déplore l’impunité institutionnelle et la corruption des institutions. « Que faire quand on ne peut plus croire aux instances internationales, à l’interaméricaine des droits de l’homme, à la Cour européenne, même à la Cour internationale de Justice ? »
Cet ancien rapporteur spécial des Nations Unis et ancien greffier des Pétitions à l’Haut-Commissariat aux droit de L’homme nous confie qu’il est en train de rédiger un livre sur “l’Industrie des droits humains” pour démontrer comment Amnesty International, Human Rights Watch, la ISHR (International Service for Human Rights), l’OSDH (l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme, SOHR en anglais) et d’autres déforment les droits humains. De Zayas remet aussi en question la démocratie chez nous et aux USA, pays dans lequel il passe une partie de sa vie : « Il n’y a pas de différence entre démocrates et républicains, les deux sont pour l’unilatéralisme, le militarisme, Wall Street, Israël, vous y avez donc le choix entre la peste et le choléra ».
Lui, le seul rapporteur de l’Onu qui a visité le Venezuela après 21 ans, témoigne qu’au Venezuela il n’y avait pas encore de “crise humanitaire” en 2017, qu’« elle était crée par les sabotages ciblés, la violence des Guarimbas qui attaquaient des écoles, le transport public, les hôpitaux, installations électriques et téléphoniques et nous rappelle que l’on a brulé vif sept chavistas.
Comme les orateurs suivants, de Zayas dénonce les agressions d’Israël, de l’Europe, de l’Otan, des USA contre la Syrie, contre Cuba (qui d’ailleurs violent même les droits internes des USA ainsi que la Charte de l’Organisation des Etats Américains (Art.3, 19, 20) et que malgré 28 résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies demandant l’abolition du blocus contre Cuba, les Etats Unis ont même multiplié les sanctions et augmenté la pression sur l’île de Cuba . « Le maintien des blocus illégaux avec tous les morts qu’ils impliquent sont un crime contre l’humanité ».
Ce juriste plurilingue nous donne des numéros d’articles qui sont quotidiennement violés, et parle d’une damnatio memoriae de rapporteurs inconfortables qui ont systématiquement été mis à l’écart avec leurs rapports censurés ou effacés. « On se bat contre une presse qui n’est pas libre ! »
De Zayas nous rappelle que l Art.103 de la “ supremacy clause ” stipule que tous les arrangements doivent être en conformité avec la Charte, donc respecter la souveraineté et l’égalité des Etats sans ingérences, mais qu’« ils ont tellement corrompu le droit international et inventé pour leurs fins le R2P (“ Responsibility to Protect ”), ce qui leur permet d’intervenir en ‘intervention humanitaire’ sous prétexte de protéger. La R2P est incompatible avec l’Art.2 (4) de la charte. »
Pour dénoncer ce genre de disfonctionnement, cet expert indépendant a systématiquement subi la censure : « J’ai écrit mes 14 rapports seuls, sans le Secrétariat ou le Haut-Commissariat, sinon ils auraient été censurés, le bureau m’a censuré 12 fois, mais ce n’est que le sommet de l’iceberg, le pire c’est l’autocensure. Je peux parler maintenant parce que ma carrière en tant que rapporteur des Nations Unis est derrière moi. »
Le docteur. Ayssar Midani a commencé par nous décrire que son pays subit une agression menée par l’Europe, l’Otan, Israël, les EU et leurs alliés dans la région (Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes unis) par terroristes mercenaires interposés, une guerre par procuration, c’est-à-dire par intermédiaires, menée contre son pays. « La Syrie résiste depuis 10 ans à une guerre d’agression de plusieurs tentacules et axes. Des terroristes dépêchés de 130 pays au nombre de 200 à 350 000 ont envahi la Syrie de tous les côtés : Nord (Turquie), Est (Iraq), Ouest (le Liban), Sud (Palestine occupée : Israël). »
Midani a insisté sur le fait qu’il s’agit d’une guerre d’agression et non pas, comme la propagande impérialiste la décrit d’une « guerre civile » ou d’« une révolution ».
Elle rappelle qu’en 2010 son pays avait zéro dette, était autosuffisant et avait un développement de 6-7 % malgré des « sanctions - blocus » imposées par les EU depuis 1978.
