RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Les Sorcières de Zugarramurdi : un film où l’on rit !

Alex de la Iglesia est plus populaire en Espagne qu’Almodovar. Il y a deux ans, il s’était fourvoyé dans le genre sérieux, essayant d’appliquer son humour à l’Histoire, celle de la Guerre civile, mais n’aboutissant qu’à renvoyer dos à dos républicains et franquistes.

Ses films purement comiques donnent en fait des critiques bien plus pertinentes et percutantes. Dans le cinéma populaire, il représente un comique grotesque et même brutal qui rit de tout, y compris de sujets tabous (l’esperpento) ; il a pour compère Santiago Segura, auteur du plus grand succès espagnol, avec son film Torrente, le bras gauche de la loi (où il se moque même des mongoliens).

Rire de tout, grave défaut aujourd’hui, où le domaine du rire se rétrécit de plus en plus : on n’a pas le droit de rire des Juifs (pourtant, l’humour juif ne consiste-t-il pas à se moquer de sa tribu ?), mais on ne peut plus se moquer non plus du sexe (d’où les attaques haineuses contre Nymphomaniac sur Critikat par exemple), ni des femmes et du féminisme ; c’est pourquoi les Cahiers du Cinéma exécutent les Sorcières : film machiste ! Pourtant, sur cette voie, les Étasuniens (semble-t-il) l’ont précédé, démolissant aujourd’hui la figure de la super-woman répressive, parfaite dans tous les domaines et porte-parole du politiquement correct : ils mettent maintenant en avant des personnages féminins trash.

Dans les Sorcières, on part d’un thème commun à Ken Loach (qui pourtant, lui, ne peut être accusé de machisme) : le problème des divorcés. Dans The Navigators, Loach montrait un personnage de cheminot qui, divorcé avec deux petites filles, consacrait la plus grande partie de son salaire à payer la pension alimentaire de sa femme, qui vivait avec un autre homme (et sur le salaire de celui-ci) ; en outre, s’il voulait pouvoir recevoir ses filles un week-end sur deux, il devait aussi payer le loyer d’un appartement avec une chambre pour elles. Résultat : pris à la gorge, il devait renoncer au statut de fonctionnaire "résiduel", et accepter le statut d’intérimaire, conçu sur le principe du "travailler plus pour gagner plus" (avec toutes ses contraintes et ses risques). Dans les Sorcières, un personnage, dans la même situation, en est réduit à dormir dans sa voiture.

Machisme ou pas, il y a là un problème et un problème social (et non "sociétal") : le divorce est un petit jeu agréable chez les classes aisées (et nos dirigeants libéraux montrent allègrement l’exemple). Mais, chez les ouvriers, hommes ou femmes, il entraîne le plus souvent une dégradation de la situation socio-économique et souvent même des situations dramatiques qui rendent les travailleurs corvéables à merci. On pourrait en conclure que la promotion du divorce et d’un certain féminisme est aujourd’hui une forme de la lutte des classes (des riches contre les pauvres).

Certes, la généralisation de la situation (tous les hommes du film se découvrent solidaires dans leurs griefs contre leur femme ou ex-femme) relève de l’exagération comique ; on pourrait aussi y voir une dénonciation de la guerre de tous contre tous, et en particulier, de la guerre des sexes qu’instaure la société libérale. En tous cas, de la Iglesia soulève un problème que les films "sérieux" (psychologiques) travestissent, eux, sous le mythe de la famille recomposée, gage de liberté et d’épanouissement individuel.

Mais la première raison du plaisir que procure le film, c’est la forme du comique, à la fois réaliste et surréaliste ; car nous sommes dans le réel le plus quotidien (le succès des commerces d’achat d’or, dû à la crise), mais, en même temps, les situations réalistes (un hold-up dans un de ces magasins) dérapent vers des gags loufoques : les cambrioleurs, pour détourner l’attention, se déguisent en statues vivantes incongrues, ou encore, pendant le hold-up, le héros, un fusil dans une main, le portable dans l’autre, doit régler avec sa femme les problèmes relatifs à la garde partagée de leur fils.

La deuxième partie (les cambrioleurs, dans leur fuite, arrivent dans un village de sorcières ogresses) est d’un comique moins efficace, dans la mesure où l’élément réaliste s’affaiblit. Mais on reste au niveau d’un bon film de vampires gore ; et même si on retrouve les clichés liés au personnage de la sorcière, la nuit de sabbat permet aussi au réalisateur de déployer toute sa fantaisie, et une certaine puissance dans les séquences collectives. Certes, la charge anti-féministe se poursuit dans le personnage de la déesse des sorcières, Vénus hottentote géante, mais, après tout, les fantaisies de la Iglesia rappellent, et sur un rythme endiablé, les fantasmes de Fellini dans La Cité des femmes.

Rire semble devenu aujourd’hui une activité hautement subversive et sous surveillance, comme dans le film médiéval de J. J. Annaud, Le Nom de la rose ; curieusement, la laïcité n’a pas fait disparaître la fonction de Grand Inquisiteur. Profitons donc de la liberté dont jouissent encore les "clowns", surtout lorsque le rire suscité est aussi stimulant. (Du côté français, le premier film au box-office est Profs avec son comique infantilisant ! Heureusement, on peut encore voir, sur un registre plus contenu que les Sorcières, Quai d’Orsay).

Rosa Llorens

URL de cet article 24062
  

Le Joueur. Jérôme Kerviel seul contre tous
Paul-Eric BLANRUE
Chris Laffaille, journaliste à Paris-Match, et moi venons d’écrire un livre consacré à Jérôme Kerviel : Le Joueur, Jérôme Kerviel seul contre tous (Scali, 2008). Il s’agit de la première enquête de l’intérieur sur cette incroyable gabegie, qui coûté 5 milliards d’euros à la Société générale (Socgen). Pourquoi un livre sur cette affaire ? Parce que les grands médias ne sont pas parvenus à faire leur job, et notamment à interviewer certaines personnes dont nous avons réussi à obtenir le témoignage. Qui donc ? Des (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Tout le savoir-faire de la politique conservatrice du 20ème siècle est déployé pour permettre à la richesse de convaincre la pauvreté d’user de sa liberté politique pour maintenir la richesse au pouvoir."

Aneurin Bevan (1897-1960)

Le DECODEX Alternatif (méfiez-vous des imitations)
(mise à jour le 19/02/2017) Le Grand Soir, toujours à l’écoute de ses lecteurs (réguliers, occasionnels ou accidentels) vous offre le DECODEX ALTERNATIF, un vrai DECODEX rédigé par de vrais gens dotés d’une véritable expérience. Ces analyses ne sont basées ni sur une vague impression après un survol rapide, ni sur un coup de fil à « Conspiracywatch », mais sur l’expérience de militants/bénévoles chevronnés de « l’information alternative ». Contrairement à d’autres DECODEX de bas de gamme qui circulent sur le (...)
103 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.