15 

La voie à la guerre EU-OTAN

Le correspondant socialiste

La défaite de l’Union soviétique il y a plus de 30 ans a levé le principal frein à la liberté de manœuvre impérialiste – et les États-Unis n’ont pas perdu de temps pour profiter pleinement de cette opportunité, agissant en toute impunité pour renforcer et étendre leur domination militaire, économique et politique. Le monde unipolaire est devenu un endroit beaucoup plus dangereux pour des millions de personnes qui en ont subi les conséquences mortelles.

Aujourd’hui, après des décennies de destruction et de déstabilisation en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Somalie, au Pakistan, en Ukraine et dans des dizaines d’autres pays, les États-Unis se retrouvent confrontés à deux obstacles qu’ils perçoivent comme de graves menaces pour leur position : une la Chine et la Russie qui ont mis un terme à la marche de l’OTAN vers l’est. Ces défis exercent une pression sur des États-Unis de plus en plus imprudents, alors qu’ils tentent de conserver leur domination mondiale et qu’ils sont confrontés à une crise de légitimité intérieure.

Le mois dernier, Biden a qualifié ce moment de « point d’inflexion » dans la bataille entre « démocratie » et « autocratie », en demandant 105 milliards de dollars supplémentaires au Congrès pour ajouter au budget d’armement de mille milliards de dollars pour l’année. L’argent neuf est destiné à financer des guerres simultanées contre la Russie et la Palestine – ainsi que des milliards pour que Taïwan se prépare à une guerre contre la Chine.

Avec un complexe militaro-industriel dominant qui fait pression en faveur d’un conflit perpétuel et une économie financiarisée affaiblie, les États-Unis ne connaissent la guerre que comme moyen de maintenir leur suprématie et n’a pas de stratégie à long terme pour arrêter son déclin. Comme nous pouvons le constater au Moyen-Orient, ils préfèrent risquer une destruction catastrophique, allant même jusqu’à déclencher une Troisième Guerre mondiale, plutôt que d’accepter et de s’adapter pacifiquement à la réalité. La question à laquelle nous sommes confrontés est la suivante : une escalade continue vers une guerre mondiale est-elle désormais inévitable ?

La guerre d’Ukraine

La guerre en Ukraine marque le début d’une guerre étasunienne plus ample contre ses deux principaux rivaux. De son point de vue, le pays a déjà réalisé plusieurs gains stratégiques.

Après avoir orchestré un coup d’État anti-russe en 2014 et, depuis lors, des bombardements continus sur le Donbass, tuant plus de 13 000 personnes, les États-Unis ont réussi à inciter la Russie à lancer une opération préventive pour tenter d’empêcher l’armement nucléaire à sa porte. Vingt mois après le début de la guerre, des faucons de premier plan comme David Ignatius du Washington Post se vantent que « cet été a été triomphal pour l’alliance » (1), alors que les États-Unis intensifient leurs efforts pour affaiblir la Russie, destituer Poutine et démembrer le pays.

Non seulement la guerre a permis de réaliser « l’aubaine stratégique » de l’expansion de l’OTAN, comme l’appelle David Ignatius, que Macron qualifiait il y a seulement 4 ans de « mort cérébrale », mais aussi le retour de l’Allemagne sous le contrôle des EU. La destruction du gazoduc Nordstream et les sanctions imposées par les EU contre la Russie ont mis fin à l’alignement économique et diplomatique croissant de l’Allemagne vers l’Est. (2) Les entreprises allemandes espèrent toujours pouvoir maintenir des échanges commerciaux rentables avec la Chine, mais seulement dans la mesure où cela n’entre pas en conflit avec les restrictions imposées par les États-Unis.