Cette docteur en sciences dénonce les massacres chimiques commis par les terroristes (en 2013 à Khan el Assal dans la région d’Alep et à Douma dans la banlieue de Damas), mis sur le dos de son gouvernement : « Ce sont les Casques Blancs terroristes issus d’Al Nosra qui les avaient commis. De même qu’à Khan Cheikoun. Les rapports du Professeur Theodor Postol de la MIT ainsi que Seymour Hersh journaliste d’investigation montrent ces faits. Leurs publications en 2013,2014, 2017 ont montré les accusations mensongères contre l’Etat Syrien. »
« C’est le SOHR (Observatoire Syrien des Droits de l’Homme OSDH) qui rapporte les faits filmés par les casques blancs membres de groupes terroristes, eux-mêmes créées par le MI6 (service de renseignements britanniques) avec James le Mesurier qui a été trouvé mort à Istanbul comme rapporte le Daily Telegraph du 11 nov. 2019. Les casques blancs sont une partie d’Al-Nosra, organisation terroriste affiliée à Al-Qaïda. Al-Nosra agissait en Syrie depuis 2011 encouragée par les pays occidentaux, notamment la France ». Laurent Fabius avait affirmé : « Al-Nosra fait du bon boulot en Syrie ».
Midani évoque d’autres mises en scène et attaques sous fausse bannière, exécutés par les terroristes “ made in USA ” ou en Europe et m’a fourni une liste de ses sources** que vous trouverez en fin de ce rapport.
« Hilary Clinton (dans son livre Hard Choices) et Donald Trump ont dit plusieurs fois eux-mêmes dans leur campagne électorale que ce sont eux qui ont créée Al-Qaïda et ils ont coopéré avec Israël et les mouvements islamistes, et ont armé et financé ces groupes terroristes. Toutes ces atrocités ont ensuite été attribuées au gouvernement syrien par les memédias occidentaux, alors que le peuple soutenait son Président légitime Bashar al-Assad et l’Armée Arabe Syrienne. »
A une question du public, concernant la position ambiguë des réfugiés syriens en Europe, elle explique que certains réfugiés répètent ce que la propagande occidentale raconte, soit parce qu’ils croient eux-mêmes à cette propagande, soit pour des raisons opportunistes, par exemple pour avoir le statut de réfugié en Europe. « S’ils veulent être accueillis chez nous, ils ne peuvent pas dire qu’ils fuient les 6 000 frappes que la coalition occidentale leur a envoyées, rien qu’entre 2014 et 2017, alors que cette même coalition a délibérément laissé l’Etat islamique reprendre Palmyre. »
Madame Midani nous raconte comment les EU ont bombardé tous les ponts, comment la Turquie a pillé et détruit l’industrie syrienne, comment les terroristes ont détruit l’infrastructure de l’économie syrienne : les routes, les chemins de fer, les centrales de production d’électricité, les circuits de distribution d’eau, les récoltes etc. Elle décrit les différentes agressions israéliennes et de la Turquie qui est membre de l’Otan au cours des dix années de guerre et parle de la solidarité et compassion de la Syrie avec ses frères et sœurs de la Palestine occupée. Elle salue l’aide de leurs amis, la Résistance libanaise, l’Iran et la Russie qui est intervenue à la demande de la Syrie en septembre 2015 pour lutter contre les terroristes et libérer son pays de leur domination, la Russie étant le seul pays à respecter à la lettre la Résolution 2245 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Après des incendies provoqués par les terroristes au moment de la moisson (au mois d’août) qui ont brûlé la plus grande partie de la production céréalière – elle nous annonce pleine d’émotion des nouveaux incendies criminels en octobre qui dévastent les vallées et les plaines et ses milliers d’oliviers, d’arbres fruitiers et forêts juste la veille de la cueillette des olives et des fruits, au Liban et en Syrie, autre acte odieux pour mettre les peuples à genoux et les faire accepter le diktat étasunien.
A la fin de son intervention Ayssar Midani lance un appel à tous les peuples et les pays qui s’opposent à l’hégémonie EU / OTAN à former un front mondial contre le terrorisme et hégémonisme, à s’allier à la Russie et à la Chine pour la création d’un monde nouveau, basé sur les relations de respect réciproque, de coopération, dans le cadre de rapports gagnant /gagnant et dans le respect de la charte de l’ONU.
Andrea Duffour