En conséquence, au premier trimestre 2023, l’Allemagne, la plus grande économie de la zone euro, est entrée en récession. L’affaiblissement de la principale économie nuit également au reste de l’UE. Il y a quinze ans, l’économie de l’UE était légèrement plus importante que celle des États-Unis. Aujourd’hui, l’économie étasunienne est un tiers plus importante que celle de l’UE et de la Grande-Bretagne réunies. C’est en partie le résultat des politiques d’austérité de l’UE après le krach de 2008, mais cela a été considérablement accéléré par le découplage de la Russie exigé par les États-Unis. L’année et demie qui vient de s’écouler a été marquée par un processus de « cannibalisation économique intra-occidentale », selon l’expression de l’écrivain Thomas Fazi. (3)

La guerre a également permis d’accomplir ce que les présidents précédents n’ont pas réussi à faire : forcer l’Europe à apporter une plus grande contribution à l’OTAN – rappelez-vous que Trump a qualifié les puissances européennes de « mauvais payeurs » parce qu’elles s’appuient sur la « protection » américaine ? (4) Les gouvernements européens ont tous succombé et ont utilisé la prétendue menace russe pour justifier auprès de leurs populations le détournement de l’argent des salaires et de l’aide sociale vers l’armement.

Le chancelier Scholz a annoncé 100 milliards d’euros pour le réarmement afin de faire de l’Allemagne « le garant de la sécurité européenne », c’est-à-dire remplacer la France en tant que première puissance militaire continentale au sein de l’OTAN.

La France, principal rival de l’Allemagne, a entre-temps annoncé sa propre augmentation de ses dépenses d’armement, la plus importante depuis 50 ans, atteignant 413 milliards d’euros d’ici 2030, ce qui éclipse le budget d’armement de l’Allemagne. (5) Cela montre clairement que la France n’acceptera pas la supériorité militaire allemande.

La Pologne utilise également la guerre pour s’affirmer, doublant ses dépenses de défense pour créer la plus grande armée terrestre d’Europe.

En opposant la « nouvelle » Europe de l’Est à la « vieille » Allemagne et la France, et en attisant la rivalité franco-allemande, on renforce la domination des EU. Toute idée d’une force militaire européenne agissant comme un contrepoids autonome aux États-Unis – qui était l’ambition de longue date de la France depuis De Gaulle – a été anéantie par « la subordination du projet européen aux objectifs de l’OTAN ».

Et pourtant, malgré ces succès incontestables, la contre-offensive ukrainienne tant vantée, menée avec les armes et les conseils occidentaux, a échoué. La Crimée reste russe, laissant la marine russe de la mer Noire en mesure de protéger les flancs sud de la Russie. Et les sanctions occidentales n’ont pas réussi à écraser l’économie russe.

Pourtant, les États-Unis ont peut-être des raisons d’être satisfaits de ce qu’ils ont accompli jusqu’à présent. Après tout, la Russie est entravée et l’Europe se conforme et contribue au renforcement de l’OTAN. Ce sont les conditions nécessaires pour qu’un conflit plus important éclate, contre la Chine, selon le général Fabio Mini, ancien chef du commandement de l’OTAN pour l’Europe du Sud. (7)

Guerre contre la Chine

À un moment donné, les États-Unis devront mener une guerre contre la Chine s’ils veulent rester au pouvoir. Elbridge Colby, qui était secrétaire adjoint à la Défense de Trump, l’exprime ainsi : « Les États-Unis doivent... rester l’État le plus puissant à tous égards, partout. La force physique, en particulier la capacité de tuer, est la forme ultime de levier coercitif... La Chine est une menace parce qu’elle est sur une trajectoire où les États-Unis ne constituent peut-être pas une menace pour elle. Les États-Unis devraient conserver la capacité de tuer la Chine... ».

COMMENTAIRES  

19/11/2023 17:07 par act

Merci pour cette analyse des plus intéressantes et pertinentes.
S’agit-il d’un article écrit pour LGS ou d’une reprise et si reprise quelle est la source ?
Si publication originale pour LGS, que l’auteur.e n’hésite pas à en envoyer plus régulièrement.

19/11/2023 17:20 par act

Trouvé la réponse à ma question, la version originale est ici :
https://www.facebook.com/thesocialistcorrespondent/posts/pfbid087CRze2foNmTXKg8DoneGS1h448M5E9uQHbobcRCqmTF82Yka8cmaLX6TuUACRE2l
Galère pour trouver car étonnamment sur leur site les derniers articles datent de septembre ?
https://www.thesocialistcorrespondent.org.uk/
or FB c’est pas trop mon terrain ;)

Merci pour la traduction LGS :) (mais pourquoi ne pas sourcer ?)

19/11/2023 17:34 par Bernard Gensane

Merci pour votre lecture attentive de ce que nous publions. On source quand on nous donne des sources. La traduction n’est pas de nous.

19/11/2023 19:06 par Simon Korner

Mes excuses. J’ai oublié de donner le lien source. Merci de l’avoir fourni.
Nous sommes un site Web socialiste britannique. Notre page Facebook a récemment été censurée, vous devez donc la rechercher activement. En solidarité, Simon

19/11/2023 23:01 par act

Avec plaisir
et je suis toujours attentifs quand je lis :) Et là, cela faisait longtemps que je n’avais pas lu une analyse qui m’ai semblé aussi juste, complète et lucide.
J’avais cru y reconnaitre la patte de la 4em, si certains camarades qui en sont issus peuvent êtres problématiques dans la pratiques, restent qu’ils excellent dans l’analyse théorique des situations. Sans tomber dans les travers trop partisans ou la propagande, ils approchent souvent l’objectivité (dans la théorie, j’insiste ;). Je voulais donc vérifier cette impression.

20/11/2023 08:31 par Tardieu Jean-Claude

J’ai fait des recherches sur le Net, à part leur portail et le n°1 de leur revue qui remonte à 2007, et le fait qu’ils sont Britanniques apparemment. J’ai téléchargé le n°1 et traduit la première page, je n’ai rien trouvé qui renseignerait sur son origine, encore une officine fantôme, car il n’est nulle part question d’une quelconque organisation.

20/11/2023 12:22 par Xiao Pignouf

Pour ma part, contrairement à l’ami act, je reste dubitatif.

Les Ricains sont forts en gueule, c’est connu. Leurs déclarations ne valent que par ce qu’ils ont fait, moins par ce qu’ils disent qu’ils feront.

Quant à Taïwan, il faut attendre les élections de 2024. C’est crucial pour avoir une idée de la stratégie chinoise.

Je ne suis pas spécialiste de la chose militaire, loin s’en faut. Mais entreprendre une guerre contre la Chine dans l’avenir, ça me semble être un jeu risqué pour les EU qui n’ont guère démontré des capacités de winner ces dernières années. Logistiquement, ce serait une gageure pour eux et un avantage écrasant pour la Chine. Et cette fois, le territoire amerloque ne se trouverait pas aussi éloigné du théâtre des opérations.

Il me semble qu’il manque aussi les notes de bas de page à ce texte.

20/11/2023 12:42 par act

Merci pour la précision Simon,
j’en profite pour recopier les notes qui manquent à l’article :
1 https://www.washingtonpost.com/.../ukraine-war-west-gloom/
2 (Substack, 26 Sept 2023, https://seymourhersh.substack.com/.../a-year-of-lying...)
3 (Aug 9 2023, X, https://threadreaderapp.com/thread/1689220284375851008.html).
4 https://www.economist.com/.../europe-is-struggling-to...
5 https://aviationweek.com/.../french-defense-budget-rise-2024.
6 Naked Capitalism, 18 Sept 2023, https://www.nakedcapitalism.com/.../18-months-too-late...).
7 (Le Grand Soir 24 Sept 2023, https://www.legrandsoir.info/general-fabio-mini-l-ukraine...).
Pour ceux que cela intéresse, je signale que l’article comporte une deuxième partie,
peut-être envisagiez-vous de la traduire aussi ?
Bien à vous.

20/11/2023 14:55 par act

Salut Xiao et les autres,
Tu as probablement déjà lu l’article de Pilger : https://www.activista.be/2023/05/refusez-la-guerre-quon-veut-vous-imposer.html
J’ajouterai que je suis plus pessimiste que lui car je pense que dans le cas de la Chine, les USA n’hésiterons pas à utiliser l’arme nucléaire (sauf si la Chine développe très rapidement une capacité de réplique similaire à celle de la Russie).
Il me semble toutefois que Pilger en parle dans son film sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=G3hbtM_NJ0s

Il faut laisser un mérite aux yankee : ils sont toujours clairs sur leurs intention et respectent l’agenda qu’ils s’étaient fixé. Il y a plus de vingt ans déjà, le "think-tank" de référence de l’époque (PNAC) avait déjà fixé 2025 comme l’année "fatidique" dans la confrontation avec la Chine.
Là où l’analyse du "correspondant socialiste" est juste, c’est quand elle souligne les gains US/OTAN dans le conflit en Ukraine, ils sont indiscutables et ils sont souvent ignorés d’autres analystes, particulièrement ceux qui voient déjà l’empire s’effondrer et la Russie triompher.

Je ne partage pas l’opinion de ceux qui affirment que les US (et/ou l’OTAN) auraient "perdu" en Irak, en Syrie, en Libye et même en Afghanistan. L’objectif des USA n’est pas, n’a jamais été, de "gagner", de conquérir pour occuper mais de détruire, déstabiliser (un pays, une région ou une frontière) sévir, punir et appliquer la stratégie du choc (permanent).
Ce sont d’abord l’Ukraine et puis l’Europe qui perdent dans le conflit Ukrainien, la Russie résiste et marque des points mais ceux qui profitent largement du conflit, qui en tirent le plus de bénéfices divers, sont objectivement les USA.

20/11/2023 15:05 par act

PS : le film complet de Pilger " La guerre à venir contre la Chine" est disponible ici en Anglais : https://www.youtube.com/watch?v=kJa8jiD8bxA
et je retire ce que j’écrivais plus haut : Pilger est parfaitement conscient de la "tentation nucléaire" des USA envers la Chine.

20/11/2023 16:02 par Simon Korner

Voici le deuxieme parti.

La leçon du général grec Thucydide tirée de la guerre du Péloponnèse est qu’une grande puissance confrontée à un rival émergent doit frapper en premier si elle peut gagner avec un certain degré de certitude. La Chine est encore un pays en développement, d’où les appels croissants aux États-Unis à frapper le plus tôt possible, tant qu’il y a une chance. Un général de l’US Air Force a récemment prédit que la guerre éclaterait d’ici deux ans. (9)
Pourtant, apparemment, le jeu de guerre du Pentagone suggère qu’il ne peut pas gagner contre la Chine. Ainsi, au lieu d’une attaque imminente, les États-Unis augmentent la pression sur la Chine afin de l’affaiblir d’abord, selon le correspondant de guerre Elijah Magnier. Sur le plan économique, cela oblige la Chine à se lancer dans une course aux armements afin de réduire les investissements nationaux – la stratégie qui a contribué à vaincre l’URSS – tandis que les sanctions économiques visent également à entraver la modernisation de la Chine et à abaisser le niveau de vie. Pendant ce temps, il attise les revendications sécessionnistes des Ouïghours, de Hong Kong et de Taiwan, afin de déstabiliser la Chine à l’intérieur. Sur le plan extérieur, elle est en train de forger une alliance asiatique prête au combat pour encercler la Chine et a déplacé l’essentiel de sa propre marine vers la région Asie-Pacifique.
Cette accumulation externe progresse rapidement. Le Japon, principal allié des États-Unis, double ses dépenses militaires pour devenir le troisième pays dépensier en armement après les États-Unis et la Chine. Pour le moment, c’est le neuvième. L’historienne Rana Mitter affirme que le Japon est en train de passer d’un « géant économique semi-désarmé, une sorte d’Allemagne asiatique » à un acteur armé majeur, prêt à affronter la Chine. (10) Le Japon a également, comme l’Allemagne, subi des pressions pour abandonner ses relations cordiales avec la Russie – Poutine s’est rendu au Japon en 2016 – pour condamner la Russie et envoyer des armes à l’Ukraine.
Pendant ce temps, la Corée du Sud, qui accueille déjà 30 000 soldats américains, y déploiera périodiquement des sous-marins nucléaires américains, et l’Australie achète trois sous-marins à propulsion nucléaire dans le cadre de l’alliance AUKUS avec les États-Unis et le Royaume-Uni, devenant ainsi un acteur nucléaire de facto et se soumettant au contrôle militaire américain à un degré sans précédent.
Il y a ensuite Taïwan, dont les États-Unis arment et entraînent l’armée pour créer une base solide à partir de laquelle attaquer le continent. Les provocations de plus en plus effrontées des marines américaine et britannique dans le détroit de Taiwan visent à montrer avec quelle facilité elles pourraient étouffer les importations et les exportations de la Chine, y compris ses approvisionnements vitaux en carburant, dont la plupart passent par les détroits étroits.
Les États-Unis visent à empêcher la réunification chinoise, non seulement pour conserver Taiwan, mais aussi pour garder le contrôle de leurs alliés régionaux, en particulier la Corée du Sud, le Japon et les Philippines. S’ils perdent Taïwan, ces puissances perdront confiance dans la « protection » américaine et affirmeront leur autonomie. (11) La perte de ses États vassaux asiatiques signifierait l’éclipse de la puissance américaine en Extrême-Orient, et avec elle une éclipse plus générale. Il fera donc la guerre pour empêcher cela.
OBSTACLES À LA GUERRE
La Chine et la Russie – dont l’amitié de longue date s’est rapidement transformée en un « partenariat sans limites » en réponse aux sanctions et à l’agression américaines – représentent le principal rempart contre la capacité de l’Amérique à mener une guerre mondiale, malgré la préoccupation actuelle de la Russie concernant l’Ukraine. Tous deux défendent un ordre mondial stable, sous les auspices de l’ONU, et ont récemment accru leur coopération militaire mutuelle. Tous deux sont dotés de l’arme nucléaire.
En Asie, une autre contrainte à la campagne de guerre des États-Unis est la réticence de la plupart des pays à sacrifier leurs propres intérêts nationaux pour s’adapter à la stratégie américaine. Un État hésitant comme l’Inde, sur lequel les États-Unis continuent de faire pression, s’est abstenu sur diverses résolutions de l’ONU condamnant la Russie, a décuplé ses importations de pétrole brut russe au cours des 18 derniers mois et a continué à acheter des armes russes.
De même, la plupart des pays de l’ASEAN, comme la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie et le Vietnam, refusent d’imposer des sanctions à la Russie ou de choisir entre la Chine et les États-Unis.
Même la Corée du Sud n’est pas aussi conforme que les États-Unis le souhaiteraient. L’année dernière, le président Yoon est revenu sur sa décision de déployer davantage de systèmes antimissiles américains THAAD dirigés vers la Chine, de peur de s’aliéner le plus grand partenaire commercial de la Corée. Et même si la Corée se rapproche du Quad – le groupement militaire composé des États-Unis, du Japon, de l’Inde et de l’Australie – elle n’y rejoint pas. Et les tentatives américaines visant à rapprocher la Corée du Sud du Japon dans le cadre d’une alliance militaire anti-chinoise ont échoué face au refus catégorique du peuple coréen de pardonner les atrocités de la domination coloniale japonaise.
Au Japon également, où « le pacifisme est une idée fixe », selon un récent reportage de la BBC News (12), environ la moitié de la population reste fermement opposée à une modification de sa constitution « pacifiste ». Et à Taiwan, l’actuel gouvernement pro-occidental et anti-continental se heurte à une forte opposition de la part du parti Kuomintang et de ses alliés, qui ont une attitude plus coopérative envers Pékin.
Ailleurs dans le monde, en Afrique, la résistance à une guerre constante a produit une crise pour le régime néocolonial français au Niger, au Mali, au Burkina Faso et ailleurs. Au Moyen-Orient, les régimes conservateurs pro-occidentaux se sont rapidement éloignés des États-Unis et d’Israël alors que les massacres de Gaza se poursuivent.
Pas seulement au Moyen-Orient mais partout ailleurs, les classes dirigeantes des pays de la majorité mondiale, se méfiant du bellicisme américain et des sanctions qui leur nuisent sur le plan intérieur et stratégique, s’éloignent de l’étreinte occidentale pour se tourner vers une politique étrangère multilatérale.
En Europe, les expressions anti-guerre se multiplient, souvent de manière détournée : le scepticisme allemand à l’égard de la guerre a vu la montée de l’extrême droite AfD, et au moins 55 % de tous les Allemands sont désormais favorables aux pourparlers de paix ; Le nouveau président slovaque anti-guerre, Fico, a cessé d’armer l’Ukraine ; La Hongrie refuse de se joindre au chœur anti-russe ; Le soutien polonais à l’Ukraine a été affaibli après les protestations des agriculteurs contre les céréales ukrainiennes bon marché.
Aux États-Unis, les sondages d’opinion montrent que 55 % des Américains sont contre un financement supplémentaire de l’Ukraine, et cela devient un enjeu électoral alors que les Bidenomics ne parviennent pas à enrayer la baisse catastrophique du niveau de vie. Et des fissures s’ouvrent également au sein de la classe dirigeante américaine. Des personnalités importantes de l’establishment craignent que la guerre en Ukraine et les sanctions se retournent contre elle. Robert Gates, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense sous Bush et Obama, prévient que la Russie et la Chine dépassent les États-Unis dans le développement de relations étroites avec l’Afrique, l’Amérique latine et le Moyen-Orient. (13)
Fiona Hill, conseillère de Bush, Obama et Trump, estime que la guerre est devenue « un proxy pour une rébellion de la Russie et du reste contre les États-Unis ». Elle dit que cela marque la fin de la Pax Americana et que les sanctions punitives et les guerres illégales passées ont provoqué ressentiment et peur. (14)
Pendant ce temps, les républicains de MAGA soutiennent que plutôt que de combattre la Russie, les États-Unis devraient se concentrer uniquement sur la Chine. Il ne s’agit pas d’une classe dirigeante unie – comme nous l’avons vu récemment avec la lettre mutine des diplomates du Département d’État, qui craignent que les intérêts américains soient menacés par leur complicité dans les crimes de guerre israéliens.
Ici, où la population britannique a été intimidée pour se ranger du côté de l’establishment sur l’Ukraine, elle est moins susceptible d’accepter les assauts médiatiques et politiques lorsqu’il s’agit d’Israël. Les grandes manifestations pour une Palestine libre deviennent ainsi objectivement des mobilisations pour la paix et contre la guerre. Plus Israël massacre de personnes, plus le fossé grandissant entre dirigeants et gouvernés est révélé partout dans le monde.
Néanmoins, la campagne américaine vers la guerre mondiale a déjà un élan considérable, et tout désaccord avec l’establishment américain ne porte pas sur la paix mais uniquement sur les meilleures méthodes pour perpétuer la suprématie américaine. Depuis plusieurs années, une propagande virulente attise l’opinion publique américaine et occidentale contre la Chine, tout comme les mensonges d’Hillary Clinton sur le Russiagate préparent le terrain idéologiquement pour la guerre en Ukraine. Biden a appelé à une transition vers une production de guerre aux États-Unis, dont il qualifie le complexe militaro-industriel « d’arsenal de la démocratie ». Une commission bipartite du Congrès a conclu il y a un mois que les États-Unis devaient se préparer à des guerres simultanées contre la Russie et la Chine. La mobilisation rapide de la marine américaine au Moyen-Orient et les bombardements américains de cibles syriennes montrent que les États-Unis ne permettront jamais que leur position dominante mondiale soit menacée. Sa guerre contre le terrorisme a tué quatre millions et demi de personnes et créé 38 millions de réfugiés. Elle provoquera bien pire s’il le faut, et on ne peut pas lui faire confiance pour agir de manière rationnelle, même dans son propre intérêt. Seule une pression populaire massive, surtout de la part de la classe ouvrière organisée, pourra l’arrêter.
Et pourtant, nos mouvements syndicaux et pacifistes ont été extrêmement faibles sur les questions de guerre et de paix, comme nous l’avons vu au congrès du TUC où une terrible motion en faveur d’une augmentation des dépenses en armement a été adoptée. Nous devons continuer à faire valoir que la guerre en Ukraine était, dès le départ, une provocation délibérée de la part de l’OTAN, que la Russie a agi en état de légitime défense dans le but de maintenir la neutralité de l’Ukraine et que ce sont les puissances occidentales belligérantes, en particulier les États-Unis, qui en sont responsables. et la Grande-Bretagne, qui représentent un réel danger pour la paix mondiale. L’escalade actuelle au Moyen-Orient ne pourrait que rendre cela plus clair.
Remarques :
1 https://www.washingtonpost.com/.../ukraine-war-west-gloom/
2 (Substack, 26 septembre 2023, https://seymourhersh.substack.com/.../a-year-of-lying...)
3 (9 août 2023, X, https://threadreaderapp.com/thread/1689220284375851008.html).
4 https://www.economist.com/.../europe-is-struggling-to...
5 https://aviationweek.com/.../french-defense-budget-rise-2024.
6 Naked Capitalism, 18 septembre 2023, https://www.nakedcapitalism.com/.../18-months-too-late...).
7 (Le Grand Soir 24 sept 2023, https://www.legrandsoir.info/general-fabio-mini-l-ukraine...).
8 https://en.rattibha.com/thread/1515197978482409476
9 https://nilepost.co.ug/.../gen-advises-us-to-avoid-open.../
10 https://www.spectator.co.uk/.../japans-plans-for-an.../
11 https://csbaonline.o

20/11/2023 19:49 par Vania

Pour le dernier message de @act qui dit :"Je ne partage pas l’opinion de ceux qui affirment que les US (et/ou l’OTAN) auraient "perdu" en Irak, en Syrie, en Libye et même en Afghanistan. L’objectif des USA n’est pas, n’a jamais été, de "gagner", de conquérir pour occuper mais de détruire, déstabiliser (un pays, une région ou une frontière) sévir, punir et appliquer la stratégie du choc (permanent)."
J’ajouterai aussi le pillage /vol des actifs de ces pays et le contrôle/vol des ressources naturels (gaz, pétrole et autres richesses )

21/11/2023 05:39 par Xiao Pignouf

Là où l’analyse du "correspondant socialiste" est juste, c’est quand elle souligne les gains US/OTAN dans le conflit en Ukraine, ils sont indiscutables et ils sont souvent ignorés d’autres analystes, particulièrement ceux qui voient déjà l’empire s’effondrer et la Russie triompher

Sur ça, je suis d’accord. Le soutien au conflit ukrainien avait selon moi deux objectifs pour les EU : affaiblir la Russie, économiquement et sur le plan international (celui-là, c’est mort) et, affaiblir l’UE au bénéfice de l’économie américaine en sectionnant ses liens subsistant avec la Russie (celui-là est rempli). Non, c’est vrai, la Russie a gagné mais les EU n’ont pas perdu.

21/11/2023 11:29 par michel PAPON

Personne ne peut rivaliser avec les USA dans l’art de se tirer dans le pied. Ils avaient d’abord detruit l’Irak qui etait un rempart naturel à l’expansion de l’Iran ; ne s’arretant pas en si bon chemin ils ont suscité une alliance de plus en plus etroite entre deux pays dont Kissinger avait que tout devrait être fait pour eviter un rapprochement : la Russie et la Chine.
Cerise sur le gateau, en amorçant une guerre en Europe ils ont initié un formidable developpement de l’outil militaire russe que rien ne semble pouvoir arreter.

22/11/2023 12:21 par act

@Vania
En effet, il n’est pas nécessaire d’occuper et conquérir pour piller un pays ou pour voler ses ressources,
une ou deux bases peuvent suffire, comme en Syrie.
La solution préférée des yankee -et du capitalisme en général- étant actuellement la sous-traitance.

(Commentaires désactivés